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Confinement, les architectes en parlent

Dans ce contexte totalement inédit de confinement lié au Covid-19 qui bouscule les façons de travailler, la rédaction d’in interiors s’est penchée plus particulièrement sur la profession d’architecte afin de connaître l’impact de la pandémie sur leurs pratiques et leur vision du futur.

 

Faire preuve de responsabilité en se confinant va de soi pour tous les architectes interrogés. Certains, dont l’agence est implantée en différents lieux, sont déjà rompus à l’exercice du télétravail et utilisent des outils numériques adaptés aux différents échanges – partage de document, réunions virtuelles, etc. D’autres s’y adaptent tant bien que mal en fonction des partenaires qui préfèrent continuer leur activité et d’autres qui la cessent, comme certains bureaux d’études. « Le télétravail n’est pas idéal dans un domaine tel que l’architecture, insiste Frédéric Quevillon, de l’Atelier Aconcept. Comme le dit Rudy Ricciotti, l’architecture est un sport de combat. Je rajouterais “collectif”. Il se pratique en équipe, en échangeant et non pas seulement avec soi-même devant un écran. »

Concernant la question des chantiers, tous se prononcent unanimement pour leur arrêt. Olivier Raffaëlli et Guillaume Sibaud de Triptyque Architecture l’affirment : « D’un point de vue entrepreneurial, nous aimerions bien sûr que notre activité se poursuive, mais pour des questions de sécurité sanitaire, cela soulève des problèmes qu’il est difficile de nier. Un chantier comporte nécessairement des interactions qui mettent en danger la santé des ouvriers dans un contexte de pandémie. Cela relève de notre responsabilité. » Ludmila Pernot, de l’agence APA, ajoute : « Un chantier plus long, une exécution non conforme et une mise en danger de la santé des intervenants justifient d’attendre la fin d’un confinement dont la durée ne représente rien au regard de celle du futur bâtiment. »

Grues arrêtées, sites bloqués, quelles conséquences pour les architectes ? Certains profitent de cette pause pour affiner les projets, réorganiser leur agence, reprendre leur recherche. Julien Rousseau, de l’agence Fresh Architectures, va dans ce sens : « Avec ce temps qui nous est donné, nous avons décidé de nous réinventer. Non pas dans une logique d’optimisation, mais plutôt dans une recherche de sens par rapport à ce que furent ces dernières années d’emballement de la construction. » Et d’ajouter que si le choc économique est immédiat, à moyen terme, « l’histoire reste à écrire puisque la singularité de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde appellera une réflexion profonde de notre profession. Investissons ce temps qui s’offre à nous ».

Avec les crises environnementale, climatique et sanitaire que nous connaissons, les architectes s’interrogent sur le devenir de l’architecture et plus largement de la ville. Ils n’hésitent pas à relever déjà certaines contradictions. Car si l’approche environnementale a tendance à densifier la ville, à mutualiser les moyens, la crise sanitaire oblige à mettre à distance les populations. Pour Ludmila Pernot, à l’échelle de l’architecture, il faut « repenser les usages et les attentes. Alors que tout le monde parlait d’espaces partagés, mutualisés afin d’économiser de la surface et de la matière, avec la crise sanitaire, nous sommes à l’opposé, plongés dans un repli sur soi ». Tels sont pour eux les défis à relever. En guise de réflexion, Guillaume Hannoun de l’agence Moon Architectures cite la philosophe Marion Waller, directrice adjointe de cabinet de Jean-Louis Missika, qui prône pour l’avenir un « urbanisme tactique ». Il précise : « Il ne faut pas figer les choses pour l’éternité comme nous l’avons fait jusque-là. Il faut au contraire imaginer des systèmes durables, réversibles qui facilitent l’adaptation et la transformation pour répondre aux changements radicaux et aux différents modes de vie que nous serons amenés à expérimenter. Car soit nous les subirons, soit nous transformerons les contraintes nouvelles en opportunités… »

Photo : © Adobe Stock/Sirio Carnevalino