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Sways / Sabine Bourrut-Lacouture Lépine & Anthony Bechu

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À l’issue d’une transformation profonde ayant permis l’émergence d’un actif tertiaire nouvelle génération de 42 000 m2, l’immeuble Sways s’apprête à accueillir en septembre le nouveau siège de Canal+ à Issy-les-Moulineaux. Pour penser cette opération, acquise fin 2019 par Sogecap, Bouygues Immobilier s’est tournée vers l’agence Bechu + Associés, celle-là même qui avait conçu l’immeuble d’origine. Regards croisés avec Sabine Bourrut-Lacouture Lépine, directrice générale immobilier d’entreprise France chez Bouygues Immobilier, et l’architecte Anthony Bechu.

 

Par Luc-Etienne Lafond Rouillard

Histoire

Anthony Bechu : Ce site, auparavant situé en pleine zone industrielle d’Issy-les-Moulineaux, accueillait jadis les usines et ateliers du groupe Thomson. Avant même que la ZAC Forum Seine n’existe, il a cristallisé l’ambition d’avant-garde qu’avait le maire André Santini d’inviter de l’activité économique tertiaire au sein de ce que l’on appelait « le bas quartier ». Nous avons ainsi pensé le siège de Galec (Groupement d’achats E.Leclerc), doublé de bureaux pour les Assurances générales de France (AGF), livrés en 1990, avec une entrée dans la diagonale et en orientant l’ensemble du bâtiment vers un patio central et des cours. Toutes les façades étaient des pignons sur l’extérieur pour se protéger de la pollution et des usines environnantes. Nous avions alors habillé ces murs extérieurs de granit rose provenant de Corse afin d’égayer l’atmosphère de la rue, tandis que le patio intérieur accueillait les sorties de secours et des parkings dans chacun de ses angles, eux-mêmes innervés des halls d’entrée. L’immeuble était donc tourné sur lui-même et enfermé par les murs qui le protégeaient de son environnement immédiat. Une première extension de 2 500 m2 réalisée sur la toiture en 1995 afin d’installer les bureaux de l’Aviation civile, alors en attente de son futur siège, avait déjà permis un premier pas vers une nouvelle identité en devenir… 

Sabine Bourrut-Lacouture Lépine :  La conception même de l’immeuble d’origine faisait qu’il était refermé sur lui-même afin que ses occupants n’aient pas à voir les usines qui l’entouraient. Près de 30 années plus tard, il ne se prêtait plus aux usages tertiaires attendus par les entreprises dont les besoins avaient évolué. En difficulté pour trouver des preneurs, et inoccupé aux deux tiers, l’actif a été mis en vente en 2016 par l’un de ses copropriétaires, CNP Assurances. Partenaire historique de la ville d’Issy-les-Moulineaux et de son maire, nous possédons chez Bouygues Immobilier une véritable connaissance du secteur Forum Seine, dans lequel se situe également notre siège. Ce quartier s’est métamorphosé au cours des 30 dernières années pour devenir un véritable centre d’affaires et un lieu de vie. Nous avions très tôt identifié la pertinence et le fort potentiel de cet immeuble, obsolète à l’époque, mais très bien situé. C’est ainsi que nous avons fait appel à Anthony Bechu pour penser la métamorphose de son architecture et à sa fille, Aliénor Bechu, qui s’est chargée de l’architecture d’intérieur et de l’aménagement des espaces.

Nouveau paradigme

SBLL :  Cette opération de transformation, qui a fait passer la surface de 31 000 m² à 42 000 m2, a été conçue avant la pandémie de Covid-19 à partir de fondamentaux dont la pertinence a depuis été confirmée par la crise sanitaire. Avec Sways – pour « smart ways to work » –, nous avons fait du post-Covid avant le Covid ! La nature, le service et la simplification de la vie des collaborateurs ont été au cœur de nos réflexions. Ces derniers ont besoin de se retrouver dans un lieu à la fois polyvalent et serviciel, où il fait bon vivre, pour créer et partager une culture commune et ainsi renforcer leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Avec son concept de « bureau généreux », Bouygues Immobilier pense ses bureaux afin qu’ils en fassent plus pour les collaborateurs, plus pour le quartier et les riverains, et plus pour la planète.  En tant que locataire, Canal+ avait certes quelques besoins spécifiques, et notamment le souhait de pouvoir implanter ses studios d’enregistrement dans le bâtiment, mais recherchait avant tout beaucoup de flexibilité. Les grands plateaux de 5 000 m2 extrêmement modulables proposent plus de 30 % de salles de réunion et offrent cette agilité, tout en favorisant les échanges et le confort des usagers. L’empreinte environnementale du bâtiment et sa consommation énergétique ont également été optimisées. Nous avons fait le choix de transformer le bâtiment plutôt que de le démolir et de le reconstruire, et avons valorisé une partie des matériaux d’origine afin qu’ils soient réemployés sur un autre chantier en Île-de-France. Une triple ambition qui nous a permis d’obtenir les labels Breeam Excellent et HQE, ainsi que WiredScore, pour ses qualités environnementales et sa très bonne connectivité.

AB :  Nous avons complètement changé de paradigme dans la conception des immeubles tertiaires. Notre approche, il y a quelques années, avait pour effet de densifier la population à l’intérieur des immeubles pour rentabiliser au maximum les surfaces, ce qui se traduisait par exemple par des plafonds plus bas, pléthore de luminosité électrique et moins de fenêtres pouvant être ouvertes. Depuis le début des années 2000, les architectes s’interrogent sur la vie au sein de l’immeuble de bureaux – notamment sur la façon dont on peut amener la nature à l’intérieur – ainsi que sur le dialogue que celui-ci doit avoir avec la ville. C’est dans cette optique que nous avons transformé cet immeuble. D’abord par la végétalisation des espaces intérieurs et extérieurs, suivant un concept biophilique, mais aussi en redécoupant les énormes plateaux avec des patios, l’ensemble donnant ainsi naissance à des terrasses de différentes hauteurs qui s’inscrivent par ailleurs dans les horizontales en façades pour dialoguer avec la ville.  Ce jeu redonne de la vie à ces grands plateaux, en permettant de les remettre à une échelle humaine et de les personnaliser. Neveux Rouyer Paysagistes a pensé ces espaces comme la nature elle-même, en intégrant 80 % de plantes mellifères au milieu desquelles ont été installées des maisons pour les oiseaux et les insectes, permettant ainsi à la biodiversité de se réinstaller au milieu de la ville. Tout a été conçu pour que chacun, depuis son lieu de travail, ait une vue sur la nature, et que celle-ci rentre à l’intérieur des bureaux.

Ouverture 

AB :  Nous avons conservé les patios existants en les ouvrant encore davantage et en les couvrant pour intégrer un concept que nous avons baptisé « Living Square ». Il s’agit d’une rue intérieure, située au sein même de la composition et qui donne pour effet visuel d’envelopper le bâtiment comme un gant ! Elle permet de le rouvrir à la ville avec des jeux d’horizontales, de transparences, en dotant sa façade de « boîtes » qui se posent comme des écrans pour dialoguer l’environnement adjacent. Toute cette écriture a remis en scène l’immeuble, comme un petit théâtre, afin de lui donner sa nouvelle identité. Nous avons également fait en sorte que la ville prenne peu à peu possession du rez-de-chaussée avec plus de 4 000 m2 de services articulés autour du Living Square, lui-même couronné d’une verrière dont les tirants sont inspirés de l’architecture navale. Installé sur la rue Camille-Desmoulins, et à proximité immédiate de la gare du RER, l’immeuble a la chance d’être au cœur d’un dynamisme permanent d’échanges et de flux. C’est la raison pour laquelle nous y avons installé une offre de commerces et services accessibles à tous. Cette dynamique est par ailleurs accentuée par l’œuvre lumineuse de l’artiste Yann Kersalé, qui chaque soir met en scène le bâtiment, lui permettant de dialoguer autrement la nuit avec la ville. L’immeuble a une nouvelle identité, en phase et ouvert sur la ville.

SBLL :  Nous avons référencé cette œuvre auprès du ministère de la Culture dans le cadre de la démarche « 1 immeuble – 1 œuvre » avec l’objectif de rendre l’art accessible à tous et de lui donner une place au cœur de la fabrique de la ville. L’œuvre imaginée pour ce projet renforce l’identité du bâtiment et apporte des programmations d’une grande élégance pour en faire un bâtiment unique. Il y a aujourd’hui un rejet de l’acte de construire possiblement parce que jusqu’à présent, les bâtiments n’étaient pas pourvoyeurs de services, mais uniquement vécus comme contribuant à la densité urbaine. Les habitants en ont justement besoin, au même titre que nos opérations doivent être belles et plus respectueuses de l’environnement. Ce quartier encore en évolution manquait d’animation et de commerces. Nous avons donc pensé Sways comme un immeuble ouvert sur l’extérieur tant sur le plan visuel que fonctionnel. Nous installons des services au RDC, comme cette grande halle gourmande de près de 2 000 m2 pour laquelle un bail a été signé avec le groupe Mamie Cocotte au travers de son concept « Big Terroir ». Situé à la sortie du RER et ouvert 7 jours sur 7, elle servira à la fois les collaborateurs de Canal+ mais aussi les Isséens. Toujours dans cette volonté d’intensifier les usages du bâtiment, nous avons intégré au projet un parking public exploité par Indigo. Là où il y avait autrefois un immeuble obsolète et fermé à la ville, se trouve désormais un objet architectural fort, pleinement inscrit dans son environnement. 

© Bouygues Immobilier
Sabine Bourrut-Lacouture Lépine Diplômée en 1999 de l’Institut Français du Design - École Camondo, Sabine Bourrut-Lacouture Lépine a rejoint en 2000 la direction immobilier d’entreprises et commerces de Bouygues Immobilier, où elle a depuis gravi les échelons. Passée par différents postes de direction liés au développement, elle est nommée directrice générale immobilier d’entreprise Île-de-France en 2015 avant d’être promue, quatre ans plus tard, directrice générale immobilier d’entreprise France et hôtellerie. © Jad Sylla pour Business Immo Global
Anthony Bechu Fils et petit-fils d’architecte, son grand-père et son père ayant fondé et dirigé l’agence Bechu + Associés, Anthony Bechu est architecte, urbaniste DPLG depuis 1976 et architecte du patrimoine CESHCMA depuis 1981. Membre de la Société française des architectes (SFA) depuis 1983, de l’Académie d’architecture depuis 2005 et de l’Académie des technologies depuis 2009, il a aussi enseigné à l’École spéciale des travaux publics, des bâtiments et de l’industrie (ESTP) et a été directeur des écoles d’art américaines de Fontainebleau depuis 2009. Il a également été nommé chevalier des Arts et des Lettres. © Jad Sylla pour Business Immo Global
© Bouygues Immobilier

Leur projet commun

Pour penser l’opération de transformation ayant permis l’émergence de l’immeuble Sways, qui accueillera en septembre le siège de Canal+, Bouygues Immobilier s’est tournée vers l’architecte Anthony Bechu et son agence, qui avait jadis signé sa première itération. D’un immeuble de bureaux de 31 000 m² construit il y a 30 ans et refermé sur lui-même pour se protéger du tissu industriel environnant, le promoteur a livré à son acquéreur Sogecap un actif tertiaire nouvelle génération de 42 000 m2 ouvert sur le quartier Val-de-Seine d’Issy-les-Moulineaux. Composé de plateaux de 5 000 m2 traversants et flexibles proposant plus de 30 % de salles de réunion, l’opération intègre également une offre de services de plus de 4 000 m². Le rez-de-chaussée accueille notamment sous une grande verrière un Living Square où s’allient des espaces de rencontres, un auditorium ainsi qu’une halle gourmande de plus de 4 000 m², opérée par le groupe Mamie Cocotte et ouverte aux riverains. 

Baptisée Sways pour « smart ways to work », l’opération cherche également à répondre aux meilleurs critères en matière de performance, de sécurité et de connectivité, notamment grâce à un système de maintenance prédictive. Une attention importante a d’ailleurs été portée à son empreinte environnementale en adoptant par exemple une démarche d’économie circulaire ainsi qu’en favorisant la végétalisation. Le bâtiment réhabilité dispose ainsi de 2 100 m2 d’espaces extérieurs arborés et vise les certifications Breeam Excellent, NF HQE Exceptionnel, BBC Effinergie, E2 C1, WiredScore Platinum et R2S 3 étoiles.