Move It ! ou l’appartement amovible
Photo à la Une : © JENA, E. Falasco, J. Bocher
Travailler chez soi a des inconvénients comme d’abolir les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle. Avec Move it ! les architectes Emma Falasco et Jonathan Bocher proposent une solution « surprenante » pour éviter ce mélange. Explications.
Alors qu’ils se retrouvent confinés dans leur appartement parisien au printemps 2020, Emma Falasco et Jonathan Bocher, un couple d’architectes, tombent sur l’annonce d’un concours international d’Archistart intitulé « Working from Home ». L’enjeu : reconfigurer le deux-pièces d’un jeune couple de designers lui aussi confiné en raison de l’épidémie de Covid-19 pour l’adapter au télétravail. « Le thème nous a sauté aux yeux parce que nous nous trouvions exactement dans cette situation, cloîtrés dans notre petit appartement et contraints d’y télétravailler tous les deux », s’amuse aujourd’hui Jonathan Bocher. Ni une ni deux, les jeunes architectes imaginent Move It !, un concept qui sera qualifié de « surprenant » par le jury du concours et leur vaudra la première mention spéciale.
Intimité
S’appuyant sur le fameux livre Espèces d’espaces de Georges Pérec, Emma Falasco et Jonathan Bocher commencent par réfléchir à la fonction des différentes pièces et à la place des murs dans la structuration de l’espace domestique. Jusqu’à les abolir complètement. Dans cet espace vidé et neutralisé, ils imaginent installer quatre parois amovibles qui permettent d’organiser l’appartement selon l’usage : bureau, repos, sport, cuisine… Essentiellement en bois, ces parois mobiles et le mobilier multifonctionnel qu’elles intègrent rendent possible différents usages et le mouvement à l’intérieur de l’appartement. « Deux principes nous ont guidés dans notre réflexion : la mutualisation des usages et la mobilité », résume Jonathan Bocher. « Le fait de mutualiser nous permet de libérer de l’espace et le fait d’être mobile nous permet d’adapter cet espace, de conserver une certaine forme d’intimité vis-à-vis de son travail », complète Emma Falasco.
Leur astucieux concept permet, paradoxalement, de cloisonner les emplois du temps. « Nous nous sommes rapidement rendu compte que le distanciel rallonge la durée de travail et brouille les frontières avec la vie personnelle », explique Jonathan Bocher. La mobilité des usages crée un rituel qui clôt définitivement la journée de travail, à l’instar du trajet bureau/logement, et permet une forme de détachement. « Dans les appartements classiques, le bureau ne bouge pas, fait remarquer Emma Falasco. Même assis sur son canapé le soir, on continue à le voir et il participe à prolonger le travail dans l’espace de vie. » Par de savants mouvements imaginés par les deux architectes, les bureaux de l’appartement Move It !, eux, se transforment en table à manger ou en porte, tandis que le siège de travail devient une chaise pour dîner.
Flexibilité
Si le télétravail constitue le point de départ de leurs recherches, celles-ci dépassent ce seul cadre. « L’arrivée soudaine du télétravail dans nos vies n’a été que le révélateur d’un besoin très profond de flexibilité », estime Jonathan Bocher, qui n’hésite pas à parler de « nouveau paradigme » pour l’architecture. D’autant que l’exiguïté des appartements aujourd’hui, en particulier à Paris, accentue ce besoin. « L’adaptabilité et la résilience que nous avons placées au cœur de notre projet sont des notions clés dans la conception des espaces », approuve Emma Falasco. Les deux architectes n’éludent pas les contraintes d’un tel appartement. Le minimalisme qui préside à son aménagement, ne serait-ce que pour le mobilier, n’est pas forcément du goût de tous. « Il faut s’infliger de ranger et de ne rien acheter de superflu », assument-ils. Pour autant, Emma Falasco et Jonathan Bocher espèrent que leur concept trouvera son application. Et même au-delà du résidentiel, ils attestent que Move It ! peut s’adapter à des actifs tertiaires, bureaux ou hôtels.
En partenariat avec le French Design by VIA
Article issu du numéro 185 de Business Immo Global.
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