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Carte blanche à… Ingrid Lager

Ingrid Lager est la directrice artistique de Lelièvre, la très réputée maison de textiles d’ameublement. Sa créativité n’a pas de frontières. L’audace et la liberté lui permettent d’innover en élargissant la palette de produits de la maison, en inspirant des nouvelles collections, mais aussi en bousculant le domaine du « contract ». Explications.

 

Ingrid Lager dirige le studio de création de Lelièvre, maison de textiles d’ameublement centenaire, avec une main au geste artistique sûr. D’ailleurs, aucun bureau de tendances ne dicte les collections qui sortent chaque année de son atelier. Elle sait souffler un vent d’audace et de précision sur les créations et les tissus… Ses sources d’inspiration ? La mode, les voyages, les expositions, la littérature, le cinéma, la nature… Orienter le style, sentir les tendances, repérer les besoins commerciaux et les envies, les retranscrire dans ses envies à elle, tel est son métier.

Un métier pour lequel elle s’est formée de manière détournée avec un passage aux Beaux-Arts de Rennes et dans une école de stylisme de mode. Un métier qu’elle a appris chez Promostyle, un bureau de tendances, puis en free-lance dans la mode. Laquelle sera sa porte d’entrée chez Lelièvre, spécialiste de tissus d’ameublement dont les créations se trouvent dans les lieux les plus design à travers le monde, comme dans les plus grandes demeures ou même la Maison Blanche. La clé ? Ce sera la licence Kenzo Maison qu’elle va développer pour Lelièvre en 2001.  « Il fallait transposer l’ADN d’une marque de mode dans la décoration en proposant une collection qui soit pérenne, contrairement au monde de la mode. Pour Lelièvre, c’était un choc des cultures, se souvient la créatrice. Cela a amené un souffle nouveau, une fraîcheur, une modernité. »

Sa carrière est lancée. Sa créativité va bon train. Elle accompagne les collections maisons de Sonia Rickiel, Jean-Paul Gaultier, lance les lignes d’accessoires textiles (coussins, rideaux…), de papiers peints, de tapis… « Au-delà du textile, c’est une décoration que l’on aimerait voir. Les pièces de mobilier nous aident à imaginer le textile qu’elles portent. » L’expérience initiale chez Lelièvre l’a décidément convaincue.

 

De la décoration au « contract »

Le « contract ». Ce terme désigne le textile utilisé par les professionnels de l’aménagement intérieur dans le domaine de l’hôtellerie, de la restauration ou de tout autre lieu accueillant du public. Un textile qui répond, de ce fait, à des contraintes fortes. Il doit présenter une grande résistance au feu (en France, il faut qu’il soit classé M1) et être souvent lavable tout en gardant cette spécificité. Il doit de surcroît avoir une qualité « siège ». Entendez : « résister à l’abrasion et au boulochage ». Autres caractéristiques auxquelles il doit se conformer : supporter beaucoup de passages et avoir une lavabilité intense. Bref, le contract est un textile qui se caractérise par la grande résistance de ses fils qui, traités pour répondre à ces contraintes, ne paraissent pas toujours très naturels. « Mais les choses changent. On obtient de plus en plus de fils très résistants aux effets naturels qui deviennent intéressants à travailler », relève Ingrid Lager. « Nous pouvons réaliser des tissus contract au toucher plus doux, plus souple, avec un beau tombé, un tissage fin », ajoute-t-elle.

Dans les collections Lelièvre, il devient même difficile aujourd’hui de distinguer un tissu contract d’un tissu résidentiel… et cela s’opère dans les deux sens. Il n’y a plus de frontières. Les particuliers sont amenés à acheter des tissus contract justement pour leur résistance, et les professionnels ont la possibilité de voir décliner les collections résidentielles en M1. « En prévision d’une demande sur l’hôtellerie, par exemple, nous sommes en mesure, au studio, de concevoir une collection résidentielle tout en étudiant sa transposition en non-feu », ajoute la créatrice.

Signe des temps… En 2021, Lelièvre Paris a sorti sa collection « 25 Contract » (la 25e collection en la matière de la Maison Lelièvre) en même temps que celle résidentielle. Inspirés de la mythologie, « Hera », « Platine » et « Ariane » se mélangent avec les textiles destinés à une clientèle particulière. « Cela correspond à l’air du temps. Dans les hôtels, les clients veulent être comme à la maison. C’est pourquoi les tissus résidentiels ont la cote », analyse Ingrid Lager.

Son ambition est que la frontière entre les deux mondes n’existe plus, qu’il y ait plus de choix de fils, que le test non-feu, particulièrement contraignant, ne soit plus obligatoire… En attendant, le fait de mixer la collection résidentielle avec celle contract fait souffler sur la maison Lelièvre et chez ses clients, aussi bien professionnels que particuliers, un vent de liberté et d’audace auquel la directrice artistique, n’est, là encore, pas étrangère.

 

Photo : Morgane Le Gall

 


Article issu du numéro 182 de Business Immo Global.

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