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« La part des femmes architectes a presque doublé en 20 ans »

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À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Elizabeth Gossart, architecte chez TGMP Architectes & Associés et élue du Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA), revient sur l’évolution des femmes dans l’architecture. 

 

in interiors : Comment la femme architecte a-t-elle évoluée ces 20 dernières années ? 

Elizabeth Gossart : La part des femmes architectes a presque doublé en 20 ans. Alors que les femmes représentaient seulement 17 % des architectes à l’Ordre en 2001, cette part s’élève à 32,3 % en 2021 et près de la moitié des architectes de moins de 35 ans sont aujourd’hui des femmes. En effet, lorsque j’étudiais il y a 25 ans, il y avait plus de garçons que de filles. Aujourd’hui, entre 60 et 70 % des élèves des écoles d’architecture sont des filles. 

Cependant, nous constatons que les jeunes femmes ont plutôt tendance à se tourner vers la diversité du métier… En effet, les femmes s’inscrivent moins à l’Ordre que les hommes. Le fait qu’il y ait aujourd’hui une majorité féminine dans les écoles est positif, néanmoins l’idéal serait de trouver un équilibre. 

 

ii : Avez-vous rencontré des difficultés au cours de votre parcours en tant que femme ?

EG : Être architecte sur un chantier en étant une femme n’est pas toujours simple. Il peut y avoir des relations conflictuelles, des problèmes à gérer, mais au-delà de ça, la véritable difficulté que j’ai rencontrée est plus le manque de modèles féminins. Il y en a quelques-uns comme Charlotte Perriand, mais cela reste infime. La majorité des modèles étaient et sont souvent masculins. 

 Je pense sincèrement que ce qui pourrait donner envie aux femmes d’aller au bout du cursus, de s’inscrire à l’Ordre et de gérer leur société serait d’avoir plus de modèles féminins, en commençant par les enseignantes dans les écoles d’architecture. Nous devons leur montrer que l’on peut y arriver de la même manière qu’un homme. Cela passe aussi par la communication dans les revues d’architecture, avec par exemple des portraits de femmes architectes. 

  

ii : Quelles sont selon vous les plus grandes inégalités en architecture encore présentes à ce jour ? 

EG : Toutes les femmes ne s’inscrivent pas en tant que gérantes de société à l’Ordre des architectes. Elles favorisent en général le statut de salarié. Une démarche plus stable, propice à la vie de famille. Les associés et les libéraux représentent plus de 90 % des effectifs des architectes. La part des femmes dans ces deux catégories d’activités atteint respectivement 30 % et 33 % en 2021 contre 14 % et 15 % en 2001. Malgré cette progression, le taux de féminisation est le plus élevé chez les fonctionnaires dans le secteur de l’architecture depuis 2013, la part des femmes au sein de cette catégorie a plus que doublé depuis 2001 : 55 % de femmes en 2021 contre 21 % en 2001. La féminisation de la profession s’associe par la part des femmes travaillant comme salariées en comparaison des autres catégories, 17 % de femmes en moyenne en 2001, et en 2021, 43 % des architectes salariés sont des femmes tandis qu’elles sont 32 % en moyenne dans l’ensemble de la profession d’architecte. 

De plus, le statut de salarié permet d’éviter de fortes inégalités de salaires chez les libéraux. En effet, le revenu moyen des femmes est largement inférieur à celui des hommes : en 2020, le revenu annuel moyen d’une architecte selon les données de la Cipav était de 33 795 €, soit environ 39 % de moins que le revenu moyen d’un homme architecte qui est de 54 757 €. 

 Cependant, un fort écart entre le revenu moyen des hommes et des femmes se réduit chez les plus jeunes générations d’architectes : selon les données du CNOA, près de la moitié des architectes de moins de 35 ans inscrits à l’ordre en 2021 étaient des femmes, alors que celles-ci ne représentent aujourd’hui que 35 % des 45/55 ans et 25,3 % des 55/65 ans. Les jeunes générations sont très encourageantes. Les chiffres évoluent dans le bon sens.

Photo : © Adobe Stock / Balance Form Creative