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Jeanne Gang & Olivier Wigniolle

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L’université de Chicago, la Ville de Paris, la mairie du 13e arrondissement et la Semapa ont choisi la proposition d’Icade, accompagné par le duo d’architectes franco-américain Studio Gang et Parc Architectes, pour la réalisation d’un projet mixte de près de 9 500 m². Olivier Wigniolle, directeur général d’Icade, et Jeanne Gang, architecte et fondatrice de Studio Gang, reviennent pour in interiors sur ce projet baptisé « le centre parisien de l’université de Chicago ».

Rencontre transatlantique

Olivier Wigniolle : L’histoire de la rencontre avec Jeanne Gang, c’est d’abord l’envie de la part des équipes d’Icade de collaborer avec une « starchitecte » américaine de renommée internationale, l’une des seules femmes, avec la défunte Zaha Hadid, à construire des tours dans le monde. L’histoire du centre parisien de l’université de Chicago, qui ne sera pas une tour, c’est aussi la rencontre, la cristallisation de plusieurs acteurs de la fabrique de la ville autour d’un projet inspirant. Un aménageur – la Semapa – qui n’a jamais hésité à laisser libre cours à l’ambition architecturale sur un morceau de territoire parisien – Paris Rive Gauche – pour lequel Icade a un attachement et un savoir-faire particulier. La Ville de Paris, qui a souhaité pousser sur ce projet innovant les feux de l’audace et de la notoriété mondiale sur le plan de l’architecture. Un utilisateur, enfin, qui avait des besoins très précis en matière d’usage de l’espace et des envies très fortes pour ce bâtiment de 9 500 m2 divisé en deux (logements d’une part, locaux d’enseignements d’autre part). En cette matière, Icade a fait jouer son track record universitaire. Le centre parisien de l’université de Chicago est programmé pour entrer au panthéon des immeubles les plus iconiques de Paris.

Jeanne Gang : J’adore Paris, et après avoir travaillé durant un an et demi sur le concours de la tour Montparnasse, pour lequel nous avons été finalistes, j’avais l’impression de mieux comprendre cette ville. Et puis nous y avions constitué une équipe pleine de talents, très soudée et avec laquelle nous avions noué une relation forte. Pour pouvoir prolonger la collaboration, l’idée de nous lancer dans une nouvelle compétition s’est imposée à nous naturellement. Le projet qui me motivait le plus était le centre parisien de l’université de Chicago. En collaboration avec Parc Architectes, notre objectif était d’apporter une architecture contemporaine liée intrinsèquement au secteur du 13e arrondissement, un endroit où beaucoup d’expérimentations architecturales sont en cours, mais pas tape-à-l’œil, pour qu’elle puisse durer et avoir fière allure avec le temps.

« Le centre parisien de l’université de Chicago est programmé pour entrer au panthéon des immeubles
les plus iconiques de Paris »

— Olivier Wigniolle

© Xavier Lahache

Se choisir

JG : Nous avons eu la chance d’être approchés par trois développeurs différents, ce qui nous a permis d’avoir le luxe de choisir. Et après avoir examiné leurs références, leurs travaux et le résultat de leurs collaborations précédentes avec d’autres architectes, notre préférence s’est portée sur Icade. Nous ne les connaissions que de réputation, mais j’ai été impressionnée par leur travail en matière d’architecture durable et séduite par le succès de leurs collaborations avec le must des architectes concepteurs. C’est donc en toute confiance que nous nous sommes tournés vers eux. D’autant que nous souhaitions mêler sur ce projet du résidentiel et du tertiaire, deux domaines sur lesquels Icade a déjà largement fait ses preuves !

OW : Égérie de l’École de Chicago, qui représente la plus grande école d’architecture au monde en même temps que La Mecque des tours, Jeanne Gang s’était illustrée il y a une quinzaine d’années par l’Aqua Tower, son œuvre phare qui est, avec son envoûtante façade en mouvement et de mon point de vue, la plus belle tour résidentielle de la ville. Son travail très académique, son souci du détail et sa vision architecturale font de cette artiste très complète une spécialiste des tours et plus généralement de la densité en milieu urbain. À telle enseigne qu’elle figurait dans le round final de l’appel d’offres pour la rénovation de la tour Montparnasse à Paris. Dans un autre registre, Studio Gang est également célèbre pour son travail dans l’extension du musée d’Histoire naturelle de New York.

Pour toutes ces raisons, le choix de Jeanne Gang s’est imposé comme une évidence. Pourtant, sur le papier, les contraintes étaient fortes. Le double défi d’Icade consistait à trouver un(e) architecte qui plaise à la fois au client final – l’université de Chicago – mais aussi à la Ville de Paris. Il était également de réussir à marier l’Américain Studio Gang avec le cabinet français Parc Architectes. Le résultat de cette rencontre à multiples entrées est une copie harmonieuse conçue en totale symbiose. Un projet comme celui-là, c’est une réussite collective et collaborative. C’est également une ambition très forte qui sera regardée, analysée et sans doute fera école à Paris.

« Il s’agit d’un projet de rencontres, entre ses occupants et Paris, entre histoire et modernité, entre nature et ville »

— Jeanne Gang

© Xavier Lahache

Ambitions et marqueurs architecturaux

OW : Surplombant le faisceau ferré de la gare d’Austerlitz, et incluant une sortie directe du RER C, ce projet réunira sur un même site le nouveau centre parisien de l’université de Chicago et une résidence d’environ 86 logements en accession, dont une part développée en coconception. En rez-de-chaussée, l’ensemble accueillera environ 950 m2 de commerces de proximité et d’activités, et proposera un concept commercial développé autour du mariage des cultures entre Chicago et Paris. La feuille de route a été guidée par un cahier des charges très exigeant et très strict afin d’accueillir, dans les meilleures conditions, des élèves doctorants. Elle a aussi été nourrie par la volonté d’accoucher d’un bâtiment iconique, visible sur le plan architectural et irréprochable sur le plan environnemental. Au-delà de la contrainte de cahier des charges et foncière, la personnalité de Jeanne Gang a été déterminante.

JG : Les indications données pour le programme étaient centrées autour de la collaboration culturelle. Il y a à Paris une très forte culture des cafés, qui sont des endroits parfaits pour créer des échanges, comme le vise ce projet. L’idée est donc de connecter les étudiants de l’université de Chicago et les Parisiens en programmant des lieux sociaux, où ceux-ci peuvent interagir. Il s’agit d’un projet de rencontres, entre ses occupants et Paris, entre histoire et modernité, entre nature et ville… Ici, l’architecture prouve une nouvelle fois sa capacité à renforcer les relations entre les gens et leur environnement.

Le rez-de-chaussée propose donc des lieux de rencontre, mais compte tenu de la très faible emprise au sol, notre idée était d’articuler un campus vertical bénéficiant de belles ouvertures, naturellement ventilé et offrant une large place à la lumière du jour. Pour favoriser les interactions, nous avons travaillé à offrir des vues sur les différentes parties du programme depuis chaque niveau. Au sommet, une grande salle événementielle, ouverte tant aux occupants qu’aux Parisiens de façon générale, offrira un accès aux jardins. Terrasses, balcons végétalisés, jardins suspendus, rooftop… les espaces extérieurs ont été imaginés par les paysagistes OLM pour créer des espaces de biodiversité et ce, à tous les niveaux de l’immeuble. Autant d’éléments qui contribuent au confort de ce bâtiment à très faible consommation d’énergie. Car s’il se veut vertueux, il doit aussi être agréable à vivre. Ce à quoi contribuent également le système de collecte d’eau de pluie et les panneaux photovoltaïques. Dans cette même logique, nous avons par ailleurs misé sur des matériaux naturels et sains. La construction exploitera au maximum le potentiel de la filière bois et des matériaux naturellement bas carbone et de provenance locale comme la pierre extraite des carrières franciliennes. La structure de l’immeuble sera quant à elle réalisée à 80 % en bois. De quoi instiller au sein du bâtiment une sensibilité continue, sans rupture entre l’extérieur et l’intérieur.

© Xavier Lahache

Et demain ?

JG : Icade, tout comme la Ville de Paris, est tourné vers l’avenir en termes d’approches durables et démontre que, pour gagner une telle compétition, il faut que l’innovation vienne tant de l’architecture que du développeur. Cela nous incite à penser de nouveaux types de programmation, que j’aimerais beaucoup implanter ailleurs ! Espérons donc que de cette rencontre naîtront d’autres collaborations… Reste à saisir les opportunités qui feront sens.

OW : Notre rêve chez Icade serait de parvenir à faire avec Jeanne Gang une tour multi-usage en France. C’est d’ailleurs un appel que je lance auprès des aménageurs français qui détiennent des fonciers. Véritable star mondiale de l’architecture, Jeanne Gang a bâti sa notoriété dans le design mais aussi dans sa maîtrise de l’exécution technique. Brillante tout en restant sobre, envoûtante, simple, son architecture fait sens. C’est sans aucun doute une nouvelle histoire qui s’écrit pour une architecte qui a désormais ses bureaux à Paris.

Leur projet en bref

le centre parisien de l’université de chicago ou le meilleur de l’architecture

Le centre parisien de l’université de Chicago s’installe dans la ZAC Paris-Rive Gauche (13e arrondissement) à deux pas de la Station F et de la Bibliothèque nationale, au-dessus des voies de la SNCF. Lauréat d’un concours lancé par la Semapa et la Ville de Paris, le projet porté par Icade et conçu par l’agence américaine Studio Gang et les Français Parc Architectes mixera université (2 500 m2), 86 logements en accession (6 000 m2) et un socle dédié au commerce (950 m2). Surplombant le faisceau ferré de la gare d’Austerlitz et incluant une sortie directe du RER C, le centre parisien de l’université de Chicago est un projet qui présente des contraintes techniques fortes, notamment des zones d’appui imposées pour les descentes de charge liées à la dalle construite par la Semapa – ainsi que l’exigence d’une solution bas carbone.

La solution proposée consiste en une structure à 80 % en bois haute de neuf étages et une modénature de façade en pierre de Paris. S’inscrivant dans une démarche environnementale ambitieuse, la construction exploitera au maximum le potentiel de la filière bois, des matériaux naturellement bas carbone de provenance locale comme la pierre extraite de carrières franciliennes, et proposera des espaces de biodiversité à tous les niveaux. Le centre parisien de l’université de Chicago vise entre autres le label Bâtiment bas carbone (BBCA) niveau « Standard », ainsi que la certification américaine Leed niveau « Silver » et le label Well niveau « Silver » pour l’université.  EG

© Paris Render with ICADE and Studio Gang
© Paris Render with ICADE and Studio Gang