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carte blanche à Ramy Fischler

À travers la « Compagnie des Philanthropes » premier incubateur du genre, le designer Ramy Fischler transcende l’idée de « philanthropie » dans les aménagements, du mobilier aux luminaires, comme dans la définition des usages et espaces. Entretien autour d’une nouvelle conception du design très en amont du projet.

in interiors : Comment qualifiez-vous votre intervention ?

Ramy Fischler : Nous avons commencé il y a quatre ou cinq ans à proposer nos services sur la phase programmatique pour réellement faire du design. Nous sommes dans une époque où la question des usages comme celle des nouveaux types d’utilisateurs changent plus vite. Les besoins nécessitent plus de flexibilité. Le rôle du designer s’ancre aujourd’hui beaucoup plus dans la mutation des usages qu’il ne l’était auparavant.

ii : Quelle a été votre démarche sur le site de la Bûcherie ?

RF : À partir de la volonté de Philippe Journo de dédier ce lieu à la philanthropie, nous avons pensé des espaces évolutifs, car nous nous adressons à un public qui n’est pas fixe. Par définition, quand un projet philanthropique atteint son objectif, un autre vient le remplacer. Économiquement viable, le lieu vit donc au rythme de ce renouvellement qui doit prouver que la philanthropie peut être une valeur partagée par le plus grand nombre à laquelle il est possible d’accéder simplement à travers des applications ou des financements participatifs. Créer la « Compagnie des Philanthropes », c’est donner une identité propre au lieu de ce savoir.

ii : Comment déclinez-vous spatialement cette dimension philanthropique ?

RF : Nous sommes dans un lieu qui a perdu le sens de l’histoire à travers une stratification d’usages depuis le XVe siècle. Nous avons récupéré cette base historique pour fonder un nouveau récit en restaurant au maximum l’existant tout en réintégrant des détails disparus. Dans l’architecture d’origine, nous posons du mobilier qui peut se retirer si nécessaire, sans faire d’aménagements fixes. Ainsi, par exemple, l’espace d’accueil sous la rotonde utilisé comme un amphithéâtre de dissection au XVe siècle reste un lieu d’apprentissage. Des podiums servent d’assises sous un lustre qui « éclaire » au sens le plus large du terme, tout en captant et en retransmettant les différentes activités du lieu à travers une application spécifique.

La philanthropie aura son « temple »

Convaincu que la philanthropie est l’affaire de tous, Philippe Journo, président fondateur de la Compagnie de Phalsbourg, ouvrira début 2019, un incubateur dédié au sein de l’hôtel de la Bûcherie, dans le 5e arrondissement de la capitale. Lauréat de la 1re édition de l’appel à projets « Réinventer Paris », ce « projet unique » vise à créer un lieu de rencontres entre mécènes et porteurs de projets. Entre philanthropie et innovation. « La philanthropie est assez refermée sur elle-même. Là, il s’agit de la promouvoir en accueillant du public, de véhiculer un message d’ouverture vers l’autre, le monde… Et sortir de l’image que celle-ci est réservée à un cercle restreint d’initiés », souligne Mathieu Boncour, responsable des relations institutionnelles et du mécénat de la Compagnie de Phalsbourg. Une idée inspirée par le nom de l’hôtel particulier construit au XVe siècle, situé 15 rue de la Bûcherie. « La rue a été baptisée ainsi parce que les bateaux y amenaient des bûches aux Parisiens pour se chauffer. Et la tradition voulait qu’en échange, ils apportent leur viande avariée qui était bouillie et salée sur place, afin de la donner aux mendiants, explique Philippe Journo. Nous avons alors trouvé intéressante cette pratique de la philanthropie à l’époque. »
Pour créer ce qui sera la « Compagnie des Philanthropes », le PDG a fait appel au designer belge Ramy Fischler, qu’il a découvert il y a plusieurs années à travers son travail de dégradé blanc sur les boiseries d’un appartement haussmannien. « Lorsque nous choisissons un architecte ou un designer, c’est parce que nous pensons que son style correspond à notre vision d’un projet. Ici, nous voulions à la fois valoriser l’histoire de ce lieu et le rendre contemporain, donc je n’ai pas réfléchi longtemps, pour moi, il n’y avait que Ramy pour le réaliser, en collaboration avec les architectes Perrot & Richard », précise le numéro un de la Compagnie de Phalsbourg. Qui lui a laissé « carte blanche » pour imaginer cet endroit, en élaborer la programmation et anticiper ses usages. « Tout commence par une carte blanche dans notre façon d’opérer avec les designers et les architectes, en leur demandant de nous présenter ce qu’ils savent faire le mieux. Puis nous affinons le projet pour le faire correspondre à une réalité qui est inhérente au terrain, au contexte économique, à notre cible, etc. Nous menons par la suite un travail d’itération pour accompagner l’évolution des tendances tout au long du délai de réalisation du programme », conclut-il. Un point d’étape s’impose. ES