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Carte blanche à… Winy Maas

Photos © Ossip Van Duivenbode

L’agence néerlandaise MVRDV achève la livraison des Ateliers Gaîté, à proximité de la gare Montparnasse, à Paris. Un projet de 108 000 m2 qui incarne une vision, celle de la ville du futur. Dense, mixte, humaine. Rencontre avec ses acteurs côté maîtrise d’œuvre…

MVRDV, c’est bien sûr Rotterdam, où l’agence d’architecture a été fondée en 1993 par Winy Maas, Jacob Van Rijs et Nathalie de Vries, mais c’est aussi Berlin, New York, Shanghai, Paris… L’agence a une portée mondiale et une renommée qui la précède avec des projets ultra-contemporains. Le Markthal en forme de fer à cheval, à Rotterdam, pour n’en citer qu’un, combine un marché couvert enveloppé de logements. Plus proche, en France, l’agence a signé très récemment la transformation du centre commercial de la Part-Dieu, à Lyon, pour le compte d’Unibail-Rodamco-Westfield. « Une agence satellite, comme celle de Paris, nous permet de suivre les projets du début à la fin », explique Winy Maas dans la langue de Molière. « Le début pour pouvoir partager la culture du pays où nous développons le projet, la fin pour pouvoir contrôler son exécution. »  

« Up-dater » la ville

MVRDV travaille à différentes échelles : urbanisme, paysage, architecture. L’antenne française – qui compte 30 personnes – planche par exemple sur le master plan de 35 ha de la Bastide Niel, à Bordeaux, 600 ha de friches industrielles à Caen (projet Caen Presqu’île), comme elle vient de livrer Les Ateliers Gaîté, un îlot mixte en plein cœur de Paris. « Cela veut dire que l’on travaille à une grande échelle sur des petites choses », sourit Winy Maas. Quelle que soit la taille du projet, la méthode reste la même : le processus de conception revêt une dimension pluridisciplinaire et collaborative. L’objectif reste le même également : offrir des solutions aux problèmes architecturaux et urbains contemporains. L’architecte affine : « Chaque bâtiment que l’on construit vise à démontrer la manière dont on veut vivre dans les futures villes. » Il poursuit l’analyse : « Nous avons besoin de construire les villes pour les 50 ans à venir. Afin d’accueillir une population en augmentation, elles vont devoir un peu s’agrandir, beaucoup se densifier. Être sociales, ouvertes, accessibles, vertes…» Pour l’architecte, chaque projet permet d’« up-dater » la ville existante, d’imaginer tout ce qui est possible pour la rendre vivable et viable : parcs, places publiques, toitures pouvant stocker l’eau de pluie…

Les Ateliers Gaîté, un projet manifeste

Développant 108 000 m2 et livrés progressivement courant 2022, Les Ateliers Gaîté constituent un exemple parfait de cette vision. Situé sur une parcelle rectangulaire longeant l’avenue du Maine, dans le quartier de la gare Montparnasse, à Paris, le projet intègre un programme mixte comprenant un centre commercial, des bureaux, une bibliothèque publique, des logements, une crèche, un hôtel et un parking souterrain. Il consiste en la restructuration de l’îlot Vandamme, un bloc urbain construit dans les années 1970 par l’architecte Pierre Dufau,
« qui constituait historiquement une fracture dans la ville », décrit Pierre des Courtis, directeur de projets chez MVRDV. Un des grands principes du projet a été de rendre perméable cet îlot construit sur dalle, de le connecter au quartier en aménageant notamment de larges trottoirs, différentes ouvertures selon les programmes pour ancrer la construction au niveau de la rue et lui donner une échelle plus urbaine, mais aussi plus humaine.

Pour ce faire, le volume massif et horizontal a été divisé en fragments exprimant chacun un élément programmatique. Les différentes façades, refermées jusque-là sur elles-mêmes, révèlent désormais les successions de « boîtes » ou « clusters » insérés dans le cadre structurel existant, qui diffèrent en taille selon le programme. « Afin de conserver une lecture d’ensemble de l’îlot, nous avons fait transparaître les différents programmes non pas par des changements de matériaux ni de façade, mais en adaptant une même histoire avec en façade des jeux de saillies et de retraits, du métal et du verre qui permettent une déclinaison à l’extérieur des différents programmes en volumes intuitifs logiquement intrinsèques à chacun d’eux », développe Pierre des Courtis. L’échelle des logements se veut ainsi plus petite que celle des bureaux, les bureaux restent horizontaux, le centre commercial développe de larges baies vitrées, etc.  « Avec ce projet, nous avons travaillé sur la fragmentation des différents programmes, appuie Winy Maas. La fragmentation a été poussée au maximum de ce qu’autorisait le plan local d’urbanisme (PLU) et l’architecte des Bâtiments de France. Même si elle aurait pu être plus expressive avec un PLU moins contraignant, elle reflète ce que je nomme une hyperbole… » Et Pierre des Courtis d’enchaîner : « C’est-à-dire un projet qui, par son échelle et son impact urbain, devient extrême par son écriture architecturale, et en même temps, par le langage propre à chaque programme, reste à une échelle humaine. »

Cet îlot, du fait de sa mixité (« qui aide à vivre avec la densité en évitant les ghettos », dixit Winy Maas), de sa nouvelle porosité et de son échelle urbaine, va redynamiser le quartier en créant de nombreuses connexions avec les riverains, les passants et les touristes. Pour ses concepteurs, ce projet démarré en 2008 a su évoluer avec le temps et peut continuer à le faire à l’avenir par son architecture qui est en lien avec la modernité. « Chaque projet représente pour nous l’occasion de faire un manifeste sur le besoin du futur », conclut Winy Maas.  


Article issu du Business Immo Global 191.

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