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Les food courts en France, mode ou tendance de fond ?

Xerfi vient de publier une étude intitulée « Des food courts aux food halls : décryptage de l’offre, des facteurs clés de succès et des initiatives des acteurs ». L’occasion de faire un point sur ces lieux qui se multiplient sur le territoire…

Les Ateliers Gaîté © MVRDV

L’appétit des Français pour les food courts semble insatiable. C’est ce qu’illustre la multiplication de ces hyper lieux combinant restauration et divertissement depuis un an et demi à Paris et en régions. Et ce n’est qu’un début. Alors que l’Hexagone en compte déjà une vingtaine, au moins une quinzaine de projets sont dans les cartons, selon les experts de Xerfi Precepta. À titre d’exemple, le plus grand food court d’Europe (35 comptoirs-restaurants et bars installés dans un espace de 5 000 m²) doit notamment ouvrir ses portes en 2020 dans les Ateliers Gaîté, près de la gare Montparnasse à Paris, à l’initiative du promoteur Unibail-Rodamco-Westfield. Porté par un puissant effet de mode mais aussi l’enthousiasme des investisseurs et des pouvoirs publics, ce marché émergent devrait connaître encore de belles années. Aujourd’hui, trois modèles cohabitent : les « incubateurs » qui ont valeur de test pour de jeunes restaurateurs, les « vitrines » qui associent des grands noms du métier à de jeunes restaurateurs débutants, et les « réhabilitateurs », c’est-à-dire des projets de halles gastronomiques qui s’inscrivent dans le cadre de projets immobiliers mixtes. Et le business model de ces aires de restauration ou halles gourmandes offre un triple intérêt. Pour le gestionnaire, il s’agit d’un pôle d’attraction et d’une logique de volume qui permet de générer des économies d’échelle. Aux restaurateurs, il permet de baisser les coûts en mutualisant les charges (loyer, énergie, nettoyage…) tandis que pour le client, le food court propose une variété de choix et des activités culturelles et festives à n’importe quel moment de la journée dans un lieu singulier.

Toutefois, la fermeture du site Ground Control des Champs-Elysées en avril 2019, cinq mois après son ouverture, rappelle que le succès de ces hyper lieux peut être éphémère. C’est d’autant plus vrai que la restauration hors foyer est en pleine ébullition entre le dynamisme des chaînes de fast food, la révolution des foodtech ou encore la multiplication des coins restauration dans les enseignes de la proximité alimentaire.

Dans ces conditions, quels sont les acteurs susceptibles de tirer leur épingle du jeu ? En raison de leur force de frappe financière, de leur patrimoine foncier et du trafic généré dans leurs centres commerciaux, les promoteurs immobiliers sont bien placés pour profiter de l’engouement ces prochaines années, de l’avis des experts de Xerfi Precepta. Leurs atouts leur confèrent en effet les moyens d’aménager des food courts dans des espaces commerciaux existants ou bien de les intégrer dans des chantiers mixtes de réhabilitation urbaine.

Les grands magasins peuvent aussi capitaliser sur la détention d’un patrimoine et des ressources clés (moyens financiers, …) pour élaborer des projets de halles gourmandes. C’est notamment le cas des Galeries Lafayette Gourmet ou du Printemps du goût. De leur côté, les sociétés de restauration et les acteurs de l’événementiel peuvent miser sur leur savoir-faire et leur légitimité dans leurs domaines respectifs de la gastronomie et de la communication/animation.

Surtout, alors que la restauration hors foyer est déjà un marché très embouteillé, les food courts risquent de se heurter à l’intense concurrence des chaînes de restauration rapide, des concepts de snacking des GSA, des boulangeries, voire des foodtech de restauration virtuelle. Sans oublier que les restaurants traditionnels, des commerces de bouche et même des épiceries spécialisées peuvent faire office de substituts.

Vers un marché à deux vitesses

Quelles seront alors les recettes du succès des food courts ? Parmi les six éléments identifiés par les experts de Xerfi Precepta figurent notamment dans un avenir proche la capacité à gérer une clientèle variée, à attirer des grands noms de l’univers culinaire ou encore la diversité des activités proposées. À court terme, le scénario d’évolution le plus probable est une diffusion à grande échelle dans les espaces commerciaux les plus dynamiques, à l’initiative des promoteurs pour générer du trafic dans leurs centres commerciaux. En réalité, le développement de ce secteur en France pourrait bien prendre deux orientations appelées à cohabiter. D’un côté, le concept de food court (ou food hall) serait récupéré et industrialisé par des leaders de la distribution et de la restauration. De l’autre, des initiatives locales de food courts indépendants continueraient à essaimer dans les hyper-centres des grandes villes sur le modèle des halles gourmandes (marchés alimentaires agrémentés de mini-restaurants), conciliant découverte culinaire et animation culturelle à l’image de La Commune à Lyon et de La Halle Boca à Bordeaux. Pour le plus grand plaisir d’une population friande de circuits courts et de produits authentiques mais aussi à la recherche de lieux de convivialité. Bref, les food courts risquent bien d’être un marché à deux vitesses dans l’Hexagone.

Auteur de l’étude : Alexandre Masure

Pour en savoir plus sur les Ateliers Gaîté, rendez-vous sur l’article consacré, et issu du in interiors n°7 !