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Carte blanche à… Barbarito Bancel

L’agence franco-italienne Barbarito Bancel vient de livrer le siège parisien du groupe de luxe Moët Hennessy. L’occasion de découvrir des architectes dont la démarche tend à l’« évidence et l’émotion », deux qualités au service d’une vision du beau purement architectural. Pour le plus grand bien-être de l’utilisateur.

Fondée en 2011 par Ivana Barbarito et Benjamin Bancel, l’agence d’architecture Barbarito Bancel oriente sa démarche créative en suivant le leitmotiv « Imaginer l’évidence, toucher l’émotion. » Pour le duo franco-italien, l’architecture approche beaucoup de domaines – technique, économique, sociologique, etc. –, mais sa spécificité reste l’espace. Un espace modelé par l’air et la lumière, ses matériaux premiers. Pour le concevoir, les architectes oscillent volontiers entre fantaisie, rigueur, sensibilité, méthode, intuition, raison, délicatesse, discussions, écoute et surtout, beaucoup, beaucoup de dessin. « C’est notre principal outil de communication. À toutes les échelles du projet », souffle Ivana Barbarito. « L’émotion n’est pas forcément de l’ordre du visible, mais du ressenti, appuie Benjamin Bancel. Il faut créer les conditions d’existence d’un bel espace. Imaginer l’évidence, parce que la qualité de l’architecture ne réside pas forcément dans l’originalité ni la complexité. » Elle n’est pas une question de style non plus. Pour lui, priment avant tout les qualités intrinsèques d’un espace intérieur en lien avec l’extérieur, l’ordonnance du plan. Les qualités spatiales du projet sont intemporelles et traversent les modes.

De la ville au détail architectural

À travers une approche globale, l’agence appréhende les projets depuis l’échelle urbaine et paysagère, en passant par celle de l’édifice et de la « pièce » jusqu’au design d’intérieur et au mobilier d’édition. Les concepteurs ne distinguent d’ailleurs pas l’architecture de l’architecture d’intérieur. Pour illustrer cette vision, Ivana Barbarito n’hésite pas à faire référence à l’architecte et designer italien Gio Ponti qui met au même niveau, en termes d’esthétique, une chaise et un bâtiment qu’il a conçus. Cette attention portée de la ville au détail architectural, ils l’ont adoptée dès leurs premiers projets – le showroom et l’atelier de prêt-à-porter de Dior, le flagship de la marque française à Miami. Ils l’ont encore appliquée tout récemment avec l’immeuble de bureaux le Lucio, à Lille. Ce dernier se compose d’une double peau vitrée équipée de brise-soleil, également vitrés. Le verre utilisé, fabriqué par Saint-Gobain, parvient à retenir la chaleur en été de manière à éviter la climatisation à l’intérieur. À l’échelle urbaine, le bâtiment tourne le dos au parking avec une façade opaque et s’ouvre au travers de plateaux de 14 x 14 m dénués de poteaux, permettant une vue sur une placette ainsi qu’une grande liberté dans l’aménagement intérieur.

Une certaine vision de l’architecture d’intérieur

Avec les bureaux de Moët Hennessy, rue de Sèvres à Paris 7e, livrés récemment, les architectes ont prolongé cette idée que l’architecture et l’architecture d’intérieur sont intrinsèquement liées. Mieux, qu’elles doivent entrer en résonnance, à l’instar de la galerie des Glaces, à Versailles, dont les miroirs reflètent le soleil couchant. « Les miroirs n’auraient pas eu de sens s’ils n’avaient pas été pensés pour être mis en résonnance avec le paysage lointain », soutient Benjamin Bancel. « La résonnance, c’est-à-dire la mise en écho d’énergies, est bien plus forte que le caractère purement décoratif d’un lieu. » Pour eux, le style Art déco représente l’acmé de ce principe.

Le beau au service de l’émotion

Et c’est justement de cette époque que date le siège français de Moët Hennessy, qui s’étend sur 10 000 m2 aux étages supérieurs du Bon Marché. Le projet, dont les enjeux d’image et d’usage étaient très élevés, devait incarner les valeurs de Moët Hennessy – notamment l’art de recevoir –, valoriser le patrimoine Art déco du bâtiment et engager une transformation culturelle d’entreprise en proposant des espaces de travail contemporains. Le tout dans un contexte de remise en question profonde des modalités de travail et de généralisation du télétravail. « On est passés d’espaces productifs à des espaces de bien-être avec objectifs de performance », expliquent les architectes. Pour créer ces conditions, leur méthode a reposé sur l’écoute afin de concevoir des espaces à la carte révélant le potentiel du lieu. L’architecture a été pensée autour de la lumière, des circulations, des perspectives intérieures afin d’accueillir la dizaine de maisons que regroupe la marque de luxe. Au total, 600 personnes sont amenées à se rencontrer dans les espaces collectifs, les salons, le rooftop, mais aussi à travers les circulations de manière plus fortuite. L’espace de travail devient alors un lieu de vie favorisant le partage et les échanges. Ce qui fait sa qualité ? Outre le soin apporté aux volumes et à la lumière, celui porté aux matériaux dans leur mise en œuvre, comme un majestueux escalier en albâtre réalisé par des compagnons du tour de France. « Le savoir-faire et l’excellence (des valeurs portées par Moët Hennessy) sont incarnées par le soin du détail et des matériaux nobles comme la marqueterie de paille, le bois, le liège, le laiton… », détaille Benjamin Bancel. « Toute cette attention, ce soin apporté, cette pensée appliquée aux détails privilégient le bien-être en créant des émotions, en éveillant les sens », enchaîne Ivana Barbarito. Une manière pour eux de contrebalancer l’extension de l’espace virtuel et la présence du numérique. Là se situent pour les deux architectes les nouvelles exigences auxquelles doit répondre leur discipline, où le beau, en touchant à l’émotion, dépasse la technique.

© Alessandra Chemollo
© Alessandra Chemollo
Avec les bureaux de Moët Hennessy, à Paris 7e, livrés récemment, les architectes ont prolongé cette idée que l’architecture et l’architecture d’intérieur sont intrinsèquement liées. © Alessandra Chemollo
Avec les bureaux de Moët Hennessy, à Paris 7e, livrés récemment, les architectes ont prolongé cette idée que l’architecture et l’architecture d’intérieur sont intrinsèquement liées. © Alessandra Chemollo
Photos : portraits : © Barbarito Bancel Architectes ; siège Moët Hennessy : © Alessandra Chemollo 

 

 

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Article issu du numéro 179 de Business Immo Global.

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