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« Plus que jamais, il faut réfléchir à ce que les gens vont faire en venant au bureau »

Photo à la une: STUDIOS Architecture.

Architecte associée senior chez Studios Architecture, Alexandra Villegas s’intéresse depuis plus de 20 ans à l’innovation et à la transformation des espaces de bureaux. Elle revient avec in interiors sur leur évolution au vu des nouveaux modes de travail adoptés durant la crise sanitaire.

in interiors : Comment votre vision de l’espace de travail a-t-elle évolué face à la crise sanitaire actuelle ?

Alexandra Villegas : Avec la crise sanitaire vient une remise en cause des modèles et une accélération des tendances, alors qu’une prise en main des plates-formes digitales nous a fait passer un cap important. Nous ne reviendrons pas à la « normale » d’avant le confinement, quand le télétravail était marginal. Pour autant, il reste indéniable que le bureau reste le meilleur vecteur de lien social et de la culture de l’entreprise. Les plus jeunes sont avides d’avoir ce contact, aussi ils souhaitent revenir au bureau pour mieux collaborer autour de tâches collectives, mais aussi pour se concentrer. En conséquence, les salariés bougeront davantage au sein de l’espace, et celui-ci sera plus généreux et s’adaptera aux différentes activités de la journée. Le modèle du flex office sera privilégié davantage à l’avenir afin de s’adapter aux nouveaux usages, mais aussi pour offrir une plus grande élasticité facilitant cette adaptation dans le temps. Nous avons ainsi développé le concept d’Elastic Office, qui vise à adapter les espaces aux usages dont on a vraiment besoin, mais également à penser la gestion des flux au sein des espaces de travail. Ceux-ci doivent demeurer vivants et attractifs quelle que soit l’occupation, en n’étant pas complètement vides un jour et surencombrés le lendemain.

ii : Comment cela peut-il être traduit en matière d’aménagement ?

AV : Plus que jamais, il faut réfléchir à ce que les gens vont faire en venant au bureau, et adapter l’espace de travail en fonction de ces besoins. Plutôt que de consacrer, de façon assez traditionnelle, 70 % des espaces à des postes de travail et 30 % aux autres fonctions, les entreprises pourraient ainsi opérer une inversion. Le bureau de demain sera un hybride entre un grand café, de grandes salles de réunion où l’on peut collaborer ainsi que des espaces calmes permettant la concentration. Pour ce faire, il pourrait être intéressant de placer au centre d’un plateau les postes de travail et/ou des tables collaboratives et d’articuler en périphérie des espaces de travail complémentaires, de manière à mieux gérer les flux tout en favorisant la densité et la variété des postes de travail. Ces configurations multiples, sortes de « quartiers » adaptés à différentes fonctions, pourront être personnalisées selon les besoins particuliers des équipes.

ii : Malgré une approche plus personnalisée, existe-t-il des incontournables ?

AV : Le contact avec la nature est incontournable. On l’a bien vu pendant le confinement, quand les espaces extérieurs, les jardins et les rooftops ont révélé toute leur importance. En tant qu’architectes, nous devons donc développer de façon accrue cet aspect dans nos projets. Par ailleurs, parce que le télétravail sera désormais incontournable, l’accès à une plus grande diversité de lieux et de zones de collaboration sera primordiale. Cela passe par plus d’espaces de réunion et de brainstorming, des cafés pour se retrouver et faire un point informel, mais aussi par des espaces facilitant la collaboration digitale.

 ii : Avec la montée du télétravail, comment le bureau et la maison s’influenceront-ils ?

AV : Il est vrai qu’une hybridation permettant de ramener le confort de la maison dans les bureaux, avec des espaces beaucoup plus chaleureux et conviviaux, est déjà en cours. Pour casser le côté formel et stérile de l’espace de bureau, nous voulons en faire des lieux de vie. Le collaborateur est au bureau de 9 h à 17 h ; pourquoi ne pourrait-il pas désormais prendre le petit déjeuner ou faire sa pause yoga pendant le déjeuner ? Parallèlement, une réflexion devra être faite sur la façon de travailler à la maison, où l’on aura besoin d’une rupture de rythme et d’intégrer le coin bureau. En complément, le recours à des tiers-lieux, de type coworking, proches du domicile pourront apporter une nouvelle donne dans une configuration plus éclatée de l’espace de travail du type « hub and spikes » (noyau et épines).