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Ancien siège de RTL / Beverley Kilbride, Axel Schoenert & Véronique Bédague

Photo à la Une : © Jad Sylla pour Business Immo Global

En rachetant en 2017 le siège de RTL, dans le 8e arrondissement de Paris, LaSalle Investment Management s’était donné l’objectif ambitieux de repositionner l’ensemble immobilier, rencontre de différentes époques, en un opus tertiaire core répondant en tout point aux nouvelles attentes des entreprises en matière d’espaces de travail. Retour avec Beverley Kilbride, Head of Transactions and Asset Management Europe chez LaSalle IM, Véronique Bédague, directrice générale de Nexity, et Axel Schoenert, fondateur de l’agence Axel Schoenert Architectes, sur le premier immeuble doté d’une structure en bois dans le QCA parisien.

Transformation

Beverley Kilbride : Nous étions à la recherche d’un actif à réhabiliter et avions identifié le fort potentiel de celui-ci, ancien siège de RTL, qui nous permettrait d’inscrire notre projet dans la ville de demain tout en conservant son caractère historique. L’appel d’offres, remporté en 2017, a été très concurrentiel, avec de nombreuses offres soumises au premier tour, ce qui a certes imposé des efforts au niveau du prix, mais surtout en matière d’exécution. Pour réaliser un actif core aujourd’hui, il faut aller au-delà de sa seule localisation « prime ». Notre stratégie était donc de réhabiliter l’immeuble en l’adaptant aux nouveaux besoins tertiaires des entreprises, puis de sécuriser son état locatif et de le céder à un investisseur core, ce qui a été fait en fin d’année auprès de La Française REM. Au moment de nouer un partenariat avec Nexity, d’abord pour concevoir le projet, puis dans le cadre d’un contrat de promotion immobilière, nous avions alors très peu de certitudes, mais la conviction que la création de valeur viendrait par une prise de risque sur la qualité des espaces et notre capacité à innover.

Véronique Bédague : Nexity porte la conviction que le bureau de demain n’est pas uniquement un produit neuf, mais peut être aussi un actif à réhabiliter et à augmenter de nouveaux usages ; nous avons d’ailleurs une équipe dédiée à la réhabilitation lourde en milieu urbain depuis plus de dix ans. L’ancien siège de RTL est à la fois un immeuble iconique dans l’histoire architecturale de Paris, très identifié pour sa grande façade Vasarely, mais aussi un actif extrêmement bien situé, au cœur du Triangle d’or. Dès la première visite, nous avons cru au potentiel du lieu, très marqué par la partie studio d’enregistrement, et à notre capacité à créer des mètres carrés supplémentaires et donc de la valeur pour l’investisseur. C’est là que repose notre savoir-faire : concrétiser des propositions architecturales fortes pour maximiser la performance économique du bâtiment, tout en œuvrant pour le bien-être au travail des futurs utilisateurs.

Axel Schoenert : Cette opération représente en fait trois projets en un : d’abord, la restructuration d’un immeuble haussmannien ; ensuite, celle d’un bâtiment datant du XVIIe siècle imposant des contraintes complètement différentes ; et la construction d’un édifice neuf. Ce bâtiment est l’un des rares à pouvoir proposer un triptyque alliant un volume conséquent de 8 385 m2 SDP, une localisation exceptionnelle dans le QCA parisien et une identité historique forte. Même si nous avons cherché à conserver autant que possible l’existant, nous avons tout de même dû démolir 49 % de la surface. Cela nous a permis de valoriser au mieux les espaces et de créer des mètres carrés supplémentaires, mais aussi d’aménager des espaces libres, de créer des espaces en pleine terre au rez-de-jardin, des terrasses et des jardins dotés de 30 à 50 cm de terre, là où la parcelle était auparavant entièrement minérale. Par ailleurs, toute la restructuration est inspirée, en géométrie, par le bâtiment haussmannien. Là où il n’y avait auparavant aucune unité entre les étages, ces derniers sont aujourd’hui uniformes.

Vision

AS : Les opérations d’une telle complexité, d’autant plus dans un contexte urbain, sont particulièrement stimulantes. D’une part d’un point de vue urbanistique, puisque le site est inscrit sur une parcelle urbaine dense, mais aussi architecturale, en négociant le contraste ancien/moderne, et programmatique, pour concrétiser notre vision du bureau de demain. Bien sûr, notre conception des bureaux évolue avec les époques. Pour autant, il faut avant tout revenir aux fondamentaux. Dans Maison Bayard, nous avons par exemple fait le choix de façades permettant d’ouvrir les fenêtres ainsi que d’une cage d’escalier large et en première vue incitant les gens à être actifs au sein du bâtiment. À cela, viennent s’ajouter différents éléments novateurs, comme des chasses d’eau tactiles dans les sanitaires, des portes sans poignées, mais plutôt munies de plaques en inox et des escaliers Chambord pour éviter le croisement des flux.

BK : Évidemment, ce site se démarquait par son histoire et sa localisation, mais nous avons aussi été séduits par le potentiel d’innovation qu’il recelait, en lien avec nos fortes convictions pour le bureau de demain. Plus que jamais, nous sommes convaincus qu’il est primordial de placer le bien-être de l’utilisateur au cœur d’un programme tertiaire. Pour ce faire, nous avons voulu réaliser des espaces modulables et innovants, laissant toute la place aux nouveaux modes de travail comme le flex office, tout en y conservant l’identité historique de Paris, de manière à donner du sens au lieu. C’est ce que fait Maison Bayard en réconciliant trois époques en un seul bâtiment. La commercialisation rapide de 90 % des espaces auprès d’une base de locataires très diversifiée montre bien l’appréciation que les entreprises portent aux espaces de qualité, agréables et en phase avec leurs nouveaux besoins.

VB : L’utilisateur final est aujourd’hui au cœur de nos réflexions. Ce bâtiment a des atouts géographique et intrinsèque évidents. Le QCA parisien demeure un secteur extrêmement attractif pour les entreprises. Par ailleurs, la qualité de la réhabilitation, la présence de terrasses nombreuses et végétalisées et l’adaptabilité des espaces rendent l’immeuble très attractif pour les collaborateurs des entreprises locataires. Dans un contexte actuel d’archipellisation des lieux de travail où l’enjeu de faire revenir les salariés au bureau est fort, cet immeuble est très persuasif ! Nous avons également la conviction que pour mieux répondre aux besoins des utilisateurs au quotidien, nous devons penser un immobilier tertiaire serviciel, et avons ainsi créé au premier sous-sol un étage dédié aux services, avec une belle hauteur sous plafond pour favoriser la convivialité. Une attention particulière a aussi été apportée, lors de la conception du projet menée en collaboration avec l’architecte, pour favoriser les flux de personnes au sein du bâtiment.

Environnement

AS : L’intégration de la structure en bois dans un projet de restauration représentait pour nous le défi le plus important, mais aussi le plus stimulant. Nous avons ainsi pu réaliser le premier immeuble doté d’une structure en bois dans le centre-ville de Paris. Ce choix est d’autant plus fort que le bois apparent, en dialogue avec des détails en laiton, s’inscrit tant dans l’ambition environnementale du projet, par sa capacité à stocker le carbone, que dans la qualité d’usage qu’il proposera à l’utilisateur. Par ailleurs, il donne au projet une grande capacité de réversibilité. Car même si nous sommes convaincus que Maison Bayard conservera sa vocation tertiaire pour plusieurs décennies, la réversibilité des espaces a été un élément important de sa conception. Et si un jour le marché le demandait, 80 % des planchers et des poutres, des modules en bois CLT, pourraient être démontés. 

VB : L’engagement bas carbone est structurant dans la stratégie de Nexity – notre expertise en matière de construction bois est historique dans nos activités tertiaires – ce qui nous permet d’être aujourd’hui le premier producteur de bureaux en bois sur le territoire français. L’opération de la rue Bayard est le premier projet de réhabilitation avec du bois à Paris ! Notre objectif est d’étendre notre savoir-faire bois du neuf vers la réhabilitation. Cette nouvelle habileté, éprouvée sur le projet Maison Bayard, est particulièrement d’actualité vu l’importance du bois dans la transition carbone de l’immobilier, mais il comporte aussi un plus haut niveau de complexité. Par exemple ici, dans un secteur urbain très contraint, les équipes ont dû gérer les difficultés liées à la livraison des modules préfabriqués. Ce mode constructif demande plus de travail dans la phase études ; en revanche, il est plus rapide et beaucoup moins bruyant pour le chantier. D’un point de vue énergie et carbone, Maison Bayard représente notre opération de réhabilitation la plus emblématique, comme en atteste sa certification E+C- niveau E2C2.

BK : Parce que la création de valeur se doit d’être adaptée à la localisation, il fallait absolument prendre aussi en compte la façon dont l’opération s’intégrait dans son environnement immédiat. D’abord, par sa porosité avec la ville, pour qu’il n’y ait pas de rupture entre l’intérieur du bâtiment et son environnement, et par l’importante végétalisation de sa toiture. Ensuite, par son respect de l’histoire du lieu, avec une façade faite de lames perforées et inspirée de l’œuvre d’art de Vasarely, datant des années 1970, pour conserver son côté emblématique. Enfin, par l’adaptabilité et la réversibilité de ses espaces, souvent associées davantage au commerce ou à la logistique qu’au bureau « prime » parisien et gages de la pérennité du bâtiment dans le temps. 

© Jad Sylla pour Business Immo Global

Véronique Bédague  

Diplômée de l’ENA, de Sciences Po Paris et de l’Essec, Véronique Bédague a commencé sa carrière en 1990 au ministère des Finances, avant de devenir économiste au Fonds monétaire international à Washington entre 1994 et 1997. Après avoir rejoint la Ville de Paris en 2002, d’abord comme directrice des finances, puis directrice générale des services, elle œuvre ensuite comme directrice de cabinet du Premier ministre de 2014 à 2016. Elle a rejoint le groupe Nexity l’année suivante, où elle a occupé différents postes au sein du top management jusqu’à être nommée directrice générale en mai 2021.

© Jad Sylla pour Business Immo Global

Beverley Kilbride   

Après avoir fait ses premières armes chez JLL, Beverley Kilbride a rejoint LaSalle Investment Management en 2006 comme Portfolio Manager. Promue Country Manager France en 2018, elle a vu l’an dernier ses responsabilités s’étendre à l’échelle continentale suite à sa nomination en tant que Head of Transactions and Asset Management Europe. MRICS, elle est diplômée de l’université de Reading, près de Londres, de l’université de Huddersfield, ainsi que de l’École supérieure du commerce extérieur.

© Jad Sylla pour Business Immo Global

Axel Schoenert  

Axel Schoenert a fondé en 1999, aux côtés de l’architecte d’intérieur Zsofia Varnagy, l’agence franco-allemande Axel Schoenert Architectes, réunissant une équipe multiculturelle, en France comme à l’international, œuvrant dans les domaines de l’architecture, de l’architecture d’intérieur et du design. Spécialiste de l’hôtellerie et de l’immeuble de bureaux, il a notamment été lauréat du grand prix du Simi 2018 et finaliste du Mipim Awards 2019 pour le projet de rénovation Shift 54, rue de Londres.

Leur projet commun

© Jad Sylla pour Business Immo Global

Dans le 8e arrondissement de Paris, rue Bayard, l’ancien siège de RTL a été transformé par LaSalle Investment Management, accompagné du promoteur Nexity et de l’agence Axel Schoenert Architectes, pour devenir l’immeuble tertiaire Maison Bayard. Conjuguant existant et construction neuve, les professionnels ont assuré la restructuration lourde d’un immeuble post-haussmannien et la démolition-reconstruction d’un bâtiment des années 1970, de même que la restructuration, du côté de l’impasse d’Antin, de l’immeuble dit « comédie » datant de 1860. En hommage à l’œuvre iconique de Vasarely autrefois en devanture, une nouvelle façade en laiton perforé cristallise la rencontre entre histoire et modernité inhérente au lieu.

En résulte un bâtiment R+7 de 8 385 m2 SDP, premier immeuble du QCA parisien doté d’une structure bois. Pensé pour répondre aux nouvelles attentes des entreprises en matière d’espaces de bureaux (flexibilité, services, réversibilité…), le programme répond d’ailleurs à une forte exigence, tant sur le plan environnemental qu’en matière de qualité d’usage, comme en attestent les nombreuses certifications et labels visés (BBCA, E+C- niveau E2C2, HQE niveau Excellent, Breeam niveau Very Good, Well Shell & Core niveau Gold et WiredScore niveau Gold). Dans la même veine, Maison Bayard place la végétation comme un élément architectural à part entière, en proposant 500 m2 de patios végétalisés, terrasses et rooftop. Forts de la commercialisation de 90 % des espaces et de sa cession, fin 2021, à La Française Real Estate Managers, les trois partenaires derrière Maison Bayard peuvent aujourd’hui dire « mission accomplie ».

© Simon Guesdon
© Simon Guesdon
© Simon Guesdon
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Article issu du numéro 183 de Business Immo Global.

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