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Pourquoi le coliving est en plein boom

« Coliving ». Si le terme anglo-saxon a un temps prêté à confusion en France, il se fait une place. Tant dans les esprits que sur le marché résidentiel. La recette du coliving est simple, des espaces privatifs et des communs partagés entre les résidents. La taille du parc n’a cessé de grandir ces dernières années et ce type d’habitat se développe désormais dans une trentaine de villes en France. Alors quelles sont les clés de la réussite du coliving ? Est-ce un modèle adapté aux jeunes actifs seulement ou vivrons-nous tous dans des habitats partagés à l’avenir ?

 

Par Jean-Claude Bassien, directeur général délégué de Nexity

 

À deux rues du Vieux-Port à Marseille, The Babel Community propose plus de 160 logements, 200 postes de travail, un restaurant, une salle de sport, un cinéclub… Sur le rooftop du bâtiment, les jeunes actifs échangent autour d’un cocktail, lunettes de soleil sur le nez. Leur mode de vie ? Le coliving. Cette tendance émergente en France définit « une nouvelle manière d’habiter ensemble dans les villes », témoigne Maxime Armand, cofondateur d’Urban Campus, une société de coliving implantée en Espagne et en France (Madrid, Valence et bientôt Paris et Lille). Pour lui qui travaillait dans le digital avant de se lancer dans cette aventure, « le coliving est la réponse parfaite aux nouvelles attentes des jeunes actifs, mobiles, ambitieux, ouverts aux rencontres ». Concrètement, des appartements privatifs allant du simple studio au quatre pièces s’intègrent au sein d’immeubles dont les communs sont de véritables extensions avec des cuisines partagées, des espaces de travail en coworking, des salles de sport ou de projection, agrémentés d’activités et de services qui font toute la plus-value de ce modèle. En vivant en communauté, les résidents se lancent parfois dans de folles aventures allant des simples sorties entre voisins, à la création d’entreprises (chez Urban Campus, une application de rencontres et une entreprise de fermes hydroponiques sont nées) jusqu’au mariage !

 

Le coliving, réponse sur mesure aux besoins des jeunes urbains… et pas seulement

« En Europe dans les grandes villes, plus de 50 % des foyers sont composés d’une personne seule. Les modes de vie ont changé, les études sont plus longues, on se marie plus tard, on fait des enfants plus tard… La taille moyenne du foyer ne cesse de diminuer avec le temps, il y a donc un besoin de plus de logements de plus petite taille », explique Maxime Armand. L’essentiel du parc locatif n’a pas été conçu pour ces nouveaux modes de vie. Le coliving apporte des solutions sur au moins deux points fondamentaux. L’un concerne l’occupant directement, puisqu’il est un palliatif contre la solitude et permet de fonder de véritables communautés. Le second concerne une évolution des pratiques, puisque le coliving offre une alternative aux baux traditionnels, ce type de logement étant bien plus flexible sur les temps de location. En filigrane, il constitue une véritable opportunité de reconversion d’immeubles, tertiaires comme résidentiels, en garantissant une densité d’occupation optimale.

 

Concernant la flexibilité, c’est « un atout non négligeable », atteste Maxime Armand. « On parle de plus en plus des “digital nomades”, mais ils ne sont pas un cas isolé, près de la moitié des occupants de nos résidences sont des étrangers en déplacement professionnel pour une mission de quelques mois. Mais il n’est pas rare que certains reviennent ou s’installent de manière plus pérenne. » Et ça marche ? « Nous recevons plus de 100 demandes par semaines pour nos résidences à Madrid », affirme Maxime Armand. En moyenne, les occupants restent un an et cherchent de la flexibilité. « Prendre une location en coliving doit être aussi simple que de réserver un Airbnb. » Si le phénomène se développe beaucoup dans les grandes capitales européennes, il faut noter la rapide progression du modèle en région (à Lille, Bordeaux, Lyon, Marseille, Rennes…). Des coliving existent désormais dans 34 villes en France[1]. Et il ne serait pas surprenant de voir se développer de plus en plus de coliving adapté, intergénérationnel, par exemple, pour adresser le problème de la solitude des personnes âgées.

 

« Le marché va se structurer à l’échelle européenne »

Le marché du coliving est nettement plus développé en Asie ou aux États-Unis qu’en Europe, mais la tendance est au rattrapage. De plus en plus d’acteurs se penchent sur ce nouveau business model en rupture avec l’immobilier résidentiel traditionnel. « En France, ce n’est vraiment que le début » anticipe Maxime Armand. De nombreux projets sont dans les tuyaux comme l’ouverture d’une résidence Urban Campus à Lille dans les semaines à venir. Le secteur devrait bénéficier du soutien politique des maires, en particulier dans les zones tenues, qui y voient un moyen efficace de lutte contre les difficultés à se loger des jeunes tout en densifiant les villes ; et des investisseurs qu’ils soient promoteurs ou institutionnels.

 

Les acteurs européens du coliving sont une quinzaine avec quelques noms qui ont fait la une de la presse économique ces derniers mois comme Colonies qui a bouclé un tour de table de 1 Md€ au printemps pour loger 10 000 locataires en Allemagne, Belgique, France et Luxembourg, ou DoveVivo qui a acquis Chez Nestor début 2022. « Certains devraient se développer très rapidement puis le marché se stabilisera autour de quelques grands acteurs qui domineront le marché européen », analyse Maxime Armand. Autant de levées de fonds et de fusions-acquisitions qui vont accélérer le déploiement des actifs avec un ciblage aux critères définis : proximités des hubs de transport et des quartiers d’affaires dans des villes avec une forte dynamique économique. Autre facteur qui pourrait encourager la demande, les entreprises commencent à voir un intérêt à louer des espaces de coliving pour leurs collaborateurs, renforçant ainsi leur marque employeur. Des besoins énormes donc, et une réponse adaptée qui constituent la recette du coliving, dont on entendra parler encore longtemps.

 

[1] Étude prospective « Le coliving en France, un marché en accélération ! », BNP Paribas Real Estate, 20 décembre 2021.

 

Cet article fait partie d’une série de contenus publiés sur Regards croisés, le magazine « B to B » des nouveaux usages de l’immobilier tertiaire, édité par Nexity Solutions Entreprise.

 

Photos : © DR

Jean-Claude Bassien,

directeur général délégué de Nexity

Jean-Claude Bassien a occupé différentes fonctions de cadre dirigeant au Crédit agricole Cheuvreux entre 1991 et 2010, avant d’en devenir le président-directeur général. Il a développé une expertise complète sur le brokerage Actions européennes pour une clientèle internationale d’investisseurs institutionnels. Il a également occupé la fonction de directeur général adjoint de la ligne de métier « Actions et Dérivés » et a été entre 2008 et 2012 membre du comité exécutif de Crédit agricole-CIB, banque d’investissement et de financement du groupe Crédit agricole. En 2012, Jean-Claude Bassien a créé la société KUBX, holding d’investissement à partir de laquelle il a investi dans des start-up high-tech et dans des entreprises à vocation culturelle. Il a rejoint Nexity en mars 2019 comme directeur général délégué de Nexity Solutions Entreprise. Il a ensuite été dès 2020 directeur général de Nexity Solutions Entreprises et président du pôle Services aux particuliers de Nexity. Jean-Claude Bassien est désormais directeur général délégué de Nexity.