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Repenser l’espace public

Photo d’illustration : © Frank Deletang

Ce que l’espace public doit être : du vide ! C’est par définition un lieu où tout le monde peut aller, à l’usage de tous, où tout est possible dans le respect d’autrui et où les citoyens peuvent se rencontrer. Or, ce n’est pas toujours le cas. On empêche les gens de se mouvoir, de s’allonger et parfois de profiter. Aujourd’hui encore, nous – citoyens et utilisateurs – sommes trop « enserrés » dans nos espaces publics alors qu’ils devraient être plus flexibles.

Puisque l’espace public est un lieu visible et accessible par tous, le rôle de la ville est donc de l’agencer, d’ordonner la flexibilité. De ce fait, la question de l’urbanisme se pose, car lorsque l’on pense un équipement public, on dessine la ville. On ne peut pas simplement s’arrêter au mur des bâtiments, à leur limite physique, il faut penser le quartier dans son ensemble, son environnement, son écosystème et pourquoi pas l’évolution des usages.

Il est alors essentiel d’écouter les citoyens pour concevoir de nouveaux espaces publics, ils nous livrent la façon de vivre leur quartier et leur ville. Il est nécessaire de faire une synthèse entre la commande du maître d’ouvrage, les utilisateurs et nos connaissances d’architectes, car après tout, nous sommes des gens de synthèse.

Ainsi, pour un architecte, concevoir des espaces publics est très plaisant par le fait même de travailler des projets qui touchent une grande majorité. Ils représentent aussi le pouvoir d’exprimer une certaine créativité.

Du reste, la vision des espaces publics dépend de la culture des pays. Prenons l’exemple de  l’Italie et la France puisque c’est édifiant.

En effet l’Italie possède une vraie culture de la « Place », elle suit une logique antique qui est de se retrouver pour échanger sur un banc, autour d’un puit ou d’une fontaine ; tandis qu’à Paris, il est rare de trouver des places entièrement et uniquement piétonnes. Pour preuve, la première, Beaubourg, a été imaginée par Renzo Piano.

La question du climat a nécessairement joué dans cet usage différent, c’est certain. Un pays méditerranéen offre aux citoyens la possibilité de vivre et de partager dehors.

Pour conclure amusons-nous à dessiner un parallèle entre l’Architecture et le Théâtre. Imaginons l’architecte comme un acteur et la ville comme une scène. Pour l’architecte, le programme devient l’intrigue : une fois lu(e), il faut trouver la meilleure façon de jouer son rôle, trouver un ton et un style. Le processus est similaire, d’abord on se rend sur le site, comme on apprivoiserait les planches d’un théâtre avant une représentation ; on essaye de comprendre ses modalités et son fonctionnement – car on ne travaille pas à Juvisy comme à Paris, tout comme on ne joue pas de la même manière dans un grand théatre et dans une petite salle ; on s’y rend à différents horaires pour s’imprégner de l’ambiance, des flux ; et ensuite il faut écrire l’enchaînement des scènes, dérouler l’intrigue, les dialogues et s’imprégner de la scénographie en y intégrant sa sensibilité, son vécu et son jeu d’acteur.

Frédéric Quevillon est architecte fondateur chez L’Atelier AConcept. L’Atelier Aconcept affûte au quotidien ses méthodes depuis 2001 et mise son équipe pluridisciplinaire. Architectes, urbanistes, économistes, graphistes mettent leurs points de vue en commun au service de projets très différents, tous créant du lien dans l’espace urbain. La réussite future du bâtiment réside dans la façon dont il s’intègrera dans son environnement, dont il favorisera les liens entre les habitants et dont il stimulera de nouveaux usages au cœur de la ville.

© Olivier Desaleux