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Carte blanche à… Franck Boutté

Photo à la Une : © Jean-Marie Heidinger

Ingénieur formé à l’architecture, Franck Boutté a cheminé jusqu’à l’aménagement durable avec pour leitmotiv l’environnement. Retour sur un parcours tissé d’explorations avec le Grand Prix de l’urbanisme 2022.

L’ingénieur-concepteur Franck Boutté est devenu consultant en environnement au fil de rencontres et d’opportunités qui ont façonné son parcours. Son « cheminement », pour reprendre ses mots. Étudiant aux Ponts et Chaussées pour apprendre le métier d’ingénieur, le cours dispensé par Paul Chemetov avec Marc Mimram le convainc de commencer des études d’architecture pour se former au projet. Afin de se conforter dans sa décision, il suit un stage à l’Agence des gares de la SNCF (aujourd’hui l’Arep) où il rencontre Jean-Marie Duthilleul et Étienne Tricaud, à la fois ingénieurs et architectes. Assuré de son choix, il intégrera le groupe Uno (Henri Ciriani, Édith Girard et Laurent Beaudoin, entre autres) à l’école de Paris Belleville. 

La conception environnementale pour ADN

À l’issue de son cursus (qu’il ne terminera pas), il se retrouve par opportunité en stage à l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah). Il continue comme consultant en s’installant en 1996 en tant que profession libérale sous le nom de Franck Boutté Consultant (sans « s »). « Je travaillais sur des bâtiments existants dans toute leur diversité », se souvient-il. Un travail qui l’a beaucoup marqué à une époque où le culte de la performance énergétique arrivait avec une forme de normalisation. Il travaille aussi avec l’Association HQE sur l’intégration des enjeux environnementaux dans les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah). Avec la coordination en 2003 d’un guide sur la construction durable, il élargit son champ de réflexion en passant à l’échelle du projet urbain. 

Un point de bascule où il inscrit la conception environnementale dans l’ADN de son agence. En 2007, il prend la parole lors d’un think tank organisé par le promoteur ING Real Estate à Gigaro (83) pour insister sur la nécessité d’intégrer systématiquement les questions environnementales dans les opérations de construction et de travailler au déploiement opérationnel des enjeux de durabilité à l’échelle urbaine et territoriale. C’était avant la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, avant la crise de 2008… À partir de ce moment-là, il commence à travailler à l’échelle des quartiers et des villes, et son agence se positionne avec un leitmotiv : « Adresser les enjeux émergents au niveau environnemental à toutes les échelles, du matériau au territoire. » Ce qui lui donne une place atypique et unique dans les métiers de conception.  

Des explorations pour méthode

Le grand prix de l’urbanisme qui a été décerné à Franck Boutté Consultants a été l’occasion pour son fondateur de structurer en « explorations » les différents champs de pensée et d’action portés projet après projet qu’il livre dans l’ouvrage paru à cette occasion : L’Urbanisme, vecteur de transitions. « Des explorations qui sont tant des méthodes que des questions ouvertes, tissées de certitudes acquises par l’expérience, mais aussi de défis à relever », précise Franck Boutté.

Parmi ces 12 explorations qui constituent autant de pistes à explorer dans chaque projet issu de l’agence, il est possible de citer, par exemple, l’« écologie du Sud ». Ou le Sud comme horizon. « Nous savons que le changement climatique est là. Il est donc urgent de s’adapter. Je pars du principe que dans l’Hémisphère nord, nous hériterons tous d’un Sud puisque nous allons vers un réchauffement climatique. Le climat de Paris en 2050 sera plutôt celui de Séville et en 2100 de Tanger », énonce Franck Boutté.

Partant d’un travail mené au Maroc avec Bernard Reichen sur Casa Anfa (2009) puis sur la ville nouvelle de Zenata (2012), Franck Boutté soutient qu’il faut s’inspirer du Sud pour concevoir dans le Nord. Dans les pays du Sud, l’architecture se construit par filtres afin de domestiquer la lumière. « Par exemple, les arcades créent une épaisseur d’ombre qui n’appartient ni à l’espace public ni à l’espace privé. Elles forment un espace hybride qui a pour vertu de protéger du soleil. Cette épaisseur d’ombre devient propice à un usage. » Ces filtres et seuils (tel le moucharabieh) qui créent des espaces particuliers sont nommés par le concepteur des « interfaces habitées ». Autant de dispositifs vernaculaires dont il a fait un leitmotiv de conception. Il utilise également l’eau, le vent, la brise, l’épaisseur des façades comme vecteurs de confort – souvent non calculables – qui eux aussi relèvent d’une proto-écologie témoignant de l’intelligence des anciens pour s’adapter à leur milieu. 

« Par rapport au climat, le futur est déjà là, il suffit de se déplacer pour le comprendre. Si l’on fait le lien entre histoire, climat et culture, apprendre du Sud, c’est aussi comprendre comment les gens vivent dans ces climats et comment leur culture se développe plutôt que de craindre le grand remplacement », continue Franck Boutté. Cette exploration, parmi les autres, est pour lui une manière de créer un récit au travers de projets, qui est l’un des outils de l’agence pour se projeter dans le futur. Un récit plaçant au cœur du projet la qualité de vie, souvent oubliée des référentiels et autres technicités, qui rend le futur déjà beaucoup plus désirable… 

Franck Boutté Consultants et l’équipe constituée autour du paysagiste Bas Smets ont remporté en 2022 l’appel à projets pour le réaménagement des abords de Notre-Dame de Paris. L’équipe a imaginé un projet qui compose avec le climat de demain, notamment en déclinant des figures urbaines et paysagères qui sont aussi des figures de fraîcheur comme le montre la planche ci-dessous, révélant une constellation d’ambiances microclimatiques. - © Franck Boutté Consultants

Article issu du Business Immo Global 193.

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