Haut

Le Spot à La Ciotat : mutation d’image et d’usage

La ville de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, a vu naître le cinéma. Elle a participé à l’un des premiers tournages de son histoire : L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat des frères Lumière qui y venaient en villégiature l’été. Elle y abrite encore la première salle : l’Éden Théâtre. En plein centre-ville. Aujourd’hui, elle y accueille le Spot, un programme comprenant une salle multiplexe. En bordure de ville. Il fait honneur au septième art par son architecture, et à la ville, par son urbanité.

 

À mi-chemin entre la mer et l’autoroute, le terrain se situe en « entrée de ville », un espace souvent décrié pour son absence d’ordre et d’esthétisme, où se succèdent de manière chaotique de boîtes à chaussures, des contenants, en guise de bâtiments. Le projet aurait pu s’inscrire dans cet urbanisme-là, car « la programmation portait à construire des boîtes » annonce d’emblée Alfonsio Femia, architecte du projet. La programmation, lancée par la ville en 2015 consistait en la création d’une salle multiplexe sur un site sans qualité aucune. Point barre. Le promoteur, Avi et 13 Mars Développement, et l’architecte, Ateliers(s) Alfonso Femia AF517, ont proposé d’inscrire le projet dans un programme intégrant le cinéma (au total ce sont huit salles), des commerces et des restaurants – dont un en rooftop avec vue imprenable sur la baie de La Ciotat, des bureaux et salles de coworking, un hôtel, un appart’hôtel, et des parkings. Le tout réparti dans trois bâtiments reliés par des espaces paysagers. « Nous avons souhaité amener un pôle de loisirs qui fonctionne avec le cinéma pour le rendre plus attractif », souligne Michaël Mettoudy, président de 13 Mars Développement.

« Nous avons cherché à construire un paysage dans le paysage. Créer un rythme, une séquence », complète Alfonso Femia pour le volet urbain. L’emprise au sol des bâtiments ne dépasse pas 35 %, même si celle-ci n’est pas limitée par le PLU. Diminuer l’emprise des constructions et ainsi réduire la bétonisation des sols s’est révélé pour le maître d’œuvre un impératif écologique qui offre plusieurs avantages : absorber les eaux directement sur la parcelle en cas de fortes pluies, protéger la « connectivité écologique », atténuer l’effet d’îlot de chaleur grâce à la végétation et aux sols naturels, augmenter la qualité de l’air avec un effet positif sur l’humidité. Et, au final, améliorer le bien-être des usagers.

 

De ce paysage émergent trois bâtiments traités avec une même matière, du béton préfabriqué à Bergame, en Italie, et mis en œuvre par Eiffage Construction. Ce béton autonettoyant se distingue par sa couleur : un blanc pur rappelant les badigeons de chaux des maisons méditerranéennes qui réfractent les rayons du soleil. Et par des ouvertures en façade : pour le cinéma, des sortes de meurtrières ouvrant le bâtiment sur l’extérieur tout en filtrant la lumière crue du Midi.

L’architecture comme la végétation marquent la mutation d’image et d’usage du terrain, une ancienne friche squattée jusque-là, et ordonne cette entrée de ville en la requalifiant. « Garantir une reconnaissance de l’espace urbain par l’instauration de repères et par une implantation du bâti plus attentive au contexte, paysager et géographique notamment », tel est le défi que s’était lancé l’architecte. Défi relevé. Traités de façon urbaine avec des trottoirs, bancs, luminaires, végétation, les espaces privés extérieurs reprennent le vocabulaire urbain du centre-ville et s’inscrivent dans une urbanité trouvée. Voire même : inventée.

 

Photos : © Stefano Anzini