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Carte blanche à… Architecturestudio

Photo à la Une : © Javier Agustin Rojas

Existant depuis 1973, Architecturestudio fait partie du paysage architectural français et international. L’occasion de revenir sur une agence qui cultive la pratique de la conception collective et la créativité dans chacun de ses projets en instaurant un dialogue fructueux entre les différents acteurs et les projets eux-mêmes. Décryptage.

LInstitut du monde arabe à Paris, le Parlement européen à Strasbourg, le Théâtre national de Bahreïn ou encore le Centre Culturel de Jinan en Chine… autant de références que compte à son actif Architecturestudio. Soit de très grands projets parmi les quelque 1 500 que totalise l’agence d’architecture, d’urbanisme et de design d’intérieur depuis sa création. Basée à Paris, Shanghai et Zug (Suisse), celle-ci réunit une équipe pluridisciplinaire de 150 personnes de 20 nationalités différentes autour de 13 associés. Avec un modus operandi qui caractérise leur pratique : la conception collective. « Au sein de l’agence, le projet se situe à un carrefour d’idées où chacun amène son expérience, sa vision et une culture qui se construit ensemble pour pouvoir répondre à différents enjeux du siècle », explique Romain Boursier, l’un des associés. L’agence s’appuie aussi sur un important socle d’expertises articulées autour de huit thématiques – enseignement, patrimoine, culture, tourisme, bureau, santé, habitat, urbanisme. Celles-ci font l’objet d’un travail prospectif au travers du projet bien sûr, mais aussi de réflexions au sein de groupes tels que celui « Bas Carbone » et de rencontres, notamment avec les « matinées d’AS » qui sont l’occasion d’échanger avec des personnalités extérieures (concepteurs, maîtres d’ouvrage, designers, sociologues, médecins, chercheurs, etc.) 

Ouverture. L’ouverture vers de nouveaux territoires, horizons et projets fait aussi partie intégrante de l’ADN de l’agence. La recherche et développement, par exemple, permet d’interroger cette conception collective avec de nouveaux outils et des méthodes innovantes, notamment la conception paramétrique et le codesign. Ainsi en va-t-il de l’immeuble de bureaux Summers, livré en 2020 à Buenos Aires, Grand Prix 2020 de l’Afex (Architectes français à l’export), dont la façade bioclimatique, une deuxième peau composée de volets en verre sérigraphié et réalisée en conception paramétrique, répond non seulement aux enjeux climatiques en régulant l’air intérieur, mais aussi aux nouveaux usages dans le secteur tertiaire en ménageant un espace tampon derrière cette façade (1) qui ouvre sur la ville tout en pouvant être habité. « Le dessin sérigraphié sur le verre découle d’un chaînage informatique et non pas d’une intention artistique, précise Gaspard Joly, associé lui aussi de l’agence. Une réponse à une situation d’ensoleillement. Le modèle a généré des patterns différents. »

Restructuration. Dans un autre registre, mais toujours dans le tertiaire, l’agence a mené de nombreuses restructurations, notamment à Paris. « Comment restaurer les bâtiments existants avec le souci de respecter le patrimoine tout en proposant une utilisation contemporaine ? », interroge Gaspard Joly. Le projet du 38 avenue Kléber, dans le 16e arrondissement de la capitale (2) réalisé pour le compte de Covéa Immobilier et abritant le siège d’HSBC, est emblématique de la réponse apportée par l’agence : valoriser la générosité des espaces, notamment en réinvestissant les cours extérieures occupées par des parkings soit en les couvrant par une verrière, soit en les végétalisant de manière à apporter une qualité d’usage. « On milite pour une porosité des rez-de-chaussée, insiste l’architecte. Nous prenons appui sur le PLU pour réorganiser l’accueil et la distribution de ces immeubles parisiens transformés en bureaux. » Côté rue, des « boîtes à lumière » plein format, qui s’inscrivent par leur écriture contemporaine dans la façade année 30, viennent apporter un supplément de lumière naturelle. « Elles permettent de resituer l’immeuble à l’époque contemporaine sans nier son origine », continue Romain Boursier. 

Contexte. Depuis environ cinq ans, l’agence se développe en Afrique occidentale (Côte d’Ivoire, Togo, Burkina Fasso, Sénégal et Cameroun) et compte actuellement 25 projets en cours. L’hôtel Akwaba à Abidjan (3) est un exemple parfait d’une temporalité africaine très différente de celle de la France, avec des projets qui se dilatent dans le temps. Situé en entrée de ville, à proximité de l’aéroport, en liaison avec le futur métro, il s’intègre dans un ensemble mixte (bureaux, logements et commerces) pensé en aval. « Avec le temps, nous avons aidé le maître d’ouvrage à définir l’îlot entier », illustre Widson Monteiro, associé de l’agence. L’hôtel, qui compte 210 chambres, présente un immense hall d’accueil. « Comme à Buenos Aires et à Paris, nous essayons d’apporter des réponses spécifiques en fonction du contexte, poursuit Gaspard Joly. L’inertie du hall de ce projet, qui fait appel à des techniques et des matériaux locaux, est là pour protéger et apporter de la fraîcheur. » En revanche, les questions d’usage liées à un hall d’accueil sont les mêmes qu’en France : il doit être un lieu de rencontres et d’échanges. Mais leur réponse est adaptée au contexte, comme ici avec des gradins qui permettent de discuter et d’échanger et de la végétation qui tempère l’air intérieur. « En Afrique, les halls d’hôtel sont des lieux de rencontres. Avec ce projet, nous avons fait en sorte qu’il y ait l’accueil, les échanges avec les gradins et la discrétion avec des micro-salons », complète Widson Monteiro. 

Un espace collectif qui semble tout aussi pertinent dans le campus métropolitain ESTP/ESEO que l’agence vient de livrer à Dijon (4). « Ce que l’on a développé dans ce campus, nous nous en servons dans les projets de bureaux, déroule Gaspard Joly. Nous croyons beaucoup à la perméabilité des projets. » C’est pourquoi l’agence est particulièrement attachée à travailler sur des programmes différents qui, croisés, enrichissent la pratique de chacun. « Par cette ouverture, nous essayons de créer un dialogue avec les maîtres d’ouvrage, mais aussi les usagers, les investisseurs, les opérateurs », commente Romain Boursier. Une réponse à une nouvelle réalité et de nouveaux paradigmes. « Avec des impératifs économiques assez forts, il faut rester créatif. » Une exigence inscrite, elle aussi, dans l’ADN d’Architecturestudio.  

© Architecturestudio
© Antoine Duhamel
© Antoine Duhamel

Article issu du numéro 185 de Business Immo Global.

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