Haut
© Amàco

La terre crue, un matériau innovant

Frédéric Quevillon, architecte et PDG d’Atelier Aconcept, prend la plume sur in interiors pour donner son point de vue sur l’utilisation aujourd’hui de la terre crue dans la construction, matériau durable par excellence, et donc innovant.

 

Et si revenir à des matériaux ancestraux était la solution pour construire un avenir plus durable ? Encore aujourd’hui méconnue et trop peu utilisée, la terre crue comme matériau de construction constitue un élément d’innovation majeur d’une démarche précautionneuse de l’environnement. En effet cette dernière représente de nombreux avantages : la possibilité d’utiliser une ressource qui se trouve déjà sur le site, elle ne nécessite pas ou peu d’énergie pour sa mise en œuvre et elle diminue les déchets au maximum en obtenant un tas de terre à la déconstruction. À ces qualités s’ajoutent des avantages factuels indéniables tels que l’apport d’un complément d’inertie thermique ou encore l’amélioration du confort hygrométrique intérieur. Écomatériau très malléable, la terre crue présente une très grande flexibilité dans sa manière d’être traitée. Elle peut s’utiliser sous cinq états hydriques, selon les techniques de construction souhaitées. Parmi les plus utilisées et adaptées aux modes de construction modernes, la technique du pisé consiste en un travail de la terre composée de très peu d’eau, et nécessite un coffrage et le montage du mur par tassement de la terre en couches successives à l’aide d’un outil pneumatique. Autre technique également utilisée, celle du BTC (bloc de terre comprimée) qui, comme son nom l’indique, permet à l’aide de machines de sortir plusieurs blocs de terre comprimée sous forme de briques qui seront ensuite agrégées ensemble. Aussi, la technique de la bauge est, quant à elle, une méthode plus rurale, que l’on retrouve notamment en Normandie, Bretagne ou en Vendée. Elle utilise une terre argilo-limoneuse mélangée à des fibres végétales, ce qui la rend plus grasse et plus collante. Cette technique consiste en l’assemblage directement sur le mur de mottes de terre sous forme plastique.

Au-delà de ces techniques de construction, la terre crue est une ressource précieuse de par son excellent bilan énergétique. En effet, dès sa production, l’énergie qu’elle nécessite est des plus minime : pas besoin de la chauffer, l’émission de CO2 tend alors vers zéro… Quelle aubaine pour un matériau disponible partout ! Réutilisable à souhait et de production locale, la terre crue peut également servir d’enduit, ou encore de torchis. La terre impose quatre systèmes constructifs simples, mais le patrimoine démontre qu’il est possible d’en tirer une infinité d’architectures. Aujourd’hui, plusieurs constructions sont faites de terre crue, comme des maisons ou même des équipements publics tels que des écoles. Mais son utilisation est encore bien trop bridée par le manque de connaissance à son égard. C’est là, à mon sens, que se situe le rôle de l’architecte : être moteur d’un habitat plus frugal et résilient, utilisant toutes les ressources offertes par la nature.

« Construire avec la terre ! La matière première la plus disponible, la plus répandue, riche et belle, variée et variable, colorée, stable et instable. » Renzo Piano, Renzo Piano Building Workshop.

 

 

 

© Olivier Desaleux

Frédéric Quevillon est architecte DPLG et PDG d’Atelier Aconcept. L’Atelier Aconcept affûte au quotidien ses méthodes depuis 2001 et mise sur son équipe pluridisciplinaire. Architectes, urbanistes, économistes, graphistes mettent leurs points de vue en commun au service de projets très différents, tous créant du lien dans l’espace urbain. La réussite future du bâtiment réside dans la façon dont il s’intégrera dans son environnement, dont il favorisera les liens entre les habitants et dont il stimulera de nouveaux usages au cœur de la ville.

Photos: ouverture : © Amàco ; portrait : © Olivier Desaleux