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Le patio, objet architectural atemporel

Frédéric Quevillon, architecte et fondateur de l’Atelier Aconcept, prend la plume sur in interiors pour donner son point de vue sur le patio, élément spatial vieux de plus de 5 000 ans qui amène aujourd’hui, à l’heure écologique, à penser autrement l’architecture et la ville.

 

Le patio désigne un espace intérieur à ciel ouvert de plan carré au centre d’une habitation. Il est généralement bordé d’une galerie de circulation ouverte et joue un rôle de fonction et de représentation.

Attesté dès le IIIe millénaire avant Jésus-Christ en Mésopotamie, son usage privé le distingue de la cour et de la rue. La Grèce et la Rome antiques adopteront également ce modèle (avec le péristyle et l’atrium) ainsi que la maison arabe traditionnelle et la villa d’Espagne. Le patio générait des atouts de par les usages et une qualité de vie.

Aujourd’hui, il prend différentes formes (cour, terrasse ou loggia) et révèle dans l’architecture contemporaine de nombreux avantages : gagner de l’espace, préserver une intimité, faire pénétrer davantage de lumière naturelle… Il peut réunir ou séparer deux espaces, être un filtre, un séparateur utile et un unificateur discret, il met à distance et crée un lien.

À l’agence, il est un sujet de réflexion essentiel et quasi constant dans notre recherche. Dans toutes les typologies programmatiques, le patio propose une relation avec l’extérieur tout en préservant une intimité, une protection physique ou une opportunité de dissimuler. Cet espace « entre deux » recrée le lien avec la sphère publique aujourd’hui délaissée et convoque la transparence jusqu’à la rue. Cependant, ce geste n’est pas systématique, le patio « est » s’il est utile.

Notre démarche prend sens dans cette notion de sortir du cadre. En effet, un architecte se doit de penser le programme comme un état des lieux des besoins, puis d’en questionner les limites pour proposer plus dans une économie raisonnée.

Le patio devient alors une réponse riche. Nous réinterrogeons l’objet architectural en composant avec le vide, générant des espaces nouveaux et différents en son périmètre, multipliant les usages et magnifiant des éléments architecturaux (une circulation verticale ou une coursive autour du patio par exemple). L’individu s’approprie librement ce lieu jusqu’à lui attribuer une fonction et une identité propre : un espace de flânerie, de complot, d’adultère, un lieu de confession, le patio devient alors l’endroit où tout est possible.

Trois mille avant Jésus-Christ, la ville était très dense, mais offrait malgré tout une qualité de vie dans un contexte sanitaire rude et un climat contraignant. La conception était façonnée par les éléments naturels : l’eau, le soleil, le vent. La pensée était alors indissociable de l’environnement. Prototype extraordinaire sans éléments techniques, le patio supplantait par le vide les éléments de fraîcheur, sans ampoule électrique, il générait la lumière, et sans traitement d’air, il ventilait.

Élément atemporel, il s’adapte aux situations contemporaines. Mini-jardins d’hiver ou d’été, espaces semi-extérieurs clos ou ouverts, ces surfaces et volumes permettent ainsi un traitement climatique, maximisant confort thermique et visuel, ventilation naturelle et rafraîchissement, limitant les surchauffes estivales en végétalisant, remédiant avec intelligence à la récupération et gestion des eaux pluviales.

Entre crises environnementale et sanitaire, il nous amène peut-être à penser notre conception architecturale et urbaine autrement, alliant écologie et économie.

 

 

Frédéric Quevillon

 

Architecte et urbaniste, Frédéric Quevillon est le fondateur de l’Atelier Aconcept qui affûte au quotidien ses méthodes depuis 2001 et mise sur son équipe pluridisciplinaire. Architectes, urbanistes, économistes, graphistes mettent leurs points de vue en commun au service de projets très différents, tous créant du lien dans l’espace urbain. La réussite future du bâtiment réside dans la façon dont il s’intégrera dans son environnement, dont il favorisera les liens entre les habitants et dont il stimulera de nouveaux usages au cœur de la ville.

 

 

 

Photos : en Une : Bâtiment modulaire d’ateliers et de bureaux pour SNCF Éole, Mantes-la-Jolie © Atelier Aconcept ; portrait : © Olivier Desaleux