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Arboretum / Nicolas Laisné, Guillaume Poitrinal et Karim Habra

Photos : © Jad Sylla pour Business Immo Global

Une ville forêt, point de jonction entre la nature et la vie urbaine. Une démonstration qu’il est possible de construire la ville autrement, avec une empreinte carbone et une consommation énergétique réduites, mais aussi avec une valeur d’usage et un bien-être accrus. Tels sont les défis qu’entend relever dès l’automne Arboretum, un campus de 126 000 m2 développé à Nanterre par le promoteur WO2. Retour sur une opération aussi ambitieuse qu’hors norme avec Nicolas Laisné, architecte associé chez Nicolas Laisné Architectes, Guillaume Poitrinal, fondateur associé de WO2, et Karim Habra, Head of Europe and Asia-Pacific chez Ivanhoé Cambridge.

Une histoire

Guillaume Poitrinal : Au moment de son acquisition par WO2 et ses partenaires, ce site de 17 ha accueillait une papeterie. Une fois les autorisations administratives obtenues, le fonds Icawood, dont le principal partenaire est Ivanhoé Cambridge, est intervenu pour financer et lancer la construction de ce campus tertiaire de 126 000 m2 et a été rejoint depuis par un pool d’investisseurs qui inclut également BNP Paribas, Primonial et FFP, la société d’investissement contrôlée par les Établissements Peugeot Frères. Nous sommes venus sur ce site parce qu’il est à la fois totalement relié à la nature, en bord de Seine, mais aussi hyperconnecté à la ville, avec la gare Nanterre-Université à proximité. Cette ambivalence entre des espaces arborés rappelant presque la campagne et une proximité immédiate de l’environnement urbain nous a tout de suite séduits, de même que la signature forte proposée par les architectes.  

Karim Habra :  Au moment de lancer en 2019 le fonds Icawood, nous étions heureux de nous associer à Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic, des références sur le marché en qui nous avons confiance pour aller chercher les projets de demain capables d’être créateurs de valeur financière, mais aussi environnementale et sociétale. Ce fonds de développement nous permettait également de nous engager dans le projet du Grand Paris, auquel nous croyons profondément. Arboretum, inclus dans le pipeline initial du fonds, s’inscrivait dans notre stratégie, notamment par son envergure, son design et son potentiel, mais aussi par son caractère précurseur. Car si une telle opération en bois, durable, aérée, flexible, responsable, peut paraître aujourd’hui dans l’air du temps, ces thèmes étaient beaucoup moins prépondérants dans les débats immobiliers au moment de sa conception. Comme la crise sanitaire a accéléré l’émergence de nouveaux paradigmes sur les modes de travail et la façon de penser l’expérience que propose un bureau, le bureau de demain promis hier par Arboretum est aujourd’hui en phase avec son époque. 

Nicolas Laisné : Nous avons d’abord été marqués par la qualité du site, qui nous a donné l’opportunité de proposer un programme à la fois très privé – il est après tout rarissime de pouvoir aménager un véritable parc privé au sein d’un ensemble tertiaire – et très ouvert sur l’environnement immédiat. Cela nous a permis de concevoir des bâtiments répondant à l’idée, qui s’est affirmée d’autant plus durant la crise sanitaire, que l’on ne doit pas venir au bureau seulement par obligation, mais aussi par plaisir. Nous avons ainsi pu axer tout le projet autour de l’utilisateur. Ce fil rouge se retrouve dans les espaces intérieurs, avec par exemple une hauteur sous plafond de 3,10 m, et extérieurs, avec 17 000 m2 de terrasses d’un minimum de 5 m de profondeur sur chacun des plateaux et donnant directement accès au parc. Le projet est connecté à la ville et tourné vers la nature en s’articulant autour du parc et en direction de la Seine ainsi que de l’île plantée lui faisant face. Nous avons donc ici le sentiment étrange, mais agréable, d’être en quelque sorte au « bout de la ville », même dans les étages supérieurs. 

Une ambition

NL : L’architecture d’Arboretum naît de l’usage. Il y a aujourd’hui une révolution autour du bas carbone et du bois. Comme pour chaque révolution architecturale, elle s’accompagne d’une nouvelle esthétique. Ici, elle se concrétise au travers de bureaux adaptés aux usages futurs par leur grande flexibilité, mais aussi par une originalité très forte, avec son bois apparent, ses escaliers et terrasses extérieurs qui libèrent le noyau de chaque immeuble, ou encore son parc de 6,5 ha. Deux qualités qui sont pourtant souvent antinomiques en architecture. Par ailleurs, là où le bureau était pensé auparavant à l’échelle du poste de travail, le nouveau besoin de rencontres et d’expériences nous impose d’accorder une très grande attention à la qualité de tous les espaces, du hall d’entrée à l’espace de restauration en passant par les lieux extérieurs. Le travail ne se limite plus à l’open space, mais doit être possible partout dans le campus, et Arboretum sera l’un des premiers témoins de cette solution globale. 

GP : Deux axes majeurs portent ce projet. D’abord, une architecture très forte, qui se révèle d’emblée et se conjugue à une démarche bas carbone unique au monde. Nous avons apporté ici la démonstration qu’il est possible de diviser par deux l’empreinte carbone des immeubles de bureaux, par l’utilisation des bons matériaux, une attention marquée à la performance énergétique et le recours à 11 puits de géothermie fournissant 80 % des besoins en chaud et en froid. Ensuite, une dimension sociale prépondérante. Les entreprises sont des êtres sociaux et ne pourront fonctionner sans que leurs collaborateurs ne se rencontrent et partagent des moments de cocréativité. Or, pour qu’ils aient envie de revenir au bureau, il faut leur proposer un environnement de travail où ils sont mieux que chez eux. C’est totalement assumé au sein d’Arboretum, avec une salle de sport de 2 000 m2, un centre de conférences Comet Meetings, huit restaurants thématiques, un verger et un potager… Et pour autant, nous offrirons des niveaux de charges extrêmement compétitifs, divisés par deux ou par trois, ce qui nous permet d’être moins chers de 30 à 40 %, en coût total immobilier, que la plupart des concurrents sur le marché. L’écologie est évidemment essentielle à une opération immobilière réussie, mais elle ne doit pas être punitive et plutôt représenter un retour au bien-être.

KH : Arboretum s’inscrit à Nanterre dans un quartier mixte auquel nous croyons beaucoup – d’ailleurs, Ivanhoé Cambridge y a développé l’immeuble HUB 24 7, en face de la gare Nanterre Université. Nous sommes friands des nouveaux quartiers, car nous considèrons que l’avenir de l’immobilier de bureau ne se trouve plus dans les quartiers d’affaires traditionnels. Cette opération participe pleinement à cette dynamique de régénération et cristallise notre vision de la façon dont l’immobilier doit s’intégrer dans son environnement. Car même s’il a évidemment une forte dominante bureau, nous voyons aussi Arboretum comme un projet mixte par les nombreux services qu’il va apporter à son environnement immédiat, sans compter les immeubles d’activités construits par Sirius sur une parcelle adjacente ou encore de potentielles résidences étudiantes et hôtelières, pour lesquelles des discussions sont en cours.

Une conviction

NL : Nous avons été approchés par WO2, aux côtés du cabinet Leclercq & Associés et de l’agence Dream, et avons réellement conçu l’intégralité du projet ensemble, aux côtés du paysagiste Base. Cette pluralité de points de vue a permis l’éclosion d’un projet aux regards croisés, une nouvelle façon de faire l’architecture qui colle bien à cette opération. Loin du grand geste où l’architecte fait son croquis en quelques minutes, nous préférons une approche de workshops. Un projet d’une telle ampleur ne peut naître que de discussions avec le promoteur, la ville, l’urbaniste, et c’est à force d’échanger et se frotter aux réalités de l’opération que peut émerger un projet juste.

KH : Nous avons beaucoup réfléchi aux étapes de développement du projet. Fallait-il réaliser l’ensemble en plusieurs phases ou plutôt d’un seul coup ? Bien que traditionnellement nous aurions pu choisir la première option, nous avons préféré être fidèles à nos convictions et réaliser tous les éléments du projet simultanément. Ce pari, qui démontre à quel point nous croyons à cette opération, fait que l’ensemble des services, lieux d’expérience et espaces extérieurs sera ouvert lors de la livraison et que les occupants pourront prendre pleine conscience de l’expérience proposée par Arboretum dès leur arrivée.

GP : Plus qu’un projet immobilier, nous avons cherché à faire une ville. À ce titre, nous aurons aussi rendu service à ce quartier à dominante universitaire en ajoutant une nouvelle activité qui vient le rattacher au grand quartier Nanterre La Défense. Nous avons par ailleurs rendu à la pleine terre 6,5 ha, soit plus de la moitié d’un terrain industriel qui était auparavant imperméable, au travers d’un gigantesque arboretum se prolongeant vers un verger et un potager. Ici, nous aurons même une vraie agriculture urbaine capable de produire 10 t de fruits et légumes chaque année. Il est probable que cet ensemble sera multilocataires, mais le marché pour une telle offre de bureaux est considérable. La vaste majorité des mètres carrés tertiaires en Île-de-France sont aujourd’hui obsolètes au moment où la nouvelle exigence des entreprises est avant tout d’être très avancé sur plan écologique et de bénéficier d’espaces correspondant aux nouveaux modes de travail ainsi que des niveaux de services élevés. Si l’on réunit tous ces éléments, nous n’avons aucun doute que notre offre saura rencontrer sa demande sur le long terme.

Leurs bios

Guillaume Poitrinal : fondateur en 2014, aux côtés de Philippe Zivkovic, de WO2-Woodeum, groupe de promotion immobilière spécialisé dans le développement de bâtiments construits en bois massif CLT, Guillaume Poitrinal dirige également la société d’investissement Icamap. Il a amorcée une carrière en 1992 chez Morgan Stanley avant d’être nommé président-directeur général d’Unibail-Rodamco, devenant en 2007 le plus jeune dirigeant d’une société cotée au CAC40. Chevalier de la Légion d’honneur, il est président de la Fondation du patrimoine ainsi que membre du conseil d’administration de l’association BBCA.
Karim Habra : fort d’une carrière immobilière ayant débutée il y a 20 ans au poste de Managing Director chez GE Capital Real Estate, puis poursuivie chez JER Partners en tant que directeur général, Karim Habra a ensuite gravi les échelons chez LaSalle Investment Management jusqu’à devenir Head of Continental Europe. Diplômé de l’université Paris-Dauphine, il est passé à l’été 2018 chez Ivanhoé Cambridge, bras immobilier de la Caisse de dépôts et de placements du Québec, où il œuvre en tant que Head of Europe and Asia-Pacific.Karim Habra Fort d’une carrière immobilière ayant débutée il y a 20 ans au poste de Managing Director chez GE Capital Real Estate, puis poursuivie chez JER Partners en tant que directeur général, Karim Habra a ensuite gravi les échelons chez LaSalle Investment Management jusqu’à devenir Head of Continental Europe. Diplômé de l’université Paris-Dauphine, il est passé à l’été 2018 chez Ivanhoé Cambridge, bras immobilier de la Caisse de dépôts et de placements du Québec, où il œuvre en tant que Head of Europe and Asia-Pacific.
Nicolas Laisné : architecte DPLG diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée, Nicolas Laisné a fondé en 2005 l’agence Nicolas Laisné Architectes après s’être formé auprès d’architectes reconnus comme Raj Rewal, Steven Holl et Jean Nouvel. Nommée dans la catégorie « Habitat » de l’Équerre d’argent en 2019 ainsi que pour un prix du Council of Tall Buildings and Urban Habitat (CTBUH) de Chicago en 2020, son agence compte parmi ses réalisations emblématiques L’Arbre Blanc, à Montpellier, L’Atelier de l’Arsenal à Paris, ainsi qu’Anis, à Nice.

Leur projet commun

Avec Arboretum, WO2 a pris le pari (un peu fou ?) de construire, d’un seul trait et en blanc, le plus grand campus en bois massif d’Europe. Au total, ce sont 126 000 m2 de bureaux et de services, répartis sur cinq immeubles en bois massif, ainsi qu’un parc arboré de 6,5 ha que
le promoteur livrera à l’automne à Nanterre, sur un terrain privé de 9 ha, ancien site industriel inscrit dans le prolongement de La Défense.
En chemin, 32 400 m³ de bois issus de forêts gérées durablement et 11 puits de géothermies auront notamment été mobilisés, de même que 160 000 m³ de terres issues des déblais réutilisés sur site, pour concrétiser les ambitions environnementales fortes de l’opération : diviser par deux l’empreinte carbone sur le cycle de vie du campus et réduire de 45 % sa consommation d’énergie par rapport au seuil de 2050 du décret tertiaire.

Plus grand ensemble tertiaire labellisé BBCA (Bâtiment bas carbone) niveau Excellent, l’ensemble immobilier a été conçu par les architectes Nicolas Laisné (Nicolas Laisné Architectes), François Leclercq (Leclercq Associés), Dimitri Roussel (Dream), Hubert & Roy et Antoine Monnet, ainsi que du paysagiste Franck Poirier (Base) et du designer Olivier Saguez (Saguez & Partners). Lauréat aux Mipim Awards 2022 dans la catégorie «   Best Futura Project », il est porté par un pool d’investisseur réunissant le fonds Icawood, au sein duquel sont partenaires Icamap et Ivanhoé Cambridge, ainsi que BNP Paribas, Primonial et FFP, la société d’investissement contrôlée par les Établissements Peugeot Frères.


Article issu du Business Immo Global 193.

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