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185 Charles-de-gaulle / Jérôme Le Gall, Barbara Koreniouguine & Guillaume Delattre

Photos : © Margaux Demaria pour BIG
Propos recueillis par Christelle Pitagora  et Luc-Etienne Rouillard Lafond 

Le 185 Charles-de-Gaulle, à Neuilly-sur-Seine, résulte d’ambitions fortes autour de l’expérience utilisateur et des nouveaux enjeux environnementaux. Guillaume Delattre, CIO de BNP Paribas REIM, Barbara Koreniouguine, CEO de Cushman & Wakefield, et Jérôme Le Gall, architecte associé et directeur général délégué d’Arte Charpentier, ont un objectif en commun : créer un nouveau modèle d’immobilier de bureau. 

Transformation

Jérôme Le Gall : Avant la transformation, il y avait trois bâtiments distincts datant des années 1970. L’idée était de venir les connecter entre eux avec un volume créé sur plusieurs niveaux intégrant une rue intérieure qui innerve le socle actif au niveau du rez-de-chaussée et du rez-de-jardin. La question de la réhabilitation s’est alors posée. En tenant compte des règles d’urbanisme, nous sommes finalement arrivés à la solution de conserver environ 50 % des surfaces et de valoriser les autres. Tout un travail a été réalisé sur la volumétrie générale, le bâtiment étant un peu plus haut sur l’avenue Charles-de-Gaulle et plus bas sur la partie arrière, impasse Houssay. Avec 40 m de façade sur l’avenue Charles-de-Gaulle pour 120 m de profondeur, nous pouvions relier et créer des espaces exceptionnels s’adaptant aux nouvelles manières de travailler. Ouvrir des perspectives et des vues sur un environnement arboré nous a semblé également important. Nous avons, par exemple, beaucoup travaillé sur l’agora, aussi appelée « la place du village ». Proche du hall d’entrée, elle se développe sur une triple hauteur et permet de créer une transition douce avec le rez-de-jardin. L’immeuble présente deux vocabulaires en façade en réponse au contexte de la parcelle : un aspect plus « corporate » avec sa façade sculptée en pierre massive et sa transparence qui s’ouvre généreusement sur l’avenue, et un autre plus « résidentiel » à l’arrière, pour se fondre et s’intégrer dans le tissu urbain environnant. Enfin, nous avons cherché à reconnecter le végétal à l’intérieur de l’immeuble au travers des transparences.

Guillaume Delattre : La SCPI Accès Valeur Pierre, gérée par BNP Paribas REIM France, est devenue progressivement propriétaire de cet ensemble depuis les années 1970. Au départ du précédent locataire, Deloitte, nous nous sommes engagés dans un projet de restructuration ambitieux, tourné vers la convivialité, le bien-être des utilisateurs et la recherche de performance associée avec, par exemple, la certification Breeam Excellent ou encore le label Well Gold. Le télétravail prenant le pas, l’entreprise devient le lieu où l’on peut communiquer, se regrouper, partager, créer de la valeur pour être imaginatif. Pour ce faire, nous avons privilégié des paliers aux étages ouverts, des circulations verticales en premier jour, mais aussi une grande offre de services sur mesure, c’est-à-dire choisie en concertation avec les locataires. C’était une opération complexe avec des contraintes fortes : remembrement, ingénierie juridique, urbanisme… Mais nous avons réussi à partager les savoir-faire de chacun des partenaires (entreprise générale, architectes, utilisateurs…) pour réaliser un projet très concret, en accord avec les orientations de transformation et de valorisation du fonds, qui répond aux nouvelles attentes du marché. Cela s’inscrit d’ailleurs clairement dans la stratégie de BNP Paribas REIM : capitaliser sur ce type d’expérience pour ensuite la dupliquer sur les autres projets de rénovation.  

Barbara Koreniouguine  : Au 2e trimestre 2020, après le premier confinement, Cushman & Wakefield France a interrogé l’ensemble de ses équipes sur la façon dont elles se projetaient en matière d’organisation du travail. Cette étude a permis de définir les grandes lignes de nos besoins futurs en anticipant l’intégration des modes de travail hybrides et l’expérience digitale. Forts de cela, nous avons pu décider de regrouper l’ensemble de nos équipes d’Île-de-France et démarrer une recherche active avec comme critères importants l’accessibilité, l’offre servicielle et la flexibilité, notamment avec la possibilité d’avoir accès à une offre de coworking. Nous sommes ainsi passés d’un immeuble siège, à l’image d’une tour de contrôle, à un lieu qui soutient le « faire ensemble ». En matière d’aménagement, nous sommes sortis des codes du bureau traditionnels pour en emprunter d’autres plus domestiques et hôteliers. Pour cela, notre département Design+Build a imaginé un style Art déco modernisé avec des formes rondes et des couleurs douces, des ambiances différentes en fonction de chaque département et des usages des espaces. Nous voulions que ce projet soit une vitrine de nos savoir-faire et de la façon dont nous pouvons accompagner nos clients. S’appliquer à soi-même ce que l’on conseille à ses clients est passionnant. 

Nouveaux usages

BK : Nous souhaitions proposer à nos collaborateurs ce qui se fait de mieux en matière d’environnement de travail et d’expérience client/collaborateur. Pour cela, nous avons mis en place une démarche collaborative de workplace stratégie, sollicité et engagé nos équipes dans ce projet au travers de différents workshops pour définir leurs attentes : usages, services, technologies, moyens de transports, télétravail, expérience client collaborateur, expérience client et expérience citoyenne, ESG…. Nous avons aussi adopté le flex office, une première pour nous, avec une organisation « par tribu », qui s’est également accompagnée de la mise en place d’un accord de télétravail. Une application mobile permet d’ailleurs à chacun de réserver un poste de travail, une salle de réunion, ou encore une place de parking. Nous voulions aussi plus de diversité en matière de positions de travail – haute, basse, lounge… – ainsi qu’une part importante de lieux conviviaux, soit près de 40 %, avec notamment notre très bel espace de convivialité, de nombreuses salles de réunion de différents formats, ou encore nos cabines téléphoniques. L’obtention du label Well était aussi un critère important pour nous.

GD : Avant même que la crise sanitaire ne débute, nous commencions déjà à penser qu’il fallait faire les immeubles tertiaires autrement. Aujourd’hui, les utilisateurs recherchent de la flexibilité pour accompagner leur croissance, car il devient très difficile d’avoir une visibilité sur les années à venir. Pour ce projet, nous avons imaginé deux moyens d’adresser la flexibilité : en proposant un socle actif totalement réversible. Par exemple l’agora, qui peut être utilisée pour se restaurer, travailler, rencontrer des collègues, recevoir des clients… avec un grand confort de travail ; et, au premier étage, avec un espace de coworking occupant 15 % des surfaces totale de l’immeuble et donnant la possibilité aux collaborateurs d’ajuster leur besoin de poste de travail, d’organiser un séminaire, des ateliers ou une réunion. En additionnant ces deux espaces, l’immeuble propose près de 30 % de flexibilité à ses locataires principaux. De manière générale, chaque mètre carré est optimisé et réversible. Cela garantit aussi bien la pérennité que la valeur d’usage de cet immeuble.

JLG : Nous voulions de l’atypique dans ce projet. Après de nombreux débats en interne et une approche globale de notre équipe d’architectes, de paysagistes, d’architectes d’intérieur et d’urbanistes, nous avons finalement pris la décision de créer quelques espaces exceptionnels, à des endroits précis. Or, nous sommes heureux de constater que finalement, ce sont ces lieux que les utilisateurs s’approprient le plus. Dans la même veine, nous voulions créer des espaces de communication informels. Par exemple, afin que les gens empruntent davantage les escaliers et s’y rencontrent, nous les avons placés en premier jour. Nous avons également fait en sorte d’intégrer à l’immeuble des espaces extérieurs, des balcons, des terrasses accessibles et paysagères à tous les niveaux et de la végétation. Je pense qu’il est important de renouveler les codes, se projeter, être à l’écoute de l’utilisateur afin d’appréhender au mieux le projet en matière d’innovation. Nous sommes aujourd’hui satisfaits de voir que les espaces que nous avons projetés répondent à une demande particulière des utilisateurs. Néanmoins, il faut garder en tête que rien n’est définitif et que le chemin à faire reste constant.

RSE

GD : Conformément à nos convictions immobilières, nous avons essayé de réaliser une rénovation exemplaire en matière d’économie circulaire et d’empreinte carbone. Nous nous sommes par exemple efforcés de récupérer le maximum de matériaux : 13 000 m2 de moquette, une centaine de portes, une trentaine d’armoires électriques, une vingtaine de vasques et de robinets ont été réemployés. Au cours du chantier, 96 % des déchets ont été revalorisés avec l’installation sur site d’une déchetterie permettant de les trier sur place et de les envoyer dans des filières de revalorisation appropriées. Des éléments métalliques récupérés durant le chantier ont été acheminés ensuite en province pour la construction d’un musée. Nous avons également fait du réemploi dans l’utilisation de matériaux : dalle de faux plancher, peinture, béton bas carbone… Au final, ce chantier exemplaire a permis de générer une économie de CO2 de 35 % par rapport à un chantier standard. Il illustre ce qu’il est possible de faire aujourd’hui en matière de rénovation.

BK : Nous avons également intégré la dimension environnementale dès la rédaction de notre charte d’aménagement. Avec l’équipe Design+Build de Cushman & Wakefield, nous avons délibérément choisi des entreprises sous-traitantes engagées dans une démarche de haute qualité environnementale, d’économie circulaire craddle to craddle. Nous avons utilisé les matériaux les moins polluants et les plus durables possibles. Dans nos locaux précédents, nous avions déjà investi dans un mobilier de qualité que nous avons donc réutilisé à 100 % et avons complété avec un mobilier adapté aux nouveaux usages que nous souhaitions proposer. Autre point important, nous avons fait le choix de mutualiser les places de parking pour inciter aux mobilités douces. Cet élan a lancé Cushman & Wakefield dans une démarche RSE qui est actuellement mise en place via un certain nombre d’actions ; par exemple, l’engagement de former l’ensemble de nos collaborateurs à la Fresque du climat. Ce projet s’est révélé être un véritable déclencheur au niveau de l’entreprise.

JLG : Dès la conception, la stratégie RSE a été mise en valeur par Arte Charpentier Architectes. L’angle environnemental, sociétal et économique a été considéré dans une performance globale liée au projet. Le 185 CDG devait être en harmonie et s’intégrer avec le « déjà là », mettre en valeur un environnement des espaces de travail qualitatifs et innovants, créer des événements scénographiés, reconnecter les cinq sens des futurs occupants à la nature et au végétal. Désamiantage, démolition partielle dans un environnement isolé des riverains par des bâches acoustiques, économie circulaire, réemploi, bas carbone ont été réalisés de manière exemplaire et respectueuse pour notre planète. Une attention particulière a aussi été accordée à la biodiversité, alors que les paysagistes ont créé des corridors écologiques grâce aux plantations installées en toiture. Au total, 2 800 m2 d’espaces extérieurs permettent aux collaborateurs de se reposer ou de prendre une pause dans un endroit à la fois beau et qui fait sens. Architecturalement parlant, la lumière naturelle est aussi fondamentale. Elle apporte de l’énergie, du bien-être, favorise la relation extérieur/intérieur. Ainsi, 100 % du bâtiment est en premier jour sur les niveaux haut et 80 % en dessous. Le rapport des parties vitrées et opaques permet une luminosité maximale tout en tenant compte des orientations et du confort des utilisateurs. En concevant ce projet, nous avons rêvé d’intégrer le 185 CDG dans un nouveau modèle pour la ville de demain. Le rêve est devenu une réalité concrète reconnue par tous les occupants, c’est la plus belle des récompenses pour notre équipe avec BNP Paribas Reim et Theop, notre assistant maître d’ouvrage. //CP & LERL

© Margaux Demaria pour BIG

Guillaume Delattre

CIO (Chief Investment Officer) de BNP Paribas REIM France depuis 2017, il a récemment étendu ses responsabilités au-delà de la France, en Belgique, au Luxembourg, en Espagne et au Portugal. Il est également, depuis avril 2017, directeur général délégué et membre du directoire de BNP Paribas REIM France. Diplômé de Skema en 1994, Guillaume Delattre a occupé divers postes au sein de BNP Paribas Real Estate depuis 1995. De 2015 à 2017, il a été vice-président et directeur général délégué de BNP Paribas Real Estate Advisory France.

© Margaux Demaria pour BIG

Barbara Koreniouguine  

Barbara Koreniouguine dirige Cushman & Wakefield France depuis octobre 2020. Avant de rejoindre l’entreprise, elle a occupé les responsabilités de Chief Executive Officer (CEO) d’Allianz Real Estate pour la France et le Benelux. Plus récemment, elle était directrice générale de Léon Grosse Immobilier. La CEO de Cushman & Wakefield a aussi passé près de sept ans chez BNP Paribas Real Estate, où elle a exercé différentes fonctions. Avant cela, elle a œuvré dix ans chez Icade à différentes fonctions, dont celle de directrice générale d’Icade Promotion Tertiaire. Elle est membre du Cercle des femmes de l’immobilier, dont elle a assuré la présidence
de 2012 à 2015.   

© Margaux Demaria pour BIG

Jérôme Le Gall

Jérôme Le Gall est architecte associé et directeur général délégué de l’agence Arte Charpentier Architectes, créée en 1969. Avec une bourse d’études de la Fondation Lounsberry aux États-Unis, Jérôme Le Gall décroche un Master of Science in Architecture and Urban Design à l’Université Columbia de New York. Il obtient également un diplôme d’architecte DPLG avec les félicitations du jury, École Paris La Seine. Jérôme Le Gall est aussi membre de l’Académie d’architecture. 

Leur projet commun

Le projet du 185 CDG consiste en la réhabilitation lourde de trois bâtiments de bureaux des années 1970 situés à Neuilly-sur-Seine, entre l’avenue Charles-de-Gaulle et une impasse résidentielle. Conçu par l’agence Arte Charpentier, le bâtiment se compose de six à huit niveaux de superstructure représentant 15 200 m² de bureaux, pouvant recevoir 1 420 postes de travail, et de trois niveaux d’infrastructure (131 places de parking, cuisines et RIE). La façade est sobre et élégante, et offre une belle visibilité à l’ensemble. Elle présente une trame régulière de cadres en pierre à double hauteur et dialogue ainsi avec le quartier en s’ouvrant généreusement sur les nouvelles allées de l’avenue Charles-de-Gaulle. « L’immeuble est conçu comme un écosystème qui favorise l’interactivité et l’évolution de chacun, souhaitant être un nouveau modèle pour l’immobilier de bureaux, un lieu de vie baigné de lumière, propice aux rencontres créatives », précise Jérôme Le Gall, architecte associé et directeur général délégué d’Arte Charpentier.  //EG

 

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