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Anne-Laure visite… Lille capitale mondiale du design

En septembre 2019, la World Design Organization désignait Lille capitale mondiale du design pour 2020. Un programme légèrement chahuté par la crise… mais qui voit finalement le jour depuis peu. Avec plus de 50 évènements sur 20 sites à travers les Flandres, le territoire se transforme depuis quelques semaines en théâtre d’expérimentations design. Voilà de quoi susciter mon intérêt !

Expositions, maisons POC, ateliers, conférences… Fraîchement débarquée sur le parvis de la gare Lille Flandres, je m’attends à ce que le design me saute aux yeux… Eh bien, pas du tout ! Très clairement, le parti pris de la ville n’est pas d’en mettre plein la vue. Alors qu’en est-il ?

Dans l’imaginaire collectif, le design, c’est du beau. C’est bel et bien à cette idée reçue que la capitale des Flandres entend tordre le cou ! Si la candidature de Lille s’est démarquée par son projet d’accélération du développement de la métropole, les événements qu’elle propose sensibilisent davantage à l’utilisation efficace du design dans la vie économique, sociale et culturelle qu’ils ne se résument à une simple vitrine de pièces iconiques.

Certaines expositions le prouvent par l’exemple à l’instar de « Designer(s) du design » au Tri postal qui retrace l’histoire de cet « art impliqué » comme le définit Jacques Viénot et son impact dans la vie quotidienne. Charlotte Perriand, Philippe Starck, Fritsch+Durisotti ou encore Pierre Paulin, ce sont les œuvres d’une soixantaine de designers qui sont ainsi mises en lumière, des pièces parfois futiles à celles souvent utiles. Abri voyageurs, rame de tramways, luminaires ou électroménager… sans parfois qu’on s’en rende compte, le design nous entoure.

Également au Tri postal, l’exposition « Sens Fiction » sous le commissariat du designer Rami Fischler met en exergue la fiction et les récits d’anticipation de l’ère industrielle et leur rôle pour imaginer les usages de demain. En effet, la fiction scénarise le futur, met en scène les usages quotidiens et anticipe certaines problématiques.

Depuis mon arrivée, j’en prends plein les mirettes. Bien sûr, tout est étonnant et esthétique, mais au-délà même des projets, ce sont les questions qu’ils posent qui interpellent. Et cette projection de ce que pourrait être le monde de demain ne s’arrête pas là !

Quelques centaines de mètres plus loin, à la gare Saint-Sauveur, « Usages du Monde » nous fait parcourir la planète à la recherche de projets d’architecture et design innovants et agiles, qui s’adaptent aux nouvelles données et problématiques. Faire face à la raréfaction des ressources est effectivement un enjeu auquel certains pays trouvent déjà des solutions et dont il est intéressant de s’inspirer. Réagencer un centre commercial en logement pour les plus démunis à Los Angeles, valoriser un terrain atypique via une architecture opportune à Lille ou encore développer une structure publique ouverte à la mixité fonctionnelle revendiquée à São Paulo, de la pièce à l’immeuble, de la France au Japon, les exemples se succèdent.

Toujours au sein de cet immense hangar désaffecté, « La Manufacture, labour of love » explore et revisite toutes sortes de matériaux, de la pierre au bois, du plastique aux fibres végétales et suggère de nouvelles utilisations. Création d’assises en papier recyclé, parois alvéolées en fibres ou chaises en branches… Cette exposition nous sort de notre zone de confort et nous laisse entrapercevoir un autre intérieur.

À travers ces différentes expositions, Lille capitale mondiale du design ouvre une fenêtre sur le monde et nourrit notre culture du design. Mais cela va bien au-delà.

Les maisons POC

L’essence du programme pourrait bien être ces maisons POC. POC pour Prouf Of Concept. Habiter, Ville collaborative, Économie circulaire, Prendre soin, Action publique et Mobilité. Six thèmes autour desquels citoyens, entreprises, designers et institutions ont réfléchi pendant plus de 18 mois, ont souvent expérimenté, ont même parfois développé des concepts.

Au total, ce sont plus de 500 projets qui enrichissent les maisons POC, fruits d’un colloque de porteurs hétérogènes, ayant pour objectif de valoriser l’amélioration de la qualité de vie des usagers et le développement pour la métropole, se servant du design comme d’un outil.

Certains sont fous comme la maison avec travaux à 1 €, d’autres plus réalistes telle la cuisinette réinterprétée ou bien plus séduisants comme le cht’i* Cabano, concept de cabane sur l’eau, mobile et modulable.

La maison POC Ville collaborative poursuit quand à elle trois objectifs : le « Vivre-ensemble », la collaboration facilitée et la coproduction des projets. Ici, on parle de design de terrain, de design démocratique et cela aboutit à des concepts tels le HLM haute qualité sociale ou sept logements pour un jardin, entre autres. L’espace de travail est également au cœur des préoccupations avec plusieurs projets comme la « station de travail » ou «  Habiter son lieu de travail ».

Des projets intéressants qui intègrent les nouveaux paramètres de télétravail, de contraintes sanitaires, de densité croissante, d’énergie renouvelable et démarches écoresponsable et, cerise sur le gâteau, de design… et pas l’inverse.

 

Alors même que je n’ai parcouru que quelques lieux, la capitale des Flandres m’a offert une visite extrêmement riche ; riche d’informations, riche de témoignages, riche de pièces iconiques, riche de perspectives aussi. C’est avec du beau plein les yeux et des questions plein la tête que je reprends mon TGV. Sans nul doute « Design is capital ». À travers ces manifestations, Lille lui donne une tout autre dimension et révèle une capacité à se réinventer par la création.

 

Crédits : © Anne-laure Alazard