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« La ville ne se fera plus sans ses habitants »

Guénaëlle Gault est la directrice générale de l’ObSoCo, l’Observatoire société et consommation. Elle revient pour in interiors sur sa dernière étude analysant la relation qu’entretiennent les citadins avec leur lieu de vie, ainsi que leurs aspirations pour leur ville, à l’heure le réchauffement climatique inquiète.

 

in interiors : À la lecture de votre étude, on comprend que 53 % des Français voudraient, s’ils le pouvaient, quitter leur lieu de vie. Comment l’expliquez-vous ?

Guénaëlle Gault : Comme lors de la première édition de cette étude en 2017, nous notons en effet un certain rejet des villes actuelles, associées pour beaucoup à des nuisances et des congestions. Fait notable : l’envie de partir semble inextricablement liée à la densité du lieu dans lequel vivent les répondants. En résumé, les personnes vivant dans des endroits très denses, ou à l’inverse très peu denses, déplorent plus souvent bénéficier d’une « très mauvaise » qualité de vie et sont donc, en toute logique, plus attirées par un « ailleurs ».

 

ii : Qu’attendent les répondants d’un lieu de vie « idéal » ?

GC :  À leur sens, la ville idéale sera tout d’abord celle construite avec eux ! Les citoyens ont une vraie volonté de s’investir, particulièrement au niveau local. La confiance est désormais essentielle : la ville ne se fera plus sans ses habitants. Et surtout, tous réclament une ville « à taille humaine », où tout serait à portée de main, et qui accorderait une plus grande place à la nature et aux mobilités douces. La proximité est devenue le nerf de la guerre. Les citoyens attendent une offre de quartier, tant en termes de services que de commerces. Et surtout, ils espèrent se rapprocher de leur emploi. Un tiers des actifs français serait même prêt à changer de poste pour se rapprocher de son lieu de vie idéal. Aujourd’hui, cette accessibilité s’impose loin devant tous les autres paramètres associés au lieu de vie idéal. Ce qui pousse tous les acteurs de l’immobilier et de la ville à prendre conscience de l’importance du rôle et de la place du logement dans la ville de demain.

 

ii : Parmi vos répondants, 73 % sont inquiets des conséquences du réchauffement climatique. Quelles sont les transformations attendues pour que la ville génère moins d’inquiétudes face à ces conséquences ?

GC : Des transformations sont déjà en cours, notamment pour s’orienter vers des mobilités plus douces. Dans notre étude, nous avons distingué deux types de mobilités : les modes de déplacement idéaux et principaux. On dénombre notamment 56 % des personnes qui voudraient se déplacer à pied, alors que seulement 26 % le font réellement. 33 % voudraient pouvoir utiliser les transports en commun pendant que 19 % le font. Trente pour cent voudraient utiliser le vélo alors que dans la réalité, il n’y a que 7 % de cyclistes… La voiture semble être un transport contraint, par manque de solutions de proximité. Il y a donc un enjeu d’attractivité pour les villes qui doivent s’adapter aux aspirations nouvelles des citoyens.

 

ii : La notion de « ville nature » semble plébiscitée par vos répondants. Comment définiriez-vous cette notion et pourquoi séduit-elle tant ?

GC : Ces dernières années, les préoccupations environnementales se sont intensifiées et inquiètent individuellement, notamment par le prisme de la santé. La mauvaise qualité de l’air, les épisodes sévères comme les canicules, etc. sont autant d’éléments qui alarment les citoyens. Or, la ville moderne a été créée sur des bases fonctionnelles, perdant sa compatibilité avec la nature, mise de côté. Les citoyens aspirent aujourd’hui à des lieux de vie où un écosystème complet serait recréé, en ne rejetant plus la biodiversité en dehors de la ville.

 

ii : Et le numérique alors, sujet longtemps central lorsque l’on imaginait la « ville de demain » ?

GC : Cela fait à mon sens partie des résultats les plus surprenants de cette étude. Les répondants ont clairement fait part de leur réticence face au numérique. Alors qu’il pourrait aider à créer une proximité harmonieuse, les gens sont très réticents, surtout à l’idée de partager leurs données personnelles. Si les villes veulent utiliser la technologie, elles ne pourront plus le faire sans le consentement des citadins. Pour le moment, les citoyens ont plus l’impression qu’on leur prend sans rien leur fournir en retour. L’habitant est aujourd’hui conscient de la valeur ses données, il veut donc monnayer et obtenir quelque chose d’utile en retour. 

 

 

Photo : © DR

Infographie Observatoire des Usages et Représentation des Territoires