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« Il faut repenser les usages, les attentes »

Dans ce contexte totalement inédit de confinement lié au coronavirus, la rédaction d’in interiors a souhaité donner la parole à des architectes pour savoir comment ils s’organisent, envisagent la question du chantier et l’impact de la pandémie sur leur pratique. Entretien avec Ludmila Pernot qui, en 1998, a créé l’agence APA architecture.

 

in interiors : Comment réagissez-vous face au confinement en termes d’organisation du travail avec vos équipes et vos partenaires ?

Ludmila Pernot : Nous sommes tous en télétravail. Avec un point téléphonique tous les jours. Le rythme est plus lent.

 

ii : Êtes-vous favorable à l’arrêt des chantiers ? Ou pensez-vous qu’il est possible de les maintenir dans de bonnes conditions sanitaires, et si oui, lesquelles ?

LP : Oui je suis favorable à l’arrêt des chantiers (sauf évidemment cas d’artisans travaillant seuls), car ils ne me semblent pas pouvoir être menés dans de bonnes conditions :

  • il est difficile de respecter les règles de distanciations, les compagnons sont amenés à travailler ensemble et s’entraider ; ces règles supplémentaires pourraient en outre perturber celles primordiales de sécurité sur le chantier ;
  • les approvisionnements risquent d’être dégradés, les matériaux ne correspondant plus aux prescriptions ;
  • les approvisionnements représentent des risques de contacts humains.

Un chantier plus long, une exécution non conforme et une mise en danger de la santé des intervenants représentent de bonnes justifications pour attendre la fin d’un confinement, dont la durée n’est rien au regard de celle du futur bâtiment.

ii : Comment imaginez-vous la reprise ?

LP : Terrible ! tout le monde va vouloir la priorité, les entreprises vont être débordées, les matériaux non disponibles, les prix vont flamber.

 

ii : Avec les crises environnementales que nous avons jusque-là traversées, sanitaire aujourd’hui et économique demain, comment l’architecture et plus largement la ville doivent-elles s’adapter selon vous ?

LP : L’architecture doit évidemment réduire le plus possible son impact environnemental, tant dans sa construction que dans son exploitation. Ce qui est d’autant plus difficile en période de crise économique. Il faut repenser les usages, les attentes. La crise sanitaire que nous traversons me semble un autre problème, complètement nouveau, de repli sur soi, alors qu’on était en plein dans les espaces partagés, mutualisés pour économiser de la surface et de la matière. Compliqué d’avoir les deux à la fois !