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Carte blanche à… Triptyque Architecture

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Guillaume Sibaud et Olivier Raffaëlli, de l’agence franco-brésilienne Triptyque Architecture – © Fernando Pinheiro

Tropicaliser la ville. Tel est le dessein de l’agence franco-brésilienne Triptyque Architecture, qui vient de livrer Villa M, un projet manifeste en plein cœur de Paris inspiré des villes émergentes d’Amérique latine. Esquisse d’une ambition…

La ville émergente fascine l’agence franco-brésilienne Triptyque Architecture depuis le milieu des années 1990. Pour Olivier Raffaëlli et Guillaume Sibaud, à la tête de l’antenne française, cette ville se constitue par ceux qui la pensent et aussi par ceux qui la vivent. Cette ville, ils l’ont découverte après un tour du monde passant par l’Inde, la Chine et l’Amérique latine. Cette ville, c’est Rio de Janeiro. « Une révélation », se souvient Olivier Raffaëlli. « Une des plus belles villes du monde avec la jungle, et, entre ses collines, la ville avec ses blocs d’immeubles, la plage, la mer, les singes. La ville émergente, sauvage, moderne. » En 2000, avec deux autres associés, ils fondent leur agence à São Paulo. Leur pratique fait dialoguer la ville et la nature. Le vivant. Une question centrale pour eux, qu’ils intègrent dès leurs premiers projets. Ils expérimentent. « Très rapidement, nous avons construit des bâtiments impliquant des organismes vivants, dénués de climatisation, puisant l’énergie dans les nappes phréatiques », explique Olivier Raffaëlli. Des projets tels que Columbia (2007) ou Harmonia (2008) sortis des cartons de l’agence sont primés, exposés à travers le monde, permettant à l’agence d’être reconnue internationalement pour son approche naturaliste. En 2010, Olivier Raffaëlli et Guillaume Sibaud créent l’antenne française. C’est l’époque des « Réinventer Paris ». Ils gagnent concours sur concours : Inventons la Métropole du Grand Paris avec Ecotone, Centre du biomimétisme, avec la Compagnie de Phalsbourg ; le C40 Cities avec le projet MKNO, à Bobigny, conçu en collaboration avec Coldefy & Associés et SO – IL ; Réinventer Paris 2 avec la villa Eastman, lieu de santé et d’art, en collaboration avec les architectes Perrot & Richard et encore la Compagnie de Phalsbourg.

Tropicaliser la ville

Le leitmotiv des projets issus de l’agence française  ? « Tropicaliser des villes comme Paris, qui devront se renaturaliser, recréer un pacte avec le vivant », soutient Olivier Raffaëlli. Et d’étayer ses propos : « Avec la crise climatique, les villes doivent réapprendre à vivre avec le vivant, à utiliser les îlots de fraîcheur, à recréer un lien avec le végétal pour apporter une certaine qualité de vie, de confort thermique, mais aussi visuelle, de respiration, de bien-être, de santé. » Pour l’architecte, à l’instar de Rio, une ville devrait arriver à mélanger nature, sauvagerie et civilisation, et non plus être cette cité occidentale qui marque la frontière entre l’humain et le naturel. « Pour nous, la tropicalisation consiste à réintroduire dans la ville un ordre naturel, c’est-à-dire à recréer un lien fort entre l’architecture, son climat, l’intérieur et l’extérieur, les espaces publics et privés… » Cette architecture s’émancipe de l’objet-bâtiment pour assumer ses porosités – entre dedans et dehors, entre organisme et parasites, entre usagers et société. La Villa M, située boulevard Pasteur, à Paris 15e, un bâtiment que l’agence vient de livrer, illustre ce sujet au fondement même de l’agence.

Villa M, un manifeste naturaliste

Commande du Groupe Pasteur Mutualité et imaginée par Thierry Lorente, son directeur général, et Amanda Lehmann, sa directrice générale, comme la « Villa Medicis des médecins et soignants », Villa M est pour Triptyque Architecture un manifeste naturaliste. Sa construction relève d’une architecture « low tech ». Plutôt que de créer un mur végétal très high tech, les architectes ont utilisé les poutres extérieures pour en faire de grands bacs destinés à accueillir la végétation. Les façades, jardins et terrasses sont constitués de plantes médicinales, d’arbres fruitiers et autres plantes endémiques sélectionnées par le paysagiste Pablo Georgieff, de Coloco. « Avec Pablo Georgieff, nous nous étions dit, lorsque nous nous sommes rencontrés il y a une dizaine d’années, que ce serait extraordinaire que l’architecte soit au service du paysagiste et non l’inverse, comme c’est l’usage. Villa M a été l’occasion rêvée de changer l’ordre des choses, ce qui correspondait à la volonté des maîtres d’ouvrage. Le projet est au service du paysage et du vivant. Nous avons créé la structure qui porte la végétation », relate Olivier Raffaëlli. Ce bâtiment des quatre saisons accueille un programme mixte sur 8 000 m2 et sept étages, dont la direction artistique et les intérieurs ont été confiés à Philippe Starck. Il comprend : une salle de conférence et des salles de réunion ; un espace bar et de restauration ouvert au public ainsi qu’une galerie d’exposition ; un centre d’innovation et un showroom dédié aux start-up du secteur de la santé ainsi qu’un espace de coworking ; un espace de prévention avec box de consultation, une salle de sport. Les étages supérieurs abritent un hôtel de 73 chambres. Le bâtiment est coiffé d’un rooftop végétalisé. 

Dormir, soigner, se soigner, travailler, rencontrer, échanger. Cet écosystème unique par sa mixité – « difficile à mettre en œuvre », souligne Guillaume Sibaud – et innovant s’inscrit dans un lieu qui lui est intégralement dédié, mais également totalement ouvert sur la ville. « Ce bâtiment correspond à notre souhait d’hybrider l’architecture entre le construit et le vivant, l’envisager comme un puits de vie, favorisant le développement et l’accueil du vivant sous toutes ses formes. » Car si les premiers projets de Tryptique Architecture ont été catalogués dans la catégorie architecture écologique, les concepteurs n’évacuent pas pour autant la question de la culture. « Créer une architecture durable n’est pas seulement imaginer une machine à économiser du carbone. Cocher toutes les cases environnementales ne fera jamais de la bonne architecture, conclut Olivier Raffaëlli. Il reste toujours la question créatrice, culturelle d’un lieu qui exprime l’esprit de son temps. »  

© Laurent Desmoulins
© Michel Denancé
Situé à Paris, dans le 15e arrondissement, la Villa M est revêtue d’une façade pouvant accueillir une végétation luxuriante - © Michel Denancé

Article issu du numéro 178 de Business Immo Global.

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