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Carte blanche à Alain Moatti, Moatti-Rivière

L’agence d’architecture Moatti-Rivière est reconnue pour sa capacité à offrir un visage très contemporain à des lieux chargés d’histoire tout en respectant leur identité. Une marque de fabrique sur laquelle revient Alain Moatti.

Image à la Une : © Michel Denancé

« Les gens entassés dans  les villes veulent aujourd’hui habiter dans un lieu qui a du caractère, un visage, une identité reconnaissable. En plus de ses qualités environnementales et de confort et au-delà du fonctionnel, on habite véritablement où l’on désire rester, où l’on préfère passer, où l’on aime contempler. L’architecture doit répondre à une envie et non à un besoin… » Cette « scénographie » est à l’origine de l’agence Moatti-Rivière née en 2001 de la rencontre entre Alain Moatti, architecte et scénographe, et Henri Rivière (1965-2010), architecte designer. « La scénographie est l’art de la narration. Nous l’avons appliquée à l’architecture. Ainsi, notre architecture met en scène, prolonge les histoires des lieux pour transmettre de l’émotion et de la connaissance. On ne propose pas seulement un bâtiment, mais un lieu de vie unique », explique Alain Moatti. 

Deux projets illustrent parfaitement cette approche de l’architecte qui a été confronté ici à deux exercices de métamorphose d’un patrimoine contemporain : l’un pour des logements à Charenton-le-Pont et l’autre pour des bureaux à Aubervilliers.

Du monumental à l’intime

Le projet de Charenton-le-Pont transforme un immeuble de bureaux en logements. L’opération consistait à intégrer 90 appartements dans un immeuble des années 1970 situé en face de l’autoroute A4. L’équipe a donné au bâtiment une façade à la fois publique et intimiste. Les modénatures en béton préfabriqué sont conservées mais allégées. Une nouvelle façade est posée en retrait de celle-ci, créant une loggia dans l’épaisseur. Le bois (du mélèze) habille tous les espaces privatifs extérieurs de chaque logement : murs et sous-faces des loggias, jardinières. Par l’ajout de cette dimension domestique, cette façade qui n’appartenait à personne appartient désormais à tous. Cette reconversion se distingue également par des hauteurs sous-plafond de 3 m peu communes dans l’habitat et de grandes baies vitrées dans chaque pièce des logements, y compris les salles de bains.

« Pour beaucoup de ces logements, nous allons au-delà du fonctionnel, le déjà-là nous amenant à proposer des solutions plus singulières que dans les habitations standardisées », avance l’architecte. Une reconversion engendre peu d’interventions sur le gros œuvre, ce qui est vertueux au regard du bilan carbone et autorise des prestations que le maître d’ouvrage ne peut pas se permettre dans du neuf. Ce dernier est donc amené à casser les codes. Un travail sur l’existant conduit à trouver des solutions inventives malgré les contraintes.

« Une reconversion, c’est un “corps augmenté” pour lui donner plus de qualités. On accentue les traits d’origine pour rendre les lieux uniques. Ils ne correspondent pas toujours à l’ensemble des besoins, mais leur identité forte répond à l’envie des utilisateurs », conclut Alain Moatti.

Une architecture nommée Palazzo

Le site de ce concours se trouve à Aubervilliers, le long d’un boulevard passant. Il abrite des bâtiments épars hérités des XIXe et XXe siècles qui ont notamment accueilli LT Piver, un parfumeur travaillant pour Chanel. Un lieu rappelant un héritage oublié, acquis par la Société de la tour Eiffel qui, par voie de concours, a souhaité le réhabiliter. La feuille de route ? Créer un campus tertiaire et y faire entrer la ville en y implantant des animations. 

L’agence Moatti-Rivière s’en est emparée en ajoutant des bâtiments neufs, mais surtout en couvrant l’ensemble d’une immense verrière (en ETFE) inspirée de la célèbre galerie Victor Emmanuel II de Milan pour y abriter au-dessous des espaces communs. « Par ce geste architectural, nous inventons un petit urbanisme riche en espaces publics avec des places, des rues et des jardins », explique Alain Moatti, architecte du projet.

Le Palazzo – car c’est son nom – fait une large place à la nature. Par sa mixité, l’immeuble et ses espaces extérieurs sont des lieux de travail. Les rues couvertes font l’objet d’un projet paysager qui les tempère. Les toitures accueillent des jardins. L’univers sensoriel de senteurs et de parfums fait l’objet d’une attention particulière. La saisonnalité marquée de la végétation permet aux usagers de rester en contact avec le temps naturel, au rythme de leurs activités de manière à travailler autrement. Le campus respire et inspire des relations apaisées avec l’environnement urbain… et humain, grâce aux échanges qu’il favorise. Si cette architecture conserve ce qui marque l’histoire du lieu et la complète pour répondre aux aspirations d’une communauté contemporaine, le dernier mot revient à son auteur et donne à méditer tant il est juste pour saisir sa philosophie : « Dans ce projet, nous proposons non pas un flacon, mais un parfum. »