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L’abbaye des Vaux-de-Cernay / Richard Curnier, Laurent de Gourcuff & Vincent Férat

Dans une abbaye cistercienne vieille de plus de 900 ans, Paris Society, Keys REIM et la Banque des Territoires se sont associées pour créer au sud de Paris un hôtel de campagne de 155 chambres où luxe et histoire se côtoient au cœur d’un parc de 65 ha. Retour sur la transformation d’un site patrimonial en « maison de campagne XXL » avec Richard Curnier, directeur régional Île-de-France de la Banque des Territoires, Laurent de Gourcuff, président de Paris Society, et Vincent Férat, CEO de Keys REIM.

Histoire

Laurent de Gourcuff : Alors qu’il existe aujourd’hui plus de 45 hôtels de campagne à proximité de Londres, nous n’en retrouvons que quatre en France. Convaincus du fort potentiel de ce secteur, nous cherchions donc avec ce projet à créer un hôtel de campagne avec comme condition essentielle qu’il soit situé à moins d’une heure de Paris. J’en ai visité près d’une centaine avant de tomber sur ce site unique, offrant une telle diversité d’atouts. Nous voulions notamment que le lieu ne soit pas trop minéral ni austère et qu’il puisse accueillir un nombre important de chambres sans pour autant laisser une impression de gigantisme. Dès que j’ai franchi son portail et longé son étang de 9 ha, j’ai été conquis par cette abbaye des Vaux-de-Cernay, qui cochait pour nous toutes les cases, en plus d’offrir un charme et une architecture qui n’existent nulle part ailleurs.

Vincent Férat : Keys REIM est une société qui anticipe les tendances en matière de modes de vie. Chacune de nos acquisitions est motivée par la volonté d’y écrire une histoire ; nos immeubles ne sont pas que de simples placements financiers.

Par cette opération, il nous était possible de transporter ce lieu historique et magique en plein cœur d’une nouvelle hôtellerie, familiale, où l’on s’y sent bien. En effet, malgré le caractère audacieux du parti pris dans le cadre de cette opération, il ne faisait pas débat qu’à la sortie du confinement, les Français chercheraient à pouvoir s’évader et profiter d’un tel hôtel à la campagne. C’est forts de cette conviction que nous avons rejoint le projet en 2020 en nous portant acquéreurs de l’abbaye et en signant un bail avec Paris Society en tant que locataires-exploitants ainsi que porteur des travaux de réhabilitation.

Richard Curnier : Cette opération est avant tout le fruit de rencontres, après que Pierre Mattei, avec qui j’avais mené un projet à Marseille au moment où j’étais directeur régional Paca, m’ait présenté ce dossier lors de mon arrivée à Paris en 2021. Convaincus par l’attractivité de ce projet et par son attrait pour le territoire, mais aussi de la capacité des parties prenantes à le mener à bien, nous avons accompagné Keys REIM et Paris Society au travers d’une participation minoritaire parce qu’il correspond parfaitement à notre doctrine en tant qu’investisseur public et s’inscrit pleinement dans le Plan de relance lié au tourisme que porte le groupe Caisse des dépôts, dont l’enjeu principal est de soutenir le développement des territoires et la création d’emplois.

© David Ctorza / CoStar

Conviction

RC : Ce projet intègre des notions importantes à la mission de la Banque des Territoires, comme la protection du patrimoine et de la biodiversité. Évidemment, nous avons été extrêmement attentifs au montant des travaux de manière à éviter les dépassements de coûts, ce qui est un risque d’autant plus important dans le cadre de la restructuration lourde d’un tel monument historique, dont les prescriptions architecturales sont significatives. Malgré tout, alors que beaucoup de sites historiques sont souvent transformés en logements à des fins de défiscalisation – avec des conclusions plus ou moins heureuses –, nous sommes très soucieux de concourir à la préservation d’un tel patrimoine, d’autant plus lorsqu’il est atypique comme l’abbaye des Vaux-de-Cernay.

LDG : La répartition des 155 chambres à parts égales entre l’abbaye, les haras et la ferme, dont l’ouverture est prévue en septembre prochain, nous permettra d’adopter des positionnements de prix différents, en ligne avec ma conviction qu’un tel hôtel de campagne doit proposer un mélange générationnel.
Il en va de même pour la restauration, avec des offres différentes allant de la brasserie au restaurant gastronomique, en passant par le brunch et l’auberge. Contrairement à beaucoup d’hôtels de campagne situés en Angleterre et en Europe, nous avons aussi fait le choix d’aménager des espaces communs importants auxquels tous auront accès de la même manière. Le domaine compte notamment trois grands salons, une salle de jeux, un cinéma, une piscine et un lieu de bien-être, un kid’s club, une salle de karaoké et même une infrastructure pour la barque et le pédalo. Cette multitude d’activités offertes, jumelée à un important souci du détail au niveau du design, du mobilier et de la décoration, fait que l’abbaye des Vaux-de-Cernay est bien plus qu’un hôtel, mais une maison de campagne luxueuse en version XXL.

VF : Chez Keys REIM, nous nous penchons régulièrement sur des lieux chargés d’histoire, comme en atteste par exemple LX Factory à Lisbonne, le Mama Shelter aménagé dans un ancien cinéma à Toulouse ou la Halle G1, que nous réhabilitons actuellement à Lille. Or, plus le caractère historique d’une opération est important, plus le pilotage des travaux sera complexe. Pour concilier les défis économiques et techniques que de telles opérations impliquent, il faut savoir se projeter avec une vision sur l’impact de la transformation du bâtiment, par exemple, d’un point de vue ESG. Nous portons la conviction profonde que sur un site emblématique, le projet sera d’autant plus fort en termes de destination et de lieu de vie, donc porteur en tant que produit d’investissement.

© David Ctorza / CoStar

Vision

VF : Cette opération est portée par un fonds diversifié où l’on retrouve toutes les classes d’actifs, alternatifs et discrétionnaires, de sorte que sa mixité d’usages ne posait pas de difficultés particulières et répondait à une stratégie d’investissement. Notre rôle et notre promesse sont d’accompagner des investisseurs dans la constitution d’un patrimoine de qualité, puis d’en assurer la gestion. À ce titre, un premier axe important de notre stratégie est la transformation de lieux en perte d’attractivité pour en faire des sites attractifs, vivants, et qu’ils deviennent de vraies destinations. Une démarche que l’on développe de manière collégiale en tissant des partenariats de qualité. C’est le cas ici. La vision portée par Laurent depuis sa première visite du site cadre tout à fait avec cette démarche. Par ailleurs, ce programme rejoint parfaitement notre stratégie et expérience en matière d’hospitalité, un secteur où nous travaillons surtout au travers de l’hôtellerie lifestyle. L’abbaye en est un excellent exemple, car ce lieu offre bien plus que de simples nuitées.

RC : De la même façon que nous avons créé à l’automne dernier, aux côtés de la Métropole du Grand Paris, une foncière appelée à racheter des murs de commerces, nous souhaitons travailler à la redynamisation des cœurs de ville et à la promotion de l’attractivité des territoires. Environ 50 millions de visiteurs viennent annuellement en région parisienne pour voir des attractions classiques comme Versailles ou Disneyland Paris, il est donc intéressant de leur donner davantage à découvrir. C’est dans cette optique que nous souhaitions intervenir et favoriser l’attractivité de la vallée de Chevreuse. Un tel projet permet de soutenir le développement économique de ce secteur du Sud-Ouest parisien par la création de 240 emplois non délocalisables, mais aussi de manière plus indirecte, en apportant une clientèle nouvelle aux commerces
environnants.

LDG : C’est le mariage des compétences complémentaires de Paris Society et de Keys REIM qui a rendu ce projet possible. Quand j’ai expliqué ma vision de transformer l’abbaye des Vaux-de-Cernay en hôtel de campagne à mon associé d’alors, Sébastien Bazin, ainsi qu’à Pierre Mattei, ils ont partagé cette conviction et ont eu le courage d’entrer dans un projet mixte qui ne cadre pas forcément dans les cases Excel de nombreux investisseurs. Et qui d’autre que la Banque des Territoires aurait été prêt à nous accompagner dans cette aventure ? D’autant plus que nous avons signé cet actif en pleine pandémie de Covid-19, à un moment où les hôtels étaient fermés partout à travers le monde. Or, la crise sanitaire a accentué incroyablement l’envie des Français de quitter la ville le week-end et d’être au vert.
Cet établissement ouvre ses portes au meilleur moment possible. Si la tendance observée depuis l’ouverture se maintient, le succès de cette opération montrera qu’il peut être bien, parfois, d’oser sortir des sentiers battus.

© David Ctorza / CoStar
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Leur bios

Vincent Férat : diplômé de l’École polytechnique (X98), de l’École des Ponts ParisTech et de Sciences Po Paris, Vincent Férat a amorcé sa carrière immobilière chez Unibail-Rodamco-Westfield, où il a notamment exercé les fonctions de directeur des opérations en charge de la gestion des centres commerciaux aux Pays-Bas ainsi que de directeur des investissements et de l’asset management de Viparis. Passé par SCC en tant que directeur général, puis chez L Catterton comme Managing Director, il a été nommé Chief Executive Officer de Keys REIM en avril dernier. Le 12 février, par le biais d'un communiqué, Keys REIM a annoncé la fin de sa « mission » à la présidence de l'entreprise. - © David Ctorza / CoStar
Laurent de Gourcuff : diplômé de l’European Business School Paris, Laurent de Gourcuff a fondé la société Noctif, devenue depuis Paris Society en 2017. D’abord orientée vers les boîtes de nuit, sa société s’est depuis diversifiée en s’ouvrant à l’événementiel et la restauration haut de gamme. Son groupe, au sein duquel le groupe Accor a pris une participation en 2017, est derrière plusieurs adresses emblématiques de la capitale, parmi lesquelles Girafe, Coco ou Perruche, ainsi que des hôtels comme Le Refuge de Solaise et Villa M, la Cité du cinéma, à Saint-Denis, ou encore les Grands Moulins de Pantin. Début février, il a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour corruption active. Il a aussi été condamné à une interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans et à une peine d’inéligibilité d’un an. Ses avocats ont annoncé faire appel. - © David Ctorza / CoStar
Richard Curnier : titulaire d’un 3e cycle d’ingénierie financière et diplômé de l’Institut technique de banque, Richard Curnier a amorcé sa carrière en 1991 au sein de la Banque populaire Côte d’Azur avant de rejoindre huit ans plus tard la Caisse des dépôts en qualité de directeur du pôle analyse financière et production bancaire à la direction régionale Auvergne. Après avoir occupé différents postes de directions au sein de l’institution publique, notamment directeur régional Provence-Alpes-Côte d’Azur de la Banque des Territoires, il a été nommé en septembre 2021 directeur régional Île-de-France. - © David Ctorza / CoStar

Leur projet commun

C’est fort d’une conviction sur l’intérêt d’implanter en région parisienne un hôtel de campagne à l’anglo-saxonne que Laurent de Gourcuff, fondateur de l’entreprise événementielle Paris Society, est tombé sous le charme de l’abbaye des Vaux-de-Cernay, fondée en 1118 par des moines cisterciens puis, après avoir été laissée à l’abandon suite à la Révolution, redéveloppée un siècle plus tard par la baronne Charlotte de Rothschild. Pour l’accompagner dans la transformation de ce site patrimonial, situé à Cernay-la-Ville, son groupe a été rejoint dans l’aventure par la société de gestion Keys REIM, devenue en 2020 propriétaire du site au plus fort de la pandémie de Covid-19, puis par la Banque des Territoires, entrée trois ans plus tard au capital de la SCI Keys Abbaye à hauteur de 30    %.

Après plus de trois ans de travaux, Paris Society exploite ainsi depuis octobre une « maison de campagne luxueuse en version XXL »
– selon la formule de Laurent de Gourcuff – inscrite au cœur d’un parc de 65 ha et en bordure d’un étang de 9 ha. Le lieu de villégiature, dont la décoration et la direction artistique, assurée par l’architecte et décoratrice d’intérieur Cordelia de Castellane, proposera à terme 155 chambres et suites réparties entre l’abbaye, les haras et la ferme. Le site est complété par six restaurants et bars ainsi que par différents espaces communs : trois grands salons, une salle de jeux, un cinéma, une piscine et un lieu de bien-être, un kid’s club ainsi qu’une salle de karaoké.

© David Ctorza / CoStar
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Article issu du Business Immo Global 202.

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