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Sous un déluge d’octets

Face à la masse exponentielle des données informatiques, le « data design » s’empare d’une nouvelle matière souple et façonnable. Une quarantaine de designers transformant les flux en aventures artistiques et en leviers d’actions sont réunis dans l’exposition « 1,2,3, data » pour un voyage dans l’infosphère.

Jusqu’au 6 octobre prochain, la Fondation Groupe EDF, rue Récamier à Paris, se penche sur la mise en données du monde, ou « dataification ». Comment faire face au déversement torrentiel d’octets avoisinant un volume mondial de près de 5 zettabytes, soit près de 5 milliards de téraoctets ? Au-delà de la « data visualisation » qui traite de la mise en graphique, le « data design » s’expose (1), explique (2) et explore (3) sous la houlette de David Bihanic, commissaire de l’exposition. Un nouveau défi en termes de stockage comme d’interprétation des données qui recèle pour lui des merveilles à mettre au jour. « Il m’importe que le visiteur change radicalement d’idées sur les données et sorte de l’exposition en se disant deux choses : d’une part, que leur traitement peut offrir des opportunités formidables (créatives, bien entendu, mais pas seulement), d’autre part, que les préoccupations liées à la production, à l’échange, à l’exploitation des données (notamment personnelles) ne regardent pas seulement les experts et spécialistes mais deviennent des sujets d’intérêt commun. » Dans la première partie de l’exposition, les données « s’exposent » donc comme matériau de création générant des formes et activant des dispositifs, dans la seconde elles « expliquent » les réalités du monde et guident l’action. Le parcours se termine par l’immersion dans la masse même des données, quand les designers proposent de nouvelles cartes ou métaphores visuelles de l’infosphère. Plongeon dans un nouveau monde en art et sciences que les data designers proches des scientifiques et des ingénieurs entendent explorer.

Data sculptures

Le parcours s’ouvre avec « Tele-Present Water » de David Bowen qui reproduit une portion de mer ou « lopin océanique » situé dans le Pacifique. Une bouée houlographe (No51003) équipée de divers capteurs par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) collecte des données en temps réel : oscillation de l’eau en surface, réfraction de la houle, etc. Si cette bouée n’est plus précisément localisable depuis 2011, elle continue d’émettre et de communiquer ici les informations qu’elle collecte. Une data sculpture en mouvement. 1
Pour formaliser les données personnelles et engager la participation active de chacun, le collectif Domestic Data Streamers conçoit des installations et dispositifs coopératifs. Ici, un gigantesque tableau de fils tricote les données des visiteurs dessinant ainsi les croisements d’opinions. 2

Données en mouvement

Alors que Dan Majka cartographie avec « Migration in Motion » les principaux mouvements des mammifères, des oiseaux et des amphibiens sur le continent américain pour rendre compte des changements climatiques, Nicolás García Belmonte élabore une carte 3D interactive des vents à partir de données provenant de 1 200 stations météorologiques aux États-Unis. Au Pays-Bas, Richard Vijgen matérialise les ondes de toutes sortes qui nous entourent. Son installation « The architecture of Radio » s’accorde aux mesures enregistrées in situ dont la masse de données provient de satellites, d’antennes relais et de millions de routeurs wifi. 3 4 5

1// « Tele-Present Water », David Bowen, États-Unis. Tubes en plastique, structures
et câbles métalliques, logiciel Max/MSP (bibliothèque jitter, v5), microcontrôleur Arduino, moteurs à courant continu de 24 V. 5,4 x 3 x 3 m.
2// « Data Strings », Domestic Data Streamers, Espagne.
Panneaux de bois (OSB), lettrage adhésif, crochets métaliques, ficelles de couleurs différentes, cutter. 2,55 x 6 m.
3// « The Nature Conservancy », Dan Majka, États-Unis.
4// « Wind Map », Nicolás García Belmonte, États-Unis.
Écran tactile 55 pouces, impression sur papier « dos bleu » mat 120 g, panneaux de bois (OSB). 1,95 x 4,20 m
5// « The Architecture of Radio », Richard Vijgen, Pays-Bas. Projection sur écran panoramique réalisée par jointement de panneaux de bois (OSB). 1,40 x 2,48 m (x 8), écrans mobiles-tablettes.