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Face aux mètres carrés de bureaux inoccupés, capitaliser sur la réversibilité

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Stéphane Leport, directeur général délégué de Nexity Immobilier d’Entreprises, prend la plume sur in interiors pour donner son point de vue sur la réversibilité des bâtiments comme solution durable.

 

Les importantes mutations urbaines liées aux évolutions des modes de vie et de travail durant la crise sanitaire, aux exigences démographiques et environnementales et à la pénurie de logements invitent à penser la réversibilité des bâtiments comme une solution durable de manière à les adapter selon les évolutions des usages à court, moyen et long termes, passant par exemple des bureaux aux logements. La réversibilité s’appuie sur une conception évolutive des bâtiments afin d’assurer la possibilité d’aménager les espaces dans le temps et d’en transformer les usages. Alors que l’Île-de-France comptabilise plus de 720 000 demandes de logements sociaux, plusieurs millions de m2 de bureaux sont inoccupés. D’après une étude de l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise d’Île-de-France (ORIE), plus de 4 millions de m2 de bureaux sont inoccupés et un quart environ de ces bureaux de seconde main souffrent de vacance depuis plus de quatre ans. C’est pourquoi, dès 2018, le ministère de la Cohésion sociale s’était fixé l’objectif de transformer 500 000 m2 de bureaux franciliens en logements d’ici 2022.

 

300 000 m2 de bureaux en Île-de-France sont immédiatement transformables en logements

Pour les foncières et autres investisseurs, transformer une partie de leurs actifs tertiaires est à la fois une sécurité et une opportunité. La crise sanitaire a accéléré l’émergence du télétravail et de nombreuses entreprises ont fait le pari de réduire le nombre de mètres carrés de leurs bureaux. Pour l’heure, seuls 300 000 m2 de bureaux en Île-de-France sont immédiatement transformables en logements selon l’ORIE, soit près de 4 600 appartements de 65 m2. Plutôt que de laisser ces espaces inoccupés, certaines foncières opèrent de grandes transformations sur leurs actifs tertiaires, bien que parfois coûteuses, pour s’assurer des revenus réguliers et ainsi pallier le manque à gagner. Ces projets innovants s’annoncent comme de belles réussites dans des quartiers dynamiques, à proximité des gares du Grand Paris notamment.

Espaces ouverts et vitrés pour l’un, espaces plus cloisonnés pour l’autre, bureaux et logements n’ont pourtant que peu de points communs dans leur conception. Les standards de construction des bureaux et logements présentent d’importantes différences, que ce soit en termes de volumes, de typologie des façades, ou encore de normes de sécurité incendie. La hauteur standard sous-plafond est par exemple de 2,5 m pour le logement contre 2,7 m pour des bureaux, et les façades des bureaux sont en moyenne deux fois plus vitrées que celles des logements… Ces contraintes techniques impliquent des coûts conséquents de transformation sans compter la perte d’espaces rentables en passant des bureaux aux habitations, 15 % en moyenne, en raison de la création de parties communes notamment.

 

Plutôt que transformer, anticiper la réversibilité des actifs

La présidente de l’Union sociale pour l’habitat, Emmanuelle Cosse, a récemment reconnu que l’objectif de construction de 110 000 logements en 2020 ne serait pas atteint* et annoncé l’ambition de construire 150 000 logements par an à partir de 2021. La transformation de bureaux en logements est l’une des solutions identifiées et ce depuis plusieurs années. Dès 2014, la Ville de Paris a inscrit dans son « Pacte priorité logement » l’objectif de production de 200 000 à 250 000 m2 de logements à partir d’espaces tertiaires. Pour encourager les foncières à opérer ces transformations, la loi de finances pour 2016 prévoyait la possibilité pour les EPCI d’exonérer les propriétaires de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour une durée de cinq ans. Autre mesure en faveur de la réversibilité, la loi Macron de 2015 stipule que sur délibération du conseil municipal, un régime de déclaration préalable peut être instauré pour permettre d’affecter temporairement à l’habitation des locaux destinés à un autre usage pour une durée inférieure à 15 ans.

L’enjeu principal n’est pas tant de transformer des bâtiments tertiaires existants que d’anticiper leur réversibilité future dans les opérations de construction ou de réhabilitation. Il s’agit pour les opérateurs de favoriser dès la conception la mixité d’usages et la flexibilité des fonctions pour toute destination d’immeubles. Plusieurs projets d’immeubles tertiaires réversibles ont vu le jour comme l’îlot Morland dans le 4e arrondissement de Paris (Emerige) ou encore les 3 Black Swans à Strasbourg (Icade). De manière générale, les immeubles réversibles sont des opérations développées dans des territoires mixtes, de taille importante (5 000 m² au minimum), offrant des trames standardisées et modulables, et enfin, proposées à un surcoût mineur à la construction. Plusieurs pistes de réflexion ont été engagées pour faciliter et développer la réversibilité des bureaux en logements comme la création d’un permis mixte avec destination initiale et finale, la création d’un régime TVA plus avantageux ou encore l’allègement de la réglementation incendie.

 

 

* Lire l’article publié sur le site de Business Immo « Le monde HLM ne crée pas assez de logements, prévient Emmanuelle Cosse ».

 

 ⇒ Cet article fait partie d’une série de contenus publiés sur Regards croisés, le magazine « B to B » des nouveaux usages de l’immobilier tertiaire, édité par Nexity Solutions Entreprise.

 

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Stéphane Leport est directeur général délégué de Nexity Immobilier d’Entreprises, après en avoir été directeur des programmes. Il est Ingénieur de l’École centrale de Lyon.

 

 

 

 

 

 

Photos : © Infime ; © DR