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« Reconfigurer l’espace pour passer du “mode maison” au “mode travail” »

Photo à la Une : Graeme Nicholls © DR

Finaliste du Davidson Prize, porté par l’Alan Davidson Foundation, le concept « The Live, the Work & the Wardrobe » proposé par Graeme Nicholls Architects en partenariat avec Secchi Smith et Lewis McNeill, repense l’évolutivité du mobilier comme un outil adaptable permettant de maximiser l’usage d’espaces perdus.

Business Immo Global : Quelle est la genèse du projet « The Live, the Work & the Wardrobe » ?

Graeme Nicholls : Le projet a été développé l’année dernière dans le cadre d’un concours lancé par l’Alan Davidson Foundation à la mémoire de ce pionnier de la visualisation architecturale. Le thème du concours était « home/work », ce qui est évidemment opportun compte tenu de ce que nous avons vécu ces deux dernières années. Notre proposition « The Live, the Work & the Wardrobe », réalisée en collaboration avec les visualisateurs Secchi Smith et l’architecte Lewis McNeill, s’est donc inspirée de notre expérience avec la pandémie de Covid-19, alors que tous les membres de l’équipe ont vécu différemment les confinements selon qu’ils étaient en appartement ou non, et ont croisé leurs pratiques spatiales pour mettre au point le concept.

BIG : Quelles étaient vos inspirations pour ce concept ?

GN : Nous avons commencé par réfléchir aux différents défis auxquels nous étions confrontés, comme l’isolement. Notre idée était de voir si les meubles pouvaient être transformés en un dispositif architectural permettant de nuancer la frontière entre l’appartement et l’espace partagé. Nous avons également été inspirés par notre projet résidentiel Ashtree Road, à Glasgow, où les escaliers, les couloirs et les espaces communs étaient plus généreux que la normale et où nous avons constaté, lors d’une visite un an après la livraison, que les gens habitent l’espace d’une manière informelle que nous n’avions pas anticipée.

Par ailleurs, tous les projets issus de l’agence sont motivés par des récits. Nous sommes intéressés par la littérature et les mondes fictifs, avec l’idée que chaque projet d’architecture est d’une certaine manière une fiction jusqu’à ce qu’il soit construit, de sorte que les limites de la réalité et du pragmatisme du projet restent floues. Dans ce cas, nous nous sommes intéressés au livre de C.S. Lewis Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique, dans lequel un groupe d’enfants trouve une passerelle vers un monde magique dans une armoire. Pour eux, cela devient une évasion des réalités de la vie, d’une certaine manière comme peut l’être le fait de sortir de chez soi pour aller travailler. Par conséquent, nous avons pensé que si nous pouvions disposer d’un meuble de rangement inspiré de cette histoire de transformation et de changement de l’espace, celui-ci pourrait en quelque sorte faire office de coupure, comme le permet normalement un trajet vers son bureau.

BIG : Quelle forme prend cette idée avec « The Live, the Work & the Wardrobe » ?

GN : L’idée est de reconfigurer l’espace au fur et à mesure que l’on passe du « mode maison » au « mode travail », de manière très concrète. Nous avons conçu une série de penderies ou d’armoires à usages multiples qui peuvent être adaptées aux différents modes de vie de chacun. Il s’agit d’un ensemble de portes, de trappes, de plans de travail, de tables pliantes qui peuvent être aménagés selon différents scénarios. Par exemple, si vous prenez votre café le matin, vous pouvez ouvrir la trappe et discuter avec votre voisin de manière informelle. Si vous avez envie de sortir de votre espace de travail quotidien – beaucoup d’entre nous devant travailler depuis leur chambre ou leur table à manger –, vous pouvez aménager l’espace en bureau. Plutôt que d’être normatifs dans l’utilisation des meubles, nous essayons d’accommoder tous les usages potentiels dont pourraient avoir besoin les occupants. Le fait de contrôler votre habitat contribue d’ailleurs à un sentiment de bien-être, car vous avez l’impression que l’espace fonctionne pour vous.

BIG : Comment ce projet pensé pour l’espace résidentiel peut-il selon vous être adapté à d’autres typologies immobilières ?

GN : Nous constatons dans les lieux de travail conçus aujourd’hui que les façons de travailler tendent vers un espace plus partagé et plus flexible, une transformation qui précédait la pandémie, mais qui a été accélérée par elle. À mesure que nous évoluons vers un mode de travail moins formel, voire vers une esthétique plus lounge et une flexibilité dans la conception des objets et de l’espace, le concept central de « The Live, the Work & the Wardrobe » qui permet de s’installer comme chacun le souhaite, peut être très attrayant pour beaucoup de gens. Par conséquent, ce concept pourrait sans aucun doute s’appliquer à différents types d’espaces et d’utilisations immobilières. D’autant que l’une de ses forces est qu’il a été pensé de manière réalisable et pratique. Avec seulement un peu d’imagination en matière de design, il est possible de réaliser beaucoup de choses avec des espaces qui ont été laissés pour compte et souvent considérés par les promoteurs comme représentant un coût supplémentaire, pour les rendre plus attrayants.

BIG : Cette proposition résulte des premières leçons de la pandémie. Quels sont les autres enseignements qui pourraient vous inspirer dans le futur ?

GN : Nous commençons seulement à saisir ce que le Covid signifie pour la conception de l’espace à l’avenir, car nous commençons seulement à revenir dans nos villes, nos bureaux, nos magasins, etc. Les projets de logement sur lesquels nous travaillons actuellement nous indiquent que l’espace de travail à domicile figure désormais en bonne place dans le cahier des charges des promoteurs, alors qu’auparavant, il était inclus plutôt à contrecœur. La biophilie, un lien avec la nature, sera également une inspiration à long terme. Ainsi, connecter l’idée d’un espace de travail plus flexible avec la nature, par le biais d’un espace extérieur, rendra les projets immobiliers plus désirables.

En partenariat avec Le French Design by VIA


Article issu du numéro 185 de Business Immo Global.

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