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Carte blanche à… Atelier du Pont

Photo à la Une : Anne-Cecile Comar & Philippe Croisier – © Thomas Dimetto

L’Atelier du Pont s’engage dans une démarche qui va bien au-delà de projet architectural lui-même. Il envisage la discipline comme un tout, où se mêlent forme, programme, usage, matière, écologie. Portes ouvertes…

Agence d’architecture ou d’architecture d’intérieur ? Les deux répond Anne-Cécile Comar qui a fondé l’Atelier du Pont en 1997, en s’associant avec Philippe Croisier. « Nos réalisations peuvent varier du détail d’une boutique de 15 m2 à un équipement public de 10 000 m2. » Et d’enchaîner : « Pour dessiner les premiers contours d’un projet, nous pratiquons le paysage, le climat, mais aussi les usages et le savoir-faire traditionnel, les matières premières locales lorsque c’est pertinent. Nous sommes pour une architecture contextuelle et généreuse. » Voilà pour les fondamentaux. Ils font la singularité de cette agence qui pourrait s’apparenter à un laboratoire tant la recherche constitue son modus operandi. « Nous n’avons pas une “écriture” prédéfinie au sens esthétique du terme. À travers chaque projet, notre recherche est permanente pour trouver la solution qui nous paraît la plus juste, la plus appropriée au génie du lieu », complète l’architecte. En ce sens, l’architecture produite se veut sensible, créative et singulière. Démonstration à l’appui avec deux projets livrés récemment : la boutique Avril, rue Montmartre, à Paris, et Woody, dans le bois de Vincennes.

Boutique Avril : simplement de la terre crue

La marque française de cosmétiques bios partage une valeur essentielle avec l’Atelier du Pont : la simplicité. L’agence a réalisé trois boutiques à Paris en déclinant ce principe à travers le choix d’une matière naturelle et écologique : le liège pour la boutique de la gare Montparnasse, la fibre végétale pour celle de Roissy et la terre crue pour la toute dernière, celle de la rue Montmartre, dans le quartier des Halles, à Paris. Le design de cet espace exigu de 66 m2 s’inspire de l’esprit de la marque : matériaux biosourcés, formes rondes, douces, tons cuivrés.

Les formes organiques, comme les niches sculptées dans l’argile incrustée de fibres de lin, ainsi que la pierre d’origine laissée apparente à certains endroits créent une ambiance authentique. Le sol en béton teinté couleur ocre s’harmonise avec l’ensemble, tout en apportant une touche contemporaine. Les présentoirs, de fines étagères métalliques encastrées dans l’argile, et les meubles aux lignes arrondies, déclinés dans une palette aux nuances rosées, renforcent la douceur qui émane du lieu, douceur accentuée par une mise en œuvre artisanale. Même le logo de l’enseigne est réalisé à la main selon la technique du sgraffito : l’enduit est gratté au couteau pour former un dessin.

La boutique, par sa réalisation qui fait appel à des savoir-faire traditionnels, affirme cette authenticité que revendiquent les valeurs de la marque. « Il nous a paru intéressant de travailler des matières naturelles. Chacune des boutiques a un caractère affirmé de par le matériau utilisé, écologique par nature, à l’image de la marque », souligne Anne-Cécile Comar.

La boutique Avril, partage une valeur essentielle avec l’Atelier du Pont : la simplicité - © Daphne Lejeune

Woody : travailler dans les bois

À l’orée du bois de Vincennes se dresse Woody, le siège de Santé publique France. Inspiré de son contexte, le bâtiment est constitué de quatre volumes s’articulant les uns aux autres de manière à former deux bras ouverts. Entièrement conçu en bois (ossature en lamellé-collé, planchers connectés mixte béton et CLT, menuiseries en bois et aluminium), il se démarque par des façades alternant verre, bardeaux de mélèze fendus à la main et pré-grisé, brise-soleil en mélèze brut de sciage laissant apparaître l’écorce de l’arbre sur une hauteur de plus de 8 m.

L’agence d’architecture, missionnée également pour l’architecture d’intérieur, devait rendre cohérent l’ensemble du programme de 4 270 m2. Résultat : le rez-de-chaussée accueille les espaces conviviaux tels que le restaurant d’entreprise, des salles de conférences. Menant au premier étage où sont implantés les bureaux, des escaliers en bois sont généreusement dimensionnés et éclairés naturellement pour inciter à les préférer aux ascenseurs. Lumineux, clairs et bien insonorisés, les espaces de travail sont largement ouverts sur le paysage environnant de manière à renforcer le bien-être des collaborateurs. Le restaurant et les petits cafés d’étage sont aménagés pour former des lieux chaleureux et intimes.

Pour l’Atelier du Pont, rien dans ce projet n’est laissé au hasard. Il forme un tout en lien avec le programme, l’usager, la matière. Et comme il se doit, la maîtrise d’ouvrage se veut exemplaire en matière environnementale et de santé. « Nous avons utilisé des matériaux labellisés, bisosourcés et naturels comme le bois, le liège, des peintures certifiées, du caoutchouc et aucun plastique. Nous avons travaillé main dans la main avec Santé publique France pour tester les produits mis en œuvre afin qu’ils n’impactent pas la santé des occupants ni l’environnement », se souvient Anne-Cécile Comar. Au final, ce bâtiment est le fruit d’une conviction partagée qui porte loin, haut et fort : « Pour réduire l’empreinte carbone, nous devons changer radicalement nos manières de faire, adopter des systèmes constructifs différents et surtout utiliser le bon matériau au bon endroit. »   

Pour l’Atelier du Pont, rien dans ce projet Woody (ci-dessus) n’est laissé au hasard. Il forme un tout en lien avec le programme, l’usager, la matière - © Karel Balas