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Campus Paris Clichy / Elian Pilvin, Rémi Gaston-Dreyfus & Rémi Muzeau

Deux immeubles obsolètes transformés en un opus tertiaire nouvelle génération sous le crayon de l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Une « business school » à la recherche d’infrastructures immobilières à la mesure de ses ambitions de croissance. Une ville prête à accompagner les initiatives susceptibles de muscler son attractivité économique. Le nouveau Campus Paris Clichy, ouvert en janvier dernier et acquis depuis par AEW, est une histoire pleine de rebondissements, faite de rencontres et inscrite sous le signe de la flexibilité et de l’attractivité. Entretien avec Elian Pilvin, directeur général de l’EM Normandie, Rémi Gaston-Dreyfus, président de GDG Investissements, et Rémi Muzeau, maire de Clichy.

Histoire

Rémi Muzeau : De grands projets de rénovation urbaine sont en cours à Clichy, aussi bien en habitation qu’en tertiaire. À ce titre, nous n’avons pas hésité pour que ce dernier change de destination et d’aspect urbanistique. Les investisseurs et les promoteurs se penchent désormais davantage sur notre ville qu’ils ne le faisaient auparavant, ce qui leur a permis d’envisager d’autres destinations pour notre patrimoine bâti. L’immeuble précédent, qui hébergeait la mutuelle d’assurance Malakoff Médéric et était doté de façades de marbre des années 1980, n’était plus du tout dans le style des immeubles de bureaux contemporains, tant sur le plan fonctionnel qu’urbanistique. Accueillir cet actif signé par Jean-Michel Wilmotte et une institution d’enseignement supérieur comme l’EM Normandie était d’une grande importance pour nous. Pour accompagner son intégration, nous procéderons à différentes interventions urbaines comme l’élargissement du trottoir, la suppression des places de stationnement et un cheminement facilité vers les gares et le métro.

Rémi Gaston-Dreyfus : Nous connaissions déjà Clichy pour y avoir récemment développé un immeuble d’entrée de ville, Gate One, qui abrite aujourd’hui L’Oréal et est exploité par le coworker Morning. Après avoir remporté l’appel d’offres initié par l’ancien propriétaire des lieux, nous disposons donc de deux immeubles tout à fait obsolètes, avec des hauteurs sous plafond ne correspondant plus du tout aux usages d’aujourd’hui. Nous avons fait appel à Jean-Michel Wilmotte, qui nous avait déjà accompagnés pour Gate One, afin d’imaginer un projet de démolition/construction, absolument nécessaire pour ce site. Sa commande était la suivante : dessiner l’immeuble qui symbolise l’économie du XXIe siècle. Si sa vocation initiale était certes d’accueillir des bureaux, la pandémie de Covid-19 commençait à compliquer grandement le marché locatif tertiaire et c’est à cette période que nous avons croisé la route de l’EM Normandie.

Elian Pilvin : Pour être tout à fait transparents, nous sommes arrivés ici par hasard. Nous sommes déjà présents dans le 16e arrondissement de Paris depuis sept ans et la croissance exponentielle de l’école nous amenait à chercher environ 3 500 m2 supplémentaires pour la rentrée de septembre 2022. Or, s’il y avait sur le marché énormément d’offres, celles-ci ne correspondaient pas du tout à une philosophie de campus en matière de respiration et d’ergonomie. En voyant l’agora avec un amphithéâtre ouvert, les nombreux patios et la qualité des espaces, nous avons été convaincus qu’il fallait accélérer le modèle économique de l’école et son développement en nous installant ici sur 14 000 m2. Notre projet était de faire vivre un bâtiment dans lequel nous pourrions avoir un impact et nous reconnaître. Recevoir 3 000 étudiants allait forcément avoir une répercussion énorme sur la ville de Clichy, donc nous devions nous insérer dans un projet de développement et de co-construction urbaine.

Architecture

RGD : La devise de GDG Investissements est « Nos immeubles n’existent que par ceux qui les occupent. » Nous cherchons à anticiper des évolutions des décennies à venir et avons donc un besoin de flexibilité des surfaces mises à disposition en fonction des évolutions sociétales. Nous nous devons aussi d’avoir une technologie embarquée dans l’immeuble ainsi que des volumes évolutifs. Au sein du campus Paris Clichy by GDG par exemple, il est possible de cloisonner les espaces tous les 1,50 m. C’est ce qui nous a permis, d’un point de vue technique, de déterminer en seulement deux semaines si cet immeuble pouvait, sur le plan technique, être adapté à un usage d’ERP première catégorie et ainsi accueillir une école. Sur le plan architectural par ailleurs, le bâtiment a été pensé par Jean-Michel Wilmotte pour qu’il s’insère sans brutalité dans l’environnement urbain, des points les plus hauts aux plus bas.

RM : Nous sommes très sensibles au travail réalisé sur les façades, tant sur rue que sur cour, et demandons ainsi aux promoteurs que celles-ci soient pérennes et autolavables. Nous refusons notamment toute façade réalisée avec des matériaux minéraux. Le travail réalisé ici avec une façade non linéaire totalement originale évoque l’ouverture d’un livre grâce à un décalage en espalier. Par ailleurs, une attention particulière a été apportée à la végétalisation, qui est aujourd’hui primordiale pour un développement urbain apaisé. Signe que cette signature architecturale a su trouver l’adhésion à Clichy et s’intégrer dans le paysage urbanistique du quartier : très peu de recours ont été déposés.

EP : L’enjeu au moment d’intégrer un campus est de s’assurer que l’âme de l’école, ses valeurs, pourront y prendre racine naturellement. Dès que les premiers étudiants sont arrivés, le 4 janvier dernier, nous avons pu constater qu’ils pouvaient s’approprier ce bâtiment. Nous sommes ici dans un campus de « business school » de classe mondiale. Dans ces espaces, la créativité est ouverte et les étudiants peuvent créer des projets et des entreprises, échanger avec des partenaires extérieurs, vivre dans une communauté plus large, car un campus se doit d’être un endroit où l’on crée de la valeur dans tous les sens du terme, sociale, économique, associative, culturelle. Je suis par ailleurs intimement persuadé que ce campus préfigure celui du XXIe siècle de par son agilité et sa capacité à se réinventer au fur et à mesure qu’évolueront les pratiques d’enseignement et les espaces d’apprentissage.

Attractivité

EP : Les grandes écoles de commerce ont été historiquement hébergées par des chambres de commerce. Depuis le début des années 2000, ces dernières ont donné la liberté à leurs écoles de devenir des organisations autonomes, ce qui en retour les a amenées à gagner un rayonnement national, voire mondial. Or, alors que la qualité de vie sur les campus et la valeur des équipements n’étaient auparavant pas prises en compte comme un vecteur d’attractivité, la mise en compétition avec les grandes institutions internationales a révélé un réel déficit au niveau de l’offre immobilière. Cette dernière est depuis devenue un élément essentiel de notre modèle économique. Il se traduit notamment au travers d’un campus tout neuf au Havre, doté d’un geste architectural significatif, et par cette implantation parisienne qui envoie au marché un signal très fort sur nos velléités de croissance et nos ambitions. L’école capable de prendre le meilleur des mondes physique et digital sera celle qui réussira demain. Un euro investi dans le digital doit donc correspondre à un euro investi dans les infrastructures physiques.

RGD : La classe d’actifs Cinaspic (Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif), qui inclut les écoles ou les ambassades, n’est généralement pas très appréciée des investisseurs. Pour notre part, notre confiance en ce secteur est telle que nous avons développé une marque spécifique, « Campus by GDG », dont cette opération représente le deuxième projet. Nous pensons que les écoles ont besoin, en matière d’attractivité tant auprès des élèves que vis-à-vis des enseignants, d’être localisées à Paris ou en première couronne, dans des ensembles immobiliers contemporains permettant de répondre à leurs nouveaux enjeux. Le campus de demain devra faciliter une mixité présentielle/distancielle, et aussi séduire, notamment au niveau du bien-être, pour récompenser les élèves physiquement présents, comme devront le faire les immeubles de bureaux compte tenu de la montée du télétravail.

RM : Accueillir une institution d’enseignement supérieur est significatif pour l’image de la ville. Notre tissu économique est composé de plus de 3 500 entreprises, parmi lesquelles de grands groupes comme L’Oréal, Amazon Europe, Etam ou prochainement Ducasse, et plus de 40 000 personnes viennent travailler ici quotidiennement. Or, ces entreprises sont friandes d’étudiants issus d’une grande école de commerce comme l’EM Normandie, de sorte qu’elle participera à muscler l’attractivité de notre commune. Par ailleurs, il est aussi sympathique d’accueillir ici des jeunes qui amèneront de la vie et du dynamisme avec eux. 

Leur projet commun

Au moment d’acquérir en 2017 deux bâtiments tertiaires mitoyens situés aux 30 et 32 rue Henri-Barbusse, à Clichy, auprès de la mutuelle d’assurance Malakoff Médéric, GDG Investissements avait en tête un projet de démolition/reconstruction permettant la réalisation d’un immeuble de bureaux nouvelle génération. Confronté à un marché locatif rendu atone par la crise sanitaire, l’investisseur rencontre l’EM Normandie, alors à l’étroit sur son site du 16e arrondissement parisien. Rendu possible par la grande flexibilité de l’ensemble immobilier signé par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, l’immeuble jusqu’alors baptisé « H2B » devient ainsi en mai 2021 le Campus Paris Clichy, après la signature par l’école de commerce d’un Befa de 12 ans ferme. Livré en fin d’année dernière et acquis depuis par AEW, l’actif comprend des espaces d’enseignements, de bureaux et de services répartis sur près de 14  000 m², auxquels s’ajoutent 1  800 m² d’espaces végétalisés et arborés imaginés par l’architecte-paysagiste François Neveu. 

Leurs bios

Elian Pilvin (à gauche)

Diplômé de l’EM Normandie, d’HEC Paris et de l’université Paris-Dauphine, où il a complété l’an dernier son doctorat, Elian Pilvin a rejoint en 2013 l’école de commerce EM Normandie en tant que Marketing and Corporate Relations Director avant de gravir les échelons jusqu’à être nommé directeur général en février 2020. Il avait auparavant fondé différentes entreprises liées au conseil, au commerce et à l’intégration d’équipements et de matériel audiovisuel.

Rémi Muzeau (au centre)

Élu au conseil municipal depuis 1995, Rémi Muzeau est maire de Clichy depuis 2015. Il est par ailleurs vice-président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine depuis 2015, membre de la commission permanente, président de la commission de l’habitat, de la politique de la ville, de la contractualisation municipale et de la prévention et sécurité publique. Il œuvre également en tant que conseiller métropolitain à la Métropole du Grand Paris et comme président de Hauts-de-Seine Habitat. Avant d’entrer dans l’arène politique, il avait fondé et dirigé pendant 30 ans une entreprise spécialisée dans le BTP.

Rémi Gaston-Dreyfus (à droite)

Avocat de formation, Rémi Gaston-Dreyfus est un entrepreneur et business angel dont les investissements touchent aussi bien la presse, le e-marketing et la tech, la santé, la mode, la photographie, les spiritueux, le e-tourisme que l’immobilier. Il est notamment le fondateur et président de GDG Investissements, une société fondée en 2006 et spécialisée dans la rénovation et la restructuration lourde d’actifs immobiliers obsolètes à Paris et en première couronne.


Interview issue du numéro 186 de Business Immo Global.

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