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Officine d’Architecture

Photo à la Une : © Daniel Rousselot

Les architectes Ségolène Getti et Carmine Luongo se sont rencontrés il y a 15 ans autour d’un projet. En 2009, ils fondent l’Officine d’Architecture, un laboratoire ou le projet est abordé comme une formulation et une posologie adaptées. Déchiffrage…

Artisans alchimistes : c’est ainsi que se définit le couple trublion à la tête de la bien nommée Officine d’Architecture. Officine, c’est pour la référence à l’atelier ou à la pharmacie qui collent bien aux aspirations du Napolitain Carmine Luongo et de la Française Ségolène Getti. Architecture, c’est pour… tout le reste. Du paysage à l’urbanisme en passant par l’architecture intérieure : ces deux-là s’inscrivent, volontairement et nécessairement, depuis leur rencontre en 2006, dans un modèle de culture générale qu’ils revendiquent. « Tous les grands designers italiens sont architectes », lance le volubile Carmine qui aime à se croquer en chef d’orchestre. « J’ai appris qu’un architecte pouvait avoir toutes les casquettes. Nous sommes des généralistes, pas des experts », glisse Ségolène qui s’interdit de reproduire un modèle. Cette pluridisciplinarité, elle l’apprend de ses années à arpenter le monde, entre 2010 et 2014, avec un certain… Philippe Starck passé maître dans l’art du touche-à-tout. D’ailleurs, le célèbre designer confie à Ségolène Getti quantité de missions : la « Co(o)rniche » au Pyla, le restaurant « Ma Cocotte » aux Puces de Saint-Ouen, « Miss Kô », avenue Georges V, à Paris, pour les plus célèbres. Des marques iconiques qui donnent à leur carrière un incontestable booster. Et une visibilité…

Mais leur premier vrai projet ensemble, seuls, c’est un appartement de 100 m² sur les hauteurs de Montmartre, à Paris. Positionné – comme en Italie – en amont du projet de réhabilitation, le couple met en avant le collectif pour repenser un produit « dans un état épouvantable ». De la complexité et de la difficulté, le couple se nourrit mutuellement. « On s’est rencontrés vers 30 ans. À cet âge, vous aimez le travail d’équipe. Pour penser, j’ai besoin d’être dans une situation d’inconfort et de chaos », se confie Carmine qui avoue s’ennuyer facilement. La discrète Ségolène est faite d’un autre bois. « Elle a besoin de son temps, elle aime prendre le relais », dit-il. « Il me sort du guidon, il fait la synthèse », répond-elle en écho. La complémentarité : il est là le vrai secret des teams d’archi…

À vrai dire, pas un de leurs projets ne se ressemble, mais tous leur ressemblent : différents, généreux, innovants. Ils sont à la manœuvre du restaurant « Polichinelle » sur la dalle de Beaugrenelle, au pied de l’hôtel Yooma, le nouvel opus de Christophe Michalak et Steve Burggrat pour lequel Officine d’Architecture est recrutée… par un chasseur de têtes. Ils se retrouvent dans le round final de l’appel d’offres de la marketing suite de la tour Hekla par l’intermédiaire d’Émilie Ferry de Hines, qui les a invités à participer au concours. Outsiders sur le papier, Carmine et Ségolène décrochent le projet d’un bâtiment éphémère de trois ans d’une surface de 200 m2, posé devant la Rose de Cherbourg. « Ne nous demandez pas de faire seulement la conception, il faut aussi nous confier la réalisation pour conserver la cohérence de l’ensemble », adresse-t-il à Hines, le développeur. Avec cet objet non identifié qui ne peut échapper au regard de la future tour de Jean Nouvel, le couple malin joue la partition de la révérence devant l’œuvre de leur auguste contemporain. Ils sont les architectes d’un monastère de 10 000 m² dans l’Isère qui vient s’ajouter à leur liste déjà bien éprouvée en cette matière. Le reste de leur carnet de commandes est… éclectique : les espaces de vie qui relient deux immeubles de « Carré Pleyel » à Saint-Denis, la requalification d’une cité à Châteaudun, la plage de Pampelonne, à Saint-Tropez, où ils croisent encore la route de Philippe Starck.

Dans sa palette de réalisations, Officine d’Architecture vient ajouter une couleur avec le galet de terrazzo. « La matière terrazzo est très en vogue et nous espérons réussir à nous extraire de cette mode pour lui rendre son intemporalité », souligne le couple. En signant un partenariat avec Ad Lucem, les deux architectes qui assument la direction artistique se sont engagés à développer une gamme architecturale en déclinant trois familles de produits : les éléments architecturaux et modénatures du bâtiment, les éléments d’agencement et une collection d’objets et d’accessoires. Les premières gammes seront lancées au début de l’automne 2021. « Nous avons déjà proposé à la nouvelle marque de donner l’opportunité aux jeunes talents “under 30”, par le biais d’un concours, de participer et d’être sélectionnés pour le catalogue 2022, et d’impliquer d’autres architectes et designers pour partager l’occasion d’explorer cette technique ancestrale, durable, entièrement minérale, alliée à la haute technicité développée par Ad Lucem », souligne Carmine.

Mais la route de l’un ne croise pas systématiquement celle de l’autre. Ainsi, Ségolène travaille-t-elle, en ce moment, seule, avec une start-up lilloise pour imaginer du textile prêt-à-monter en filière courte. L’architecte dessine une veste, une robe, un sac dans un esprit artisan. « Je suis fier comme un paon », déclame Carmine sous le regard de Ségolène.

© Truetopia - projet OA-OFFICINE
© Truetopia - projet OA-OFFICINE
© Truetopia - projet OA-OFFICINE D’ARCHITECTURE
© Amaury Brac-courtesy OA-Officine d'Architecture
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Article issu du n°14 d’in interiors. Pour le découvrir dans son intégralité, cliquez ici.