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Carte blanche à… Manuelle Gautrand Architecture

Image à la Une : Les Folies de verre, le projet proposé par Manuelle Gautrand dans le cadre des Folies de Neuilly. – © Image 3D – Manuelle Gautrand Architecture

L’agence Manuelle Gautrand fait aujourd’hui l’actualité avec quatre nouveaux projets (deux livrés et deux concours gagnés) qui illustrent la manière dont l’acte de construire a évolué par rapport à ses débuts en 1991 en approfondissant toujours plus les questions écologiques. Illustration.

Le contexte. Tel est le leitmotiv de Manuelle Gautrand depuis qu’elle a créé son agence d’architecture en 1991. Sous toutes ses facettes : géographiques, culturelles, spatiales, climatiques… « C’est en partant de ce socle que l’agence Manuelle Gautrand Architecture fabrique les projets, confie l’architecte. Tous partent d’une page blanche. » Et ce, depuis 1991, année de création de son agence. Mais le métier a évolué depuis, le contexte a changé, car les projets concernent toujours plus de restructurations que de constructions neuves. Manuelle Gautrand pensait que cette tendance était liée à l’expérience de son agence, dont l’une des références n’est autre que l’extension et la restructuration en 2010 du LaM (Lille Métropole musée d’Art moderne) construit par Roland Simounet à Villeneuve-d’Ascq. Elle apprécie depuis ses débuts de pouvoir construire avec le déjà-là pour réparer la ville et rendre la filière plus responsable d’un point de vue environnemental.

Construire avec le déjà-construit

« Dans un projet de restructuration, il existe à la fois une partie restauration du déjà-construit et une création nouvelle – même s’il n’y a pas d’extension. Les deux doivent s’articuler afin de créer un dialogue qui va enrichir le projet global », souligne Manuelle Gautrand. Les Galeries Lafayette à Annecy, que l’agence vient de livrer, est à ce titre un cas d’école de restructuration-extension. Le centre commercial originel date des années 1980. Il consiste en un volume très simple, enserré par une double boucle de parkings sur pilotis. Très audacieuse, cette architecture n’a rien de contextuel. « Par l’adjonction de surfaces, nous avons essayé de la contextualiser, de rendre le bâtiment plus urbain, de lui donner une échelle humaine à l’alignement des rues, de créer des vis-à-vis », explique l’architecte. Le projet a consisté à travailler avec l’écriture circulaire, partie intégrante de la mémoire des habitants, en y adjoignant six satellites de forme arrondie. « Il donne une échelle urbaine à un bâtiment qui avait une écriture péri-urbaine », complète-t-elle. 

Construire avec le climat

Avec le projet de Civic Center, à Parramatta, dans le Grand Sydney (Australie), le rapport entre restructuration et extension s’inverse. Ce projet consiste en une vaste extension d’une petite mairie à l’architecture victorienne pour y intégrer une bibliothèque municipale, des espaces événementiels, de rencontres, des lieux de convivialité. Du fait que ce pays subit de plein fouet le changement climatique, les données environnementales du projet ont constitué une priorité. Le bâtiment a été entièrement conçu en fonction des courbes du soleil de manière à ce qu’il y ait une belle lumière naturelle à l’intérieur, mais jamais de rayons solaires directs. « Une petite prouesse… » Cette donnée contextuelle prise en compte de manière scientifique par les architectes a généré un volume triangulaire extrudé. Du matin au soir, le soleil glisse le long de son enveloppe composée de panneaux préfabriqués avec ouvertures losangées. 

Construire en transformant

Le réemploi des matériaux fait partie intégrante des autres réflexions et recherches menées à l’agence. Elle le met en pratique depuis 2019 avec une série de bâtiments à Lille. Deux projets sur lesquels elle travaille actuellement – Le garage Citroën à République, à Paris, et les Folies de Neuilly – en sont des illustrations parfaites. 

Le garage à République est un projet gagné lors du concours Réinventer Paris 3 gagné en 2021 et mené avec la FTI et Séqens. Son programme consiste en la transformation d’un garage en logements avec une école en rez-de-chaussée. L’enjeu pour Manuelle Gautrand avec ce projet est de développer la question du réemploi de manière maximale : « Nous considérons que ce garage est une ressource. Tout ce qui ne peut pas être gardé va faire l’objet d’une transformation sur site et réutilisé sur le chantier de construction. » 

Il est un autre projet, à Neuilly, que l’agence vient de gagner sur concours, dont l’essence même est le recyclage : Les Folies. Il s’agit de 19 pavillons1 « à l’architecture exubérante » d’une surface d’environ 40 m2, chacun composé d’une structure en bois remplie de briques fabriquées à partir de verre recyclé. « La micro-architecture permet plus facilement l’innovation en comparaison des grands projets », précise Manuelle Gautrand. Le verre proviendra des façades issues de chantiers de déconstruction environnants pour fabriquer des briques de verre massif qui seront assemblées comme des Lego. Le challenge pour l’architecte est de rémployer du verre pour fabriquer un matériau qui n’existait pas et serait plus cher s’il était neuf. « Nous avons souhaité que l’exubérance de cette architecture magnifie les enjeux environnementaux auxquels nous devons faire face. Nous avons voulu aussi que ces briques de verre expriment ce que l’on peut faire de plus beau en utilisant uniquement des ressources existantes ou biosourcées », complète l’architecte. Avec ce projet elle veut prouver que la filière du bâtiment est capable de fabriquer des matériaux issus de réemploi sans que cela se voit, sans être dans l’esthétique du bricolage, de l’éphémère. « Nous restons dans une vraie esthétique, en ce sens, je pense, nous faisons un grand pas en avant. »

Pour Manuelle Gautrand, l’acte de construire et d’envisager le projet a évolué. Le contexte, le déjà-là (site, climat, topographie, patrimoine, culture…) et la question des usages en interrogeant le programme restent ses fils directeurs. Et pour elle, « la plus belle des réponses écologiques est celle qui sait explorer ce déjà-là, s’enraciner dedans, partir de ce socle pour concevoir un projet hypersensible parce que hypercontextuel. » L’écologie n’est pas une punition, mais une adrénaline, un magnifique support de création.  

© Image 3D - Manuelle Gautrand Architecture
© Image 3D - Manuelle Gautrand Architecture
Le Civic Center, à Parramatta, dans le Grand Sydney en Australie. - © Brett Boardman
© Image 3D - Manuelle Gautrand Architecture
À Annecy, les Galeries Lafayette ont fait l’objet d’une restructuration-extension qui a permis de redonner une échelle urbaine au bâtiment d’origine, datant des années 1980. - © Image 3D - Manuelle Gautrand Architecture
© Brett Boardman

1. La moitié des pavillons sera réalisée par la Maison Édouard François, co-lauréate du concours lancé en 2021 par la ville de Neuilly-sur-Seine.


Article issu du Business Immo Global 190.

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