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Carte blanche à… CUT architectures

Photo à la Une : à Paris 17e, CUT architectures a réalisé le premier café Coutume combinant lieu de torréfaction des cafés et lieu de dégustation dans un esprit de laboratoire. – © David Foessel

L’agence CUT architectures porte dans son nom même sa volonté de rompre avec les idées reçues, dont la première, que les architectes ne sont pas des architectes d’intérieur. La preuve que non. Rencontre.

CUT. C’est le nom de code d’anonymat d’un collectif d’étudiants en architecture pour un concours CIMbéton en 2005. CUT pour couper, trancher, rompre avec les idées reçues. En 2006, dans la foulée, ils créent CUT architectures. Les premières commandes restent modestes : des appartements et des extensions de maison, même si l’une d’elles, à Meudon, est remarquée par le prix de la première œuvre de l’Équerre d’argent. Les concours, parfois gagnés comme celui des jardins de Chaumont-sur-Loire, paraissent assez vite « des bouteilles jetées à la mer » pour Benjamin Clarens, cofondateur de l’agence. Cette dernière se tourne naturellement vers la commande privée. Les projets s’enchaînent.

Lieux publics…

En 2011, CUT architectures livre son premier lieu public, le café Coutume, rue de Babylone, dans le 7e arrondissement de Paris. « Il n’y avait pas d’ADN de marque, se souvient Benjamin Clarens. La technicité de l’enseigne en matière de café nous a amenés à penser un espace presque laborantin dans une coque ultra-parisienne. » L’existant
– les moulures, poteaux en fonte, verrière – a été conservé et flanqué d’une grande paillasse rutilante en carrelage blanc. « Nous ne sommes pas décorateurs, mais aimons que la machine fonctionne. La matérialité découle de façon logique de notre parti pris », souligne l’architecte. L’agence est ensuite mandatée pour développer l’enseigne au Japon : Tokyo, Osaka… Mais fait en sorte qu’aucun des projets ne se ressemble, car elle n’a pas vocation à déployer un concept, mais à faire avant tout de l’architecture. D’autres commandes suivront : Petit Bateau, l’enseigne de burger Paris New York, Renault, Unibail, Nike… 

… et hôtellerie

Accor aussi. Car en 2016, CUT architectures gagne devant des agences réputées les concours lancés par le groupe pour le réaménagement des chambres et des parties communes du Pullman Montparnasse, soit quelque 30  000 m2. L’agence aborde le projet avec une totale liberté. Sa vision est panoptique. Pour les architectes, la lecture des programmes doit être évidente. Dans leur projet, les circulations sont claires, des percées visuelles imaginées de manière à isoler certains espaces sans les couper visuellement. Un énorme lustre visible en façade crée un événement à l’intérieur, non pas pour décorer, mais pour servir de signal. L’accent est mis sur le plafond courbe sur mesure qui relie les programmes entre eux. Bois sombre, noyer, maille métallique, inox constituent le langage commun des différents espaces. « Avec ce projet, nous avons fait le grand écart en travaillant de l’échelle du meuble à celle de l’architecture », relate Benjamin Clarens.

La NFT Factory

Pour cette agence qui compte dix personnes (la moitié architectes et l’autre architectes d’intérieur), chaque projet est un challenge : « L’idéal, c’est quand le client s’adresse à nous sans idée préconçue comme avec la NFT Factory, que nous venons de livrer en face de Beaubourg. Le support des œuvres d’art numérique en NFT lui-même n’est pas classique et le client était désireux de casser les codes. » Le premier objectif du lieu est de faire découvrir cette technologie au grand public et le second de connecter les acteurs du secteur en créant un lieu de rencontres. Une pièce de mobilier en Plexiglas presque fantomatique occupe l’entrée qui se prolonge par un espace central monochrome vert. Un réseau de mobilier tel que des chariots de commerces revisités, des tables basses à roulettes ou encore des rails à placoplâtre servant de cimaises ou d’étagères s’inscrit dans l’idée d’une factory en mouvement. « Nous avons souhaité que les œuvres ne soient pas exposées de façon classique, mais sur des chariots, comme dans un atelier », développe Yann Martin, autre cofondateur de l’agence. Trois éléments structurent l’étage : une cuisine, des bureaux en coworking et un espace bureau délimité par une structure en acier galvanisé et du textile jouant avec une certaine translucidité. « La frugalité a été du bon sens et contextuel par rapport à ce chantier de très courte durée », souligne Yann Martin.

Architecture d’intérieur

« De manière pragmatique, nous nous intéressons à l’architecture d’intérieur, car elle constitue nos premières commandes », analyse Benjamin Clarens. Un appartement, une extension de maison, un café, un restaurant, un hôtel… « Nous avons découvert qu’en matière d’architecture d’intérieur aussi, on peut aller tellement loin. » Les architectes avouent prendre le même plaisir à faire de l’architecture d’intérieur qu’un projet de construction neuve ou de réhabilitation lourde. Ils n’ont pas de dogmes sur le sujet, contrairement à de nombreux confrères. « Si l’on fait référence à l’architecte italien Carlo Scarpa, il existe de très beaux projets d’architecture d’intérieur », se défend l’architecte qui a été à bonne école, car il a fait ses premières armes à l’OMA avec Rem Koolhaas. En 2004, il y a vu le projet pour Prada et des scénographies pour des défilés de mode se faire. « À l’époque, l’OMA a révolutionné le milieu ! »

« Avec l’architecture d’intérieur, nous nous sommes rendu compte qu’il existait une matière très riche, une grande diversité de programmes et de marques, donc d’ADN et d’enjeux. » Tout l’art consiste alors à raconter une histoire cautionnant des choix et à la partager avec le maître d’ouvrage. Afin d’éviter toute sorte d’automatismes, comme chez Koolhaas, l’idée peut venir d’un stagiaire, d’un junior ou de quelqu’un de plus expérimenté. « C’est cette fraîcheur-là que CUT architectures essaye de pousser », finit par confier Benjamin Clarens. Une fraîcheur pleine d’audace… 

Livrée en 2022, la NFT Factory comporte des chariots mobiles servant de supports aux œuvres présentées au cœur d’un espace central monochrome vert. - © David Foessel
© David Foessel
Dans l’hôtel Pullman Montparnasse, à Paris 14e, l’agence a imaginé un plafond courbe sur mesure pour relier les différents espaces du Green Floor, centre dédié aux réunions et conférences. - © David Foessel
© David Foessel
© David Foessel

Article issu du Business Immo Global 192.

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