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Carte blanche à… Orash Montazami

Photo à la Une : © Behrouz EZ

L’architecte Orash Montazami, c’est d’abord une méthode : le case study. C’est ensuite un procédé : l’innovation d’usage. C’est enfin une conviction : l’upcycling. Au sein de son équipe pluridisciplinaire, chaque projet est l’occasion d’une expérience architecturale qui enrichit
le suivant. Itinéraire d’une démarche où la construction est un jeu… exploratoire.   

Par Emmanuelle Graffin avec Yousra Gouja 

Des case studies. C’est le fil rouge que tire et que tisse Orash Montazami depuis ses études d’architecture à Paris et aux États-Unis – terre du programme des Case Study Houses, des maisons modernes et économiques développées après-guerre. D’abord à Chicago, où il fait ses premières armes en agence. Ensuite chez Philippe Chiambaretta, avec qui il collabore durant huit ans. Et entre-temps, quand il crée en 2008, In&Edit Architecture, une structure de design et architecture qui devient en 2018 Studio Montazami. Chaque projet est pour lui un case study, une expérience architecturale qui enrichit sa réflexion et le projet suivant. Trois axes jalonnent plus particulièrement sa recherche : le « plug & play » comme l’architecte aime à le définir, les innovations d’usage et l’upcycling. 

Plug & Play 

Les concours Réinventer Paris 1 et 2 constituent pour son agence un formidable terrain de jeu pour étudier l’architecture modulaire. Le préfabriqué. Le plug & play. En 2015, l’agence s’associe avec le groupement Beneteau/Mathis/Elithis afin de développer un projet associant logements, activités et serres basé sur la modularité et la construction hors site. « L’idée était de trouver une réponse innovante et non plus utopique, une solution pour répondre à un besoin imminent de logements en France, de penser et construire des modules préfabriqués “plug & play”, de les acheminer par la Seine et les assembler sur site », se souvient Orash Montazami. Aux côtés de l’agence Baumschlager Eberle, il poursuit la réflexion en s’associant avec GA Smart Building, un acteur identifié dans la construction hors site, dans le cadre de Réinventer Paris 2. Lauréat du concours, le projet – la Cité universelle – dédié au handicap se veut encore plus ambitieux. À usages mixtes (activités, services, pôle de santé, équipement sportif, bureaux, coworking et hôtel 100 % accessible à tous les handicaps), le programme, dont le permis de construire vient d’être déposé, propose une construction hors site « qui a un impact environnemental positif, génère moins de nuisances pour les riverains et réintroduit la construction bois », détaille l’architecte. L’agence est lancée. Elle s’interroge sur la fabrique de la ville en tentant de répondre au besoin de construire rapidement et sobrement. Fils rouges de la réflexion sur la plupart des projets qu’elle produit. Le campus Alcatel qu’elle vient tout juste de livrer en est le parfait exemple.  

Innovations d’usage 

Situé à Illkirch-Graffenstaden (67) au sein d’un site de 2 ha, le campus Alcatel s’inscrit dans un parc d’innovation des années 1980. Développé sur environ 7 000 m2, le projet architectural est pensé comme un ensemble paysager qui s’articule autour de deux bâtiments reliés par un lobby central. Construits avec GA Smart Building en béton préfabriqué en seulement 13 mois, les édifices présentent des poinçonnements en façade évoquant les cartes perforées informatiques qui correspondent en fait aux prises et rejets d’air apparaissant sur les panneaux préfabriqués. Les façades sont constituées de modules de 8,10 m, « le maximum pour le transport sur site », indique l’architecte qui enchaîne : « L’objectif est la recherche d’harmonie et une esthétique qui fait appel au minimalisme. Il faut revenir à une architecture plus humble, plus sobre, plus pérenne, qui n’est pas dans l’abondance du façadisme. » 

D’autres projets utilisant la modularité vont suivre, enrichis de l’expérience du procédé, de collaborations aussi, comme avec Tezuka Architects avec qui l’agence s’est associée pour le concours d’un campus de 28 000 m2 à Toulouse où GA Smart Building va implanter son siège. Selon Orash Montazami, il y a urgence à étendre la réflexion de la préfabrication au résidentiel afin d’apporter une réponse au manque de logements. « Il faut s’intéresser à l’industrialisation de processus de fabrication tout en confiant aux architectes la création de systèmes constructifs qu’ils doivent adapter au contexte et à l’environnement urbain », soutient-il, s’inscrivant ainsi dans une réflexion sur l’architecture préfabriquée qui remonte au début du XXe siècle.  

Upcycling 

L’autre terrain d’expérimentation favori du Studio Montazami est l’upcycling. Le recyclage en architecture. Pour l’architecte, « le premier acte écologique n’est pas de déconstruire pour reconstruire, mais bien de transformer l’existant en le rendant pérenne, en le contextualisant et en mettant l’usage au centre de notre réflexion ». En 2013, son agence livre l’École 42, fondée par Xavier Niel dans le 17e arrondissement de Paris, qui a pour objet la mutation d’un centre de formation de l’Éducation nationale en une école supérieure d’informatique réalisée en un temps record. L’implantation du siège de Burger King, à Clichy, permet de renouveler l’exercice. Réalisé en site partiellement occupé et en 12 mois seulement, le projet de réhabilitation consiste à créer un socle ouvert sur la ville constitué de matériaux nobles, à augmenter les surfaces vitrées et à surélever l’existant. D’autres projets se succèdent, comme la réhabilitation de la tour Beside (maître d’ouvrage : Left Bank), à Puteaux, dont l’objectif est de l’inscrire dans la ville en la reliant par un socle dédié à des services (commerces, marché urbain, food court, etc.) destinés à la fois aux riverains et aux utilisateurs. 

L’agence, qui oscille entre 12 et 18 collaborateurs, est en attente du verdict d’un concours où elle a présenté un projet 100 % écologique qui n’utilise ni climatisation ni chauffage. L’édifice s’inspire du bâtiment 2226 conçu par l’architecte autrichien Dietmar Eberle où il fait entre 22 °C et 26 °C en permanence et de manière naturelle. « L’utilisation de matériaux ancestraux tels que la pierre, la brique ou le bois, associés à une gestion de la data liée à l’usage et aux comportements, permet de réaliser le bâtiment le plus ambitieux en matière de bas carbone, de revenir à l’essentiel, au vernaculaire et à l’omniprésence des matériaux vivants dans notre habitat », explique Orash Montazami. Ce serait une première en France. Un « case study next step », sourit l’architecte qui ne dévie pas de son axe.  


Article issu du numéro 181 de Business Immo Global.

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