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Le Spot / Maurin Nadal, Stéphane Beaudet & Philippe de Taffin

Photos : © Jad Sylla pour Business Immo Global 

Le centre commercial Évry 2 a été inauguré en 1974 avec l’ambition d’offrir une centralité urbaine à la ville nouvelle. Cherchant depuis plusieurs années à redonner au site cette fonction structurante ainsi qu’à booster l’attractivité du territoire, la Société des centres commerciaux (SCC) et la Ville d’Évry-Courcouronnes ont noué un partenariat public-privé visant son extension et son repositionnement. Au printemps 2023 sera ainsi inauguré Le Spot, où sera déployée sur 126 000 m2 une offre mixte alliant culture, loisirs, sport, santé et commerce. Explications avec Maurin Nadal, président du directoire France et Belgique de la SCC, Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes, ainsi que Philippe de Taffin, président de l’agence Matador.

L’histoire

Maurin Nadal : SCC – Much More Than Retail, pour le compte la foncière LSGI, a créé le site d’Évry2 en 1974. La ville d’Évry était encore en plein développement. Le centre commercial s’est alors naturellement positionné comme un centre-ville.
La ville s’est dotée d’infrastructures publiques de premier rang, avec notamment une salle de spectacle parmi les plus grandes d’Île-de-France, une scène nationale, une patinoire, une piscine et une médiathèque attenantes au centre commercial, l’ensemble constituant une concentration d’équipements et d’activités exceptionnelle.

Après une extension majeure en 2003, une rénovation des parties communes en 2015, et le travail constant des équipes de la SCC pour adapter l’offre et les services du centre aux attentes des clients, la SCC et la foncière LSGI ont décidé de franchir un cap pour augmenter le rayonnement du centre commercial et, grâce au partenariat public-privé, de participer à la transformation du cœur de ville d’Évry-Courcouronnes avec l’ambition de devenir la capitale culture, loisirs et shopping du Grand Paris Sud, une destination appelée Le Spot.

Stéphane Beaudet : Ayant grandi ici, j’ai connu la place de l’Agora à une époque où elle ressemblait à ce que l’on va faire avec cette opération : ouvrir le centre commercial et la mezzanine, remettre l’entrée du cinéma au premier étage, etc. Les aménageurs n’ont pas fait que des erreurs à l’époque de la création de la ville nouvelle. C’est plutôt par la façon dont on a dévoyé l’espace public et privé au cours des 50 dernières années que ce site a été abîmé, notamment sur des problématiques de covisibilité et d’éloignement. Comment sortir de cet enchevêtrement né de l’époque des villes nouvelles et d’un coportage entre les espaces publics et privés ? Notre ville a été rendue illisible par cette dalle et c’est ce que nous cherchons aujourd’hui à éclairer. Depuis longtemps, nous portons avec la SCC un constat commun sur la nécessité de rouvrir le centre commercial sur la ville, de reconquérir la place de l’Agora, pour qu’ils refassent centre et maximisent le potentiel des aménités urbaines extraordinaires qui les entourent. 

Philippe de Taffin : L’agence Matador, spécialisée en marketing, identité et communication des lieux et territoires, a intégré le projet au 4e trimestre 2018. Si le projet était à ce stade bien lancé, notre enjeu était de réunir toutes les chances de le concrétiser par différents moyens. En rendant très lisible le partenariat innovant qui porte cette opération, à commencer par lui trouver un nom et en créant la première marque-lieu public-privé en France. En déployant une communication publique et privée commune, une communication travaux commune, des outils uniques. Notre rôle est aussi de mettre le plus de moyens possible pour fédérer un maximum de parties prenantes, pour le soutien à la commercialisation, mais aussi à travers l’impulsion de comités marketing public-privé, ou encore par une démarche de workshop de co-conception. En parallèle, nous accompagnons le centre commercial dans sa communication d’exploitation et de transition. Nous avons donc conçu et orchestrons un programme visant à établir une marque emblématique qui soit vraiment une référence en matière d’innovation urbaine et de transformation, y compris dans la manière de faire. Car le succès de ce projet réside dans les synergies et le lien pour que l’expérience soit in fine sans couture pour les utilisateurs. 

Le programme

MN : L’approche privilégiée par la SCC est de créer ce que nous appelons les sites « Next Destination », soit une nouvelle catégorie de destination avec une offre complète alliant, sur 126   000 m2, commerces, loisirs, restauration, sports, culture, services et santé.

Nous sommes convaincus que nous créerons les destinations de demain en offrant une expérience unique dans nos sites grâce à des concepts inédits, dans tous les secteurs, mais plus particulièrement sur l’offre de restauration et loisirs, ainsi que des enseignes déployées sur leurs derniers concepts, leurs plus grands formats. Cela se traduit déjà, entre autres, avec l’arrivée d’un des premiers Primark de France, les ouvertures d’un des plus grands Zara du pays, d’un des premiers Decathlon sur un format centre-ville, l’extension d’H&M, mais également avec le premier parc de loisirs TFou (en partenariat avec TF1) ou encore avec une vingtaine de concepts de restauration.

Toute cette offre est déployée dans un souci de cohérence du parcours client, notamment entre le centre commercial et les équipements publics, et la volonté d’ouvrir le centre sur son environnement, grâce à la création de nombreuses terrasses extérieures dédiées à la restauration associée à la rénovation des espaces publics attenants.

SB : Partout dans le monde, les centres commerciaux misent aujourd’hui sur une offre de loisirs plus que sur une offre commerciale. L’Essonnien qui arrive au centre-ville d’Évry ne peut se rendre compte que, sur moins d’un kilomètre carré, se trouvent un centre commercial, une salle de spectacle de 3 000 places, deux théâtres et un cinéma, mais aussi une mairie, une préfecture, six tribunaux, une université de 12 000 étudiants, trois grandes écoles internationales, une faculté des métiers de 3 000 étudiants ainsi que tous les centres de formation importants. Combinée à la démolition de la dalle de La Poste, prévue dans deux ans, nous recréerons une vraie place du centre-ville qui fera que, du cours Blaise-Pascal, on se retrouvera en covisibilité avec le département, la préfecture, le tribunal, l’Agora et, au niveau du sol, Le Spot avec ses terrasses et son ouverture sur le centre commercial.

PDT : Avec Le Spot, nous regroupons l’ensemble des usages et des équipements, publics comme privés, nous unissons les forces et nous créons une valeur immatérielle pour un pouvoir d’attractivité, d’influence et de mobilisation qui dépasse ces usages. Des idées innovantes jaillissent du dernier workshop qui s’est révélé être un véritable laboratoire sans limites : créer un studio multimédia et multifonctionnel (contenu, radio, numérique, gaming, etc.) ouvert aux universités, imaginer une app commune, créer un parcours urbain qui soit une destination, et une multitude d’idées innovantes en matière de marketing urbain. L’enjeu est d’inciter et d’engager les utilisateurs et acteurs du territoire, pour que la ville devienne leur terrain de jeu, qu’ils en prennent possession.

La vision

PDT : Cette opération est plus qu’un pas de côté, mais une vraie prise de hauteur. Plutôt qu’une simple expérience commerciale, elle se veut avant tout une nouvelle expérience de la ville, là où l’on rencontre aujourd’hui des comportements d’érosion de centre-ville, avec comme premier point d’attaque la conviction que la ville ne doit pas être que pratique, mais aussi divertissante, créative et créatrice de lien. Évry-Courcouronnes est aujourd’hui la capitale de Grand Paris Sud, un bassin qui se doit d’être attractif. Dans son offre culturelle, dans le parcours client, dans les services, dans les partenariats, dans la manière de gérer les communautés. Ce que l’on aime tous dans la ville, c’est la variété, la diversité, la culture, les rencontres, et le centre commercial traditionnel a toujours essayé de créer cela de manière artificielle. C’est d’ailleurs probablement aujourd’hui son plus gros défaut. L’énorme avantage de ce projet est de pouvoir recréer ce lien social de façon authentique, au cœur de la ville, de façon décloisonnée.

MN : Jusqu’à présent, Évry 2 et les équipements publics qui l’entourent n’étaient pas suffisamment perçus comme un ensemble. Le projet est matérialisé par la rénovation concomitante de tous ces équipements, mais aussi par leur connexion avec l’espace restauration et loisirs pour venir former un ensemble cohérent, Le Spot du Grand Paris Sud. Cela se matérialise aussi par exemple sur la place de l’Agora, qui desservait toutes les infrastructures publiques attenantes au centre commercial, par une attention particulière portée pour gommer la coupure entre les espaces privés et publics avec des choix de matériaux concertés entre la foncière LSGI et les acteurs publics.

Un effort considérable a également été mené par les acteurs publics pour améliorer l’accessibilité déjà exceptionnelle du site, notamment en matière de transports en commun (arrivée du Tramway Massy-Évry, de nouvelles lignes de bus électrifiées, de nouvelles rames du RER D, etc.).

La capacité à nouer des partenariats avec les acteurs publics et autres parties prenantes pour repenser les lieux, pour y intégrer une diversification de l’offre et une mixité d’usages sans précédent afin de garantir l’attractivité de ces derniers, et donc les flux de visiteurs, c’est la stratégie de la foncière LSGI et l’expertise de la SCC. Et Le Spot du Grand Paris Sud en est un des exemples.

SB : Sur ce programme d’investissement de plus de 30 M€, l’agglomération Grand Paris Sud est intervenue aux côtés de la Banque des Territoires en nous portant garante d’emprunt – une première pour nous sur un projet commercial privé –, avec l’ambition d’impulser la transformation de notre centre-ville. Nous sommes à un moment charnière en matière d’aménagement du territoire que nous n’avons pas le droit de rater. Trois infrastructures majeures de transport nous rejoindront en moins d’un an : le T12 Express, qui nous relie non seulement à Massy et à son TGV, mais aussi au plateau de Saclay au moment où s’opère la fusion de l’université d’Évry avec celle de Saclay ; le T-Zen 4, le premier bus électrique trois caisses d’Île-de-France qui traverse le centre commercial ; et le nouveau matériel du RER D. En matière de métropolisation, nous sommes donc à un point de bascule presque instantané, qui fait d’ailleurs qu’on observe une hausse de 13,5 % des prix immobiliers depuis un an et demi. En matière d’aménagement du territoire, vous êtes soit dans un cercle vicieux, soit dans un cercle vertueux. Le Spot, à la jonction de tout cela, n’est donc plus un pari, mais constitue déjà un succès.  

Leurs bios

Maurin Nadal

Diplômé d’un bachelor en économie de la Columbia University de New York et d’un master de Sciences Po Paris, Maurin Nadal a amorcé sa carrière en tant que consultant au sein du cabinet de conseil Attali & Associés avant de rejoindre le groupe Mercialys en 2014 en tant que Portfolio Manager. Il a intégré deux ans plus tard la Société des centres commerciaux, où il a été tour à tour Finance Manager, Asset Manager, directeur du centre commercial Évry2, directeur des opérations ainsi que directeur exécutif France et Belgique en charge des opérations, de la valorisation et de la gestion. En septembre dernier, il est devenu président du directoire des entités France et Belgique.

Stéphane Beaudet

Détenteur d’un master 2 de l’université d’Évry en aménagement et gestion/développement du territoire, Stéphane Beaudet a grandi dans la ville nouvelle. Maire de Courcouronnes depuis 2001, il est devenu maire d‘Évry-Courcouronnes en 2019 (sans étiquette) suite à une fusion entre les deux villes. En plus de ses fonctions d’édile, il agit également au titre de président délégué de Grand Paris Sud, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France en charge des transports, président de l’Association des maires d’Île-de-France ainsi que comme président du Genopole, cluster dédié à la biotechnologie.

Philippe de Taffin

Diplômé de l’EDC Paris Business School ainsi que de la Universidad Pontificia Comillas ICAI-Icade de Madrid, Philippe de Taffin a rejoint en 2012 Matador, agence de design et de communication globale spécialisée dans le marketing et la communication des lieux, en tant que Business Director avant de rapidement gravir les échelons. Nommé directeur associé en 2014, puis directeur général deux ans plus tard, il est devenu président en 2019. Au cours des dernières années, son agence est intervenue auprès de propriétaires de commerces tels que SCC, Apsys, Frey, Carmila ou Galimmo, mais aussi sur des aménageurs comme Paris
La Défense, Grand Paris Sud et SNCF
Gares & Connexions.

© SCC
© SCC
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Leur projet commun

Près de 50 ans après l’ouverture du centre commercial Évry 2, la Société des centres commerciaux (SCC), qui gère ce site pour le compte de la foncière LSGI, et la Ville d’Évry-Courcouronnes ont souhaité redonner à l’actif le rôle de centre-ville qui lui était dévolu lors de son inauguration par le mouvement des villes nouvelles, politique d’aménagement du territoire mise en œuvre en France au tournant des années 1970. Au menu, une extension de 8 000 m2 qui portera la surface totale du centre à 126 000 m², mais surtout un programme de transformation et de réhabilitation public-privé pensé par l’agence d’architecture Chapman Taylor, qui doit permettre le déploiement d’une offre mixte alliant culture, loisirs, sport, santé et commerce, de même qu’un nouveau hall de restauration composé de 20 établissements. 

Forts d’un investissement total de 51 M€, dont 31 M€ ont été financés via un prêt renouvellement urbain porté par la Banque des Territoires, le projet s’inscrit de façon plus large dans un programme de redynamisation des espaces publics et équipements adjacents, tels que la place de l’Agora, la place des Terrasses ou encore de la salle de spectacle des Arènes de l’Agora. Cette transformation s’accompagne en outre d’une nouvelle identité, via une opération de marketing territorial pilotée par l’agence Matador culminant avec la création de la première la première marque-lieu publique-privée. Lors de sa livraison au printemps 2023, le centre commercial Évry 2 ne sera plus. Le Spot aura pris sa place avec l’ambition forte de devenir « la capitale culture-loisirs, shopping & food du Grand Paris Sud ».


Article issu du Business Immo Global 190.

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