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La loi Climat, opportunité pour des bureaux plus verts

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Loic Daniel, directeur général délégué Nexity Immobilier d’entreprise, prend la plume sur in interiors pour donner son point de vue sur les dispositions de la loi Climat et résilience qui devraient accélérer la transition écologique des bureaux.  

 

Sept titres, 218 articles, 7 000 amendements déposés… Après trois semaines de débat, l’Assemblée nationale a voté solennellement, mardi 4 mai, le projet de loi Climat et résilience. En attendant son passage au Sénat (mi-juin) puis son retour devant les députés, le texte actuel contient déjà de nombreuses dispositions qui devraient accélérer la transition écologique des bureaux.

Baisser de 40 % les émissions nationales de gaz à effet de serre d’ici 2030 (base 1990). Voilà la grande ambition du projet de loi Climat et résilience que viennent de voter les députés. Un texte directement inspiré par 146 des 149 propositions émises par la Convention citoyenne à l’issue de ses travaux tenus entre octobre 2019 et juillet 2020.

Sans surprise : le secteur de la construction est largement concerné par cette nouvelle donne environnementale. « Ce texte constitue une réelle opportunité pour accentuer le rythme et l’intensité des efforts énergétiques puisqu’il existe un risque réel de ne pas tenir les objectifs nationaux et européens à 2030, si la trajectoire n’est pas rapidement infléchie, présente Christopher Besnier, responsable d’activités immobilier, énergie et infrastructure au sein de Bureau Veritas Solutions. Pour le secteur de l’immobilier tertiaire, ce projet de loi intervient d’ailleurs dans une actualité réglementaire particulièrement dense avec le Décret tertiaire pour le parc existant et la RE2020 pour les constructions neuves. »

Pour Loïs Moulas, directeur général de l’Observatoire de l’immobilier durable, le texte représente une première étape vers la neutralité carbone de la France à l’horizon 2050 : « On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, mais dans tous les cas, ce texte reste une bonne nouvelle pour l’environnement. S’il était allé plus loin, le projet de loi aurait risqué une opposition frontale du secteur économique. Ces dispositions législatives devraient conduire à la réduction du volume d’activité de la construction et obliger le secteur à faire évoluer ses modèles économiques autour de la rénovation et de la réversibilité. »

 

Loi climat : ce qu’il faut retenir pour l’immobilier tertiaire

Que retenir de cette première mouture du projet de loi validée par les députés pour l’immobilier de bureaux ? D’abord la volonté du législateur de favoriser la construction d’immeubles à usage réversible, dans une logique d’économie circulaire. Les dispositions de l’article 54 introduisent ainsi une étude de potentiel de changement de destination du bâtiment qui pourrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023.

Autrement dit : les promoteurs devront démontrer – avant le premier coup de pioche – que leur projet de nouveau bâtiment pourra, au cours de sa vie, être facilement transformé en vue d’une autre utilisation. Un décret précisera, dans un second temps, les catégories de bâtiments concernés et le contenu du dossier à présenter. « Certains acteurs de l’immobilier (architectes, promoteurs, etc.) ont déjà ce réflexe. Pour les autres, ce projet de loi permettra de positionner la réversibilité dès la programmation pour limiter les démolitions et ainsi réutiliser des ressources existantes, explique Christopher Besnier. Chez Bureau Veritas Solutions, nous sommes d’ailleurs convaincus qu’un actif immobilier conçu avec un potentiel de réversibilité et d’évolution future sera de nature à créer de la valeur. En ce sens, cette notion va nécessairement s’inscrire dans la durée. »

 

Lutter contre l’artificialisation des sols : quel impact pour le tertiaire ?

La question de l’artificialisation des sols représente un autre impact majeur de la loi Climat et résilience sur le monde de l’immobilier tertiaire. Ce sujet aura d’ailleurs animé bien des discussions lors des débats dans l’Hémicycle. « Le texte ne pouvait faire l’impasse d’une ambition sur ce point. Si on ne veut pas voir disparaître progressivement nos paysages et la biodiversité, il devient aujourd’hui indispensable de freiner la construction et de donner plus de valeur aux questions environnementales », souligne Loïs Moulas. Un constat partagé par le législateur puisque le texte prévoit concrètement de diviser par deux, d’ici dix ans, la surface de sols naturels urbanisés. Il impose même une interdiction totale pour les projets de bâtiments commerciaux. Avec néanmoins un certain nombre de dérogations déjà précisées comme celle concernant les surfaces de vente inférieures à 10 000 m2.

Plus largement, le projet de loi affirme la volonté de l’État de tendre, à terme, vers l’objectif du zéro artificialisation nette pour 2050. « Les conséquences de l’étalement urbain (entre 20 000 et 30 000 ha artificialisés chaque année) sont multiples : biodiversité, climat et vie terrestre. Un sol artificialisé n’absorbe plus le CO2 et perd donc son rôle de puits de carbone. Il participe donc à la hausse du réchauffement climatique. La programmation des opérations de bureaux devra donc intégrer cette composante en favorisant le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés », précise Christopher Besnier. Enfin, le texte imposera à chaque commune (ou intercommunalité) la production d’un rapport annuel dressant un bilan de l’artificialisation des sols sur l’année écoulée.

 

La rénovation énergétique : focus sur le résidentiel

Dernier point central de ce projet de loi : la poursuite des efforts en matière de performance et de rénovation énergétique des bâtiments. Le titre IV du projet de loi prévoit ainsi l’interdiction, dès 2025, de placer sur le marché de location des logements considérés comme non décents sur le plan énergétique. C’est-à-dire des habitations dont le DPE (diagnostic de performance énergétique) est évalué à F ou G. Une mesure qui s’appliquera même aux logements E en 2034.

Et pour le secteur tertiaire ? Le texte de loi ne prévoit pas de mesures supplémentaires. Il convient néanmoins de rappeler que l’univers des bureaux a déjà engagé une profonde transformation sur ces sujets grâce au Décret tertiaire, entré en vigueur le 1er octobre 2019. En rendant obligatoire la mise en place de programmes d’amélioration énergétique ambitieux pour tous les propriétaires et occupants de surfaces tertiaires de plus de 1 000 m2, ce précédent fixait déjà de grandes ambitions en matière de rénovation énergétique pour les immeubles tertiaires.

Mais Loïs Moulas estime que certaines dispositions du projet de loi Climat et résilience pourraient tout de même favoriser – par effet « ricochet » – la rénovation des bureaux. Et notamment la lutte contre l’artificialisation des sols évoquée plus haut. « S’il se confirme que les opérations immobilières sur le marché du neuf se contractent, celui-ci devrait naturellement se repositionner sur les opérations de rénovation. L’expertise en matière de rénovation du bâtiment devrait donc se renforcer, avec des conséquences bénéfiques sur la performance énergétique globale du parc français. »

 

 

  Cet article fait partie d’une série de contenus publiés sur Regards croisés, le magazine « B to B » des nouveaux usages de l’immobilier tertiaire, édité par Nexity Solutions Entreprise.

 

 

 

Arrivé en 1999 chez Nexity, Loïc Daniel est aujourd’hui directeur général délégué Nexity Immobilier d’entreprise, après avoir été successivement directeur du développement chez SARI et directeur général adjoint.

 

 

 

 

 

 

 

 

Photos : en ouverture : © AdobeStock/Victor Zastol’skiy ; portrait : © DR