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Carte blanche : le fil rouge des Bouroullec

Image à la Une : Erwan et Ronan Bouroullec – © Alexandre Tabaste

Depuis leurs débuts à la fin des années 1990, les frères Erwan et Ronan Bouroullec imaginent des espaces dans l’espace, déroulant un fil rouge dont le leitmotiv conjugue mobilité, modularité et intimité. Parcours autour de la notion d’abri au sens large à l’occasion du développement d’Alcove Plus, « micro-architecture flexible » par Vitra.

En 2014, grand événement pour le design : les Bouroullec ont carte blanche pour investir la majestueuse nef du musée des Arts décoratifs. Une première pour l’institution et une véritable expérience pour le public qui découvrait à travers cette rétrospective la cohérence de leur travail sous un gigantesque abri en jersey blanc dressé sous les 12 m de hauteur de la voûte. « Nous voulions montrer l’étendue de notre champ de travail avec toutes ses composantes, indissociables et complémentaires, prenant en compte la culture de l’usage, l’architecture intérieure, l’efficacité et l’art de vivre… », précise Erwan Bouroullec. Au sein de l’exposition, les fameuses Algues (en plastique injecté éditées par Vitra en 2004) s’assemblaient pour composer rideaux, paravents et claustras. « Personne n’y croyait. Aujourd’hui, des millions d’exemplaires ont été vendus », se félicitent les deux frères. « De l’Orient à l’Occident, l’on trouve des cloisons avec diverses façons de segmenter l’espace. C’est dans cette lignée que nous cherchons de nouvelles propositions que chacun puisse adapter selon son envie. » 

Besoin d’intimité

Avec cinq ans de différence d’âge, Ronan et Erwan (nés respectivement à Quimper en 1971 et 1976) parfois surnommés les « frères design », se sont rejoints en 1999 pour démarrer un parcours sans faute où le design reste toujours une question d’espace. Dès 1997, la « Cuisine désintégrée » présentée au Salon du meuble retient l’attention de Giulio Cappellini qui leur confie leurs premiers projets de design industriel comme le Lit clos (2000) inspiré de la tradition bretonne et la Spring Chair. En 2000, Issey Miyake fait appel à eux pour imaginer l’espace de sa nouvelle collection de vêtements A-Poc à Paris. Dans la foulée, la rencontre décisive avec Rolf Fehlbaum, alors président de Vitra, mène à la conception d’une nouvelle typologie de bureaux sous le nom de Joyn créé entre 2000 et 2002 et constamment perfectionné depuis. C’est le début d’un partenariat privilégié, concrétisé par de nombreux projets, dont l’Alcove Sofa, la Worknest et la Slow Chair. 

Aujourd’hui, c’est à travers le développement avec Vitra d’Alcove Plus que les Bouroullec nous livrent leur point de vue sur l’espace de travail : « À la fin des années 1990, beaucoup de gens rêvaient de lofts, d’immenses appartements ouverts. Tout d’un coup, tous les murs ont disparu pour être remplacés par des micro-architectures adaptées à différentes tâches : un cube pour cuisiner, un cube pour dormir et un autre pour regarder la télévision. Il s’agissait d’offrir de l’intimité et un abri. Le paysage des bureaux du début des années 2000 avait un aspect semblable à ces lofts. Alors que le lieu de travail se composait auparavant de bureaux individuels ou de salles séparées pour de petits groupes de personnes, tout le monde à l’époque travaillait dans le même espace. Les derniers murs étaient tombés, mais le besoin d’intimité n’avait pas disparu avec eux. »

© Vitra

Segmenter l’espace

Tout commence avec l’Alcove Sofa édité en 2006 par Vitra. Ce canapé avec son très haut dossier et ses panneaux latéraux surdimensionnés devient un symbole à lui seul, comme l’expliquent les designers : « De nombreuses entreprises ont dû apprendre à faire confiance à leurs employés et se sont rendu compte qu’un canapé au bureau ne les encouragerait pas seulement à faire une sieste. Une atmosphère “comme à la maison” témoigne d’une énergie positive et le succès de ce sofa n’est pas simplement basé sur sa fonctionnalité et sa forme, mais sur l’attitude qu’il incarne. Lorsqu’une entreprise démontre qu’elle n’est pas toujours axée sur la performance et le profit, mais qu’elle se soucie aussi du bien-être de ses employés, elle envoie un signal fort. Nous nous sommes donc demandé pourquoi ne pas transformer l’Alcove Sofa en une solution holistique… Nous avons donc apporté certains ajustements et élargi le système pour couvrir pratiquement tous les besoins d’un bureau contemporain, un bureau qui a encore du sens après la pandémie. » 

Le système Alcove Plus s’appuie sur la capacité du sofa à segmenter l’espace, créant ainsi de nombreuses configurations. Les paravents se combinent par simple fermeture éclair, connectant ainsi les différentes alcôves. En quelques minutes, on peut passer d’un travail individuel à un travail d’équipe, et inversement. En matière de durabilité, les matériaux sont résistants, les fibres organiques sans résines synthétiques, et la modularité de la structure est renforcée pour des composants facilement remplaçables. Pour conclure avec la question post-Covid, les Bouroullec soulignent : « Les gens vont revenir au bureau principalement parce qu’il y a un besoin d’interaction sociale et de communication. Mais cela doit aussi prendre une forme physique. Avec des systèmes comme Alcove Plus, il est possible de créer une situation similaire à celle d’un bar. Les gens vont et viennent, s’assoient avec d’autres avec qui ils ont besoin ou veulent discuter de quelque chose, ou se retirent à nouveau pour une conversation téléphonique avec un client. Ce type de flexibilité devient de plus en plus important. »  

© Vitra


Article issu du numéro 180 de Business Immo Global.

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