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Carte blanche à… Looking for Architecture

Photos : © Kevin Dolmaire

L’agence lyonnaise Looking for Architecture vient de livrer Modul’Air, un bâtiment composé de containers maritimes. Un projet qui résulte d’expériences successives. Explications.

Traiter l’architecture comme des expériences successives, tel est le modus operandi de l’agence Looking for Architecture (LFA) créée en 2011 à Lyon par les architectes Laurent Graber et Antoine Trollat. « Nous nous définissons comme un laboratoire d’architecture “impermanente” où la question du temps et de l’espace occupe nombre de nos réflexions et projets », soutient Laurent Graber. Le travail de l’agence peut ainsi s’inscrire dans des échelles de temps différentes avec des projets d’urbanisme transitoire, une parenthèse temporelle où leur intervention peut durer trois jours, trois mois, trois ans, 30 ans… 

Un large éventail de projets

Des sujets aussi variés en termes de programme que de contexte géographique caractérisent également l’agence. Espaces urbains, logements, bureaux, équipements publics, scénographie sont autant de terrains d’expérimentations et d’innovations, d’occasions de « mettre le bon sens architectural au service d’univers très différents », complète l’architecte qui ajoute : « Notre objectif est de délivrer un message qui soit le plus sensible possible au service des usagers. » 

L’agence a ainsi été amenée à créer un centre chorégraphique dans une chapelle du XVIe siècle, à Annonay (07), « l’occasion unique de faire dialoguer une architecture du cultuel avec une architecture du culturel », à concevoir pour la Compagnie nationale du Rhône, une station de production et de distribution d’énergies vertes à Lyon. L’agence a aussi aménagé le Liberté Living-Lab – référent en matière de Civic Tech –, un immeuble dédié au coworking et à l’événementiel situé en plein cœur de Paris et destiné à faire se rencontrer entreprises du CAC40 et start-up. Ou encore des logements et une résidence sociale à La Motte-Servolex (73) constitués de modules en bois préfabriqués. Depuis quelques années, Looking for Architecture intervient au Festival Nuits sonores, à Lyon, qui lui a offert un terrain d’expérimentation de la « cargotecture », l’architecture à base de containers maritimes. « À l’agence, nous nous sommes amusés à détourner beaucoup d’objets issus de la logistique et de la construction pour les introduire dans l’univers de la scénographie, et plus largement l’architecture dite éphémère. Et inversement, nous avons fait entrer le vocabulaire événementiel dans l’architecture, notamment avec la question de l’expérience qui fonde l’ensemble de nos projets », souligne Laurent Graber. 

La frugalité

Il est un autre leitmotiv qui identifie LFA : la frugalité. L’agence s’inscrit en effet dans une logique intrinsèquement écologique, fonctionnelle et matérielle avec une maîtrise optimale des éléments techniques du bâtiment. Approcher une « vérité constructive en faisant avec ce qui est déjà là ». Implanté sur une ancienne base aérienne militaire en pleine reconversion au sein du territoire de Cœur d’Essonne agglomération (Brétigny-sur-Orge), le projet Modul’Air, que l’agence vient de livrer, illustre parfaitement ce qui s’apparente à une véritable éthique. Dédié à l’accueil d’entreprises issues de la recherche, l’innovation et l’expérimentation dans le secteur des drones, le bâtiment réalisé en conception-construction avec Capsa Container (leader en France de la transformation de containers maritimes) Sintec et Calq, intègre des containers maritimes. Il utilise également un procédé constructif pensé de manière industrielle, hors site, dans le respect de l’environnement. Le bâtiment, qui totalise 1 800 m2, abrite ainsi sous une « structure parapluie » 27 containers pour les protéger des intempéries et des variations de température. « De cette manière, nous souhaitions que l’on puisse les reconnaître et non que l’on soit obligés de les isoler et les barder, indique Laurent Graber. Le container est un objet design très intéressant qui renvoie à l’imaginaire du voyage, mais aussi à la standardisation par excellence, quintessence de l’objet ultra-normalisé. » L’enveloppe a été pensée pour rendre hommage au passé aéronautique de la base aérienne avec une charpente composée de poutres à treillis et des façades pour partie en bardage métallique, polycarbonate translucide ou vitrage qui rappellent les grandes aérogares. De larges portes évoquent celles des hangars à avion. Un totem extérieur de 20 m de haut accolé à la façade, composé lui aussi de containers, marque le futur point d’entrée piéton de la base grâce à une future passerelle. 

Ce geste architectural rationnel et économique rend le dispositif simple et de qualité, aussi bien d’un point de vue constructif qu’esthétique. « Pour nous, faire c’est dire. Nos projets nous décrivent mieux que tous les mots que l’on peut mettre dessus. » Modul’Air le dit très bien. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler le « less is more » dont s’était emparé l’architecte Mies van der Rohe dans son œuvre, qui revient dans l’air du temps.  


Interview issue du numéro 186 de Business Immo Global.

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