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La recette du Food & Beverage pour relever la valeur

Illustration : Le bâtiment Sways – « smart ways to work » –, qui sera développé par l’investisseur Primonial Reim et le promoteur Bouygues Immobilier au cœur d’Issy-Val de Seine, à Issy-les-Moulineaux, fait la part belle à la restauration. Dans l’atrium central du bâtiment, le chef landais Julien Duboué proposera une offre évoluant au fil de la journée et de la semaine, dans une ambiance décontractée – © L’autre Image – Agence d’Architecture Anthony Béchu & Associés – Volume ABC

 

Réinventer les lieux. Repenser les usages. Revisiter l’expérience. Tous les mondes de l’immobilier sont challengés, disruptés, questionnés, voire ébranlés. Pour sauver la valeur des mètres carrés et upgrader celle des actifs, une arme de dissuasion massive émerge telle une lame de fond : le Food & Beverage. Solution miracle ou effet placebo : les opérateurs immobiliers et leurs partenaires serviciels sont à la manœuvre pour repartir sur un nouveau cycle de partenariat. Enjeux…

1 . À la rescousse du commerce

Poste d’observation avancé des évolutions sociétales, le commerce – et son acception la plus aboutie, le centre commercial – fait face à une nouvelle équation à entrées multiples. Moins de commerce utilitaire mais plus d’expérience. Moins de consommateurs (au sens strict du terme) mais plus de flux. Moins d’immobilier mais plus de services. La solution à cette équation difficile tient en deux mots : Food & Beverage.

« La mode du Food & Beverage remonte à une dizaine d’années dans les centres commerciaux. Elle répond à deux questions essentielles : Comment allonger la durée de visite des consommateurs ? Et comment pallier au déclin annoncé des enseignes d’équipement de la personne ? », introduit Christian Dubois, Head of Retail Services France au sein de Cushman & Wakefield. Et d’ajouter : « Le Food & Beverage, qui échappe au passage aux Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), cumule plusieurs avantages : une bonne rentabilité, la capacité à attirer et à fidéliser une clientèle additionnelle et une complémentarité par rapport au e-commerce. En effet, les plates-formes de livraisons représentent un chiffre d’affaires complémentaire en élargissant la zone de chalandise plus qu’elles ne cannibalisent l’offre physique. »

Il y a une condition essentielle pour que la recette du Food & Beverage fonctionne : réinventer, repenser, compléter l’offre de restauration. Aux côtés du sempiternel mais nécessaire triptyque fast food/brasserie/boulangerie haut de gamme, pointe une autre offre, assise sur d’autres valeurs et véhiculant d’autres images. Celle du bien-manger accessible, favorisé par le recours à une nouvelle génération de chefs et les MOF (meilleurs ouvriers de France). Celle de l’expérience inédite qui mêle les usages et les flux. Celle du lien social qui fait paradoxalement défaut dans le champ de l’urbain. Trois enjeux forts qui donnent au centre commercial d’autres fonctions que celle de consommer : réunir, divertir, faire plaisir. Et qui ne sont pas la seule panacée du commerce.

2. À la manœuvre dans le bureau

Dans un monde de l’entreprise gouverné par le collaboratif, le télétravail et la mobilité, le Food & Beverage monte naturellement en puissance. « La restauration tertiaire n’échappe pas aux évolutions structurelles en matière d’alimentation : la recherche de produits sains et équilibrés, avec un maximum de transparence sur le mode d’approvisionnement des produits », souligne Stéphane Keulian, fondateur de la société de conseil Interface.

De plus en plus intégré en amont de la conception des immeubles, le volet restauration devient stratégique pour les entreprises mais aussi pour les actifs qui doivent marquer leur différence. En interne, avec la volonté assumée d’attirer les talents et de fidéliser les collaborateurs. En externe, avec la nécessité de soigner l’image de l’entreprise. À l’instar de son inspirateur – le commerce –, le bureau est confronté à deux grandes séries d’enjeux : l’offre et l’espace. Ce couple est la clé du succès d’une politique F&B dans le bureau. « L’arrivée en masse de la génération millennials bouleverse les codes et les pratiques en entreprise. La recherche d’expérience, de sens et d’émotion conduit à repenser fondamentalement les espaces de travail et les positions alternatives. À cela, s’ajoute la pression économique des entreprises qui challengent de plus en plus l’impact des parties communes, payables à 100 % de leur surface lorsqu’elles ne sont utilisées que 25 % du temps », poursuit Stéphane Keulian. Fonctionnel et esthétique, le lieu doit également porter la culture de l’entreprise, cultiver le sentiment d’appartenance. Plus que jamais, la dimension Food & Beverage, pensée très en amont des immeubles, entre dans le champ de l’argument commercial. Générateur de valeur, il repose sur un trépied vertueux. Économique car l’enjeu, c’est d’abord un meilleur rapport qualité/prix. Social et sociétal, car le lieu devient un enjeu majeur. Environnemental, car manger mieux est au fronton de toutes les politiques Food & Beverage.

Food halls, rooftops : les nouveaux modèles gagnants du Food & Beverage

En investissant la cinquième façade ou en ressuscitant, en cœur de villes, des halles alimentaires, allégories de nos marchés, les opérateurs du F&B ont déjà fait la moitié du chemin. Ils ont décroché le lieu en attendant de décrocher l’assiette. Dans deux études sur les rooftops et les food halls en Europe, Cushman & Wakefield plonge dans l’antre de ces nouveaux places to be qui font de chaque visite une expérience inédite et renouvelée. Du sage Paris à l’exubérant Londres, en passant par l’excentrique Lisbonne ou la surprenante Athènes, dîner avec vue est devenu un must. Comme l’expérience food hall qui se décline viralement dans toutes les métropoles européennes à la tradition marchande séculaire. Le food hall d’aujourd’hui véhicule les valeurs du marché d’hier : authenticité, convivialité et sérendipité. Dans l’aspiration des Eataly, les food halls travaillent sur un nouveau matériau : la culture food.