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Les nouveaux bureaux de Korn Ferry à l’aune de la frugalité créative 

Pour le preneur à bail d’un espace de bureau, les contraintes peuvent être fortes en matière d’aménagement. Le réaménagement des plateaux parfois livrés en l’état, parfois en coque blanche, a un impact important en matière de développement durable. Car, dans tous les cas, comment faire avec l’existant plutôt que de faire tabula rasa ? Cette question, l’entreprise américaine Korn Ferry l’a posée à l’agence d’architecture Gensler qu’elle a mandatée pour la refonte de ses bureaux situés dans le Quartier central des affaires, à Paris.

 

Korn Ferry, entreprise américaine spécialisée dans le recrutement de cadres supérieurs et de dirigeants, occupe 1 700 m2 de bureaux en surplomb du Rond-Point des Champs-Élysées, à Paris 8e, depuis plusieurs années. De par son évolution depuis en intégrant la dimension de conseil, elle est obligée de repenser ses bureaux, car autant l’activité de chasseur de têtes exige de la confidentialité et de la discrétion avec un environnement de travail plutôt cellulaire, autant l’activité de conseil demande des espaces ouverts favorisant la collaboration, la solidarisation des équipes et de recruter des profils différents.
Korn Ferry se retrouve alors à la croisée des chemins en devant notamment insuffler un nouveau dynamisme à l’entreprise sur la base de locaux qui avaient peu ou pas évolué depuis plusieurs années et en sachant que la possibilité d’un déménagement n’est pas envisageable. 

 

Un cahier des charges contraignant 

Pour réaménager ses bureaux afin de répondre à ces nouvelles exigences, elle fait appel à l’agence d’architecture Gensler France avec un cahier des charges précis : 

  • Réaliser les travaux en site occupé.  
  • S’assurer que dans le phasage des travaux, rien n’empêche de recevoir des clients (en respectant, malgré le chantier, la confidentialité, la discrétion, la qualité de l’environnement et de l’accueil). 
  • Un budget limité. 
  • Faire en sorte que l’espace permette d’accélérer la transformation de l’entreprise d’activité de recrutement à celle de stratégie et de conseil. 
  • « réenchanter » le lieu de travail des collaborateurs de Korn Ferry. Qu’il s’adapte davantage aux nouvelles manières de travailler, c’est-à-dire qu’il propose plus de typologies d’environnements de travail et un cadre inspirant leur donnant envie de venir au bureau. 
  • Accompagner les collaborateurs dans le passage d’un environnement équipé de postes attitrés au flex office.

« Le client veut quelque chose d’entièrement nouveau, de frais et inspirant avec un budget très serré », explique Philippe Paré, architecte et directeur général, principal de Gensler France. « Parfois la contrainte est la mère de l’invention », ajoute-t-il. L’attitude adoptée par les architectes : regarder ce projet comme un traitement d’acupuncture. « En intervenant de manière très ponctuelle et stratégique à certains endroits, n’y a-t-il pas moyen de créer un espace qui donne l’illusion d’un remaniement complet des plateaux ? » Telle a été l’interrogation des architectes au fondement de leur projet. 

 

Un travail d’élagage 

Leur approche ? Réallouer les différentes fonctions sur le plateau, redistribuer les équipes, réévaluer le nombre de salles de réunion nécessaire, ajouter des fonctions connexes. « Nous nous apercevons qu’en fait il s’agit plus d’un travail d’élagage que d’ajout, souligne Philippe Paré. On commence par solidifier le space planning en supprimant des cloisons. » Au total, 45 % des cloisons existantes sont supprimées. Libérés de leurs longs corridors sombres, les espaces revêtent une dimension plus qualitative en donnant accès aux vues et à la lumière naturelle à tous les employés.  

L’espace est ainsi ouvert, les fonctions redistribuées, l’expérience d’accueil auparavant très formelle réimaginée. Les architectes tirent également parti des espaces existants pour phaser les travaux, comme demandé dans le cahier des charges. Soixante-dix-sept pour cent des faux-plafonds sont conservés. L’attention est focalisée sur les faux-plafonds neufs, là où l’impact visuel est fort. « En entrant sur les plateaux, autant pour les visiteurs que les collaborateurs, le coup d’œil est neuf. Ça donne le ton », complète l’architecte. 

Par ailleurs, le client souhaite réutiliser l’ensemble du mobilier existant. Les architectes en conservent 88 % et se focalisent sur du mobilier neuf dans les zones les plus visuellement importantes.  

« Fondamentalement, le client a un réel désir, à travers ce projet, c’est d’être vertueux en matière de développement durable. L’objectif est atteint, car on a réduit l’impact carbone de moitié. » Philippe Paré ajoute : « Nous avons un récit de projet extrêmement complémentaire des objectifs RSE que Korn Ferry se donne chaque année et d’attractivité et rétention des talents. Notre réalisation est la manifestation tangible des ambitions en termes de développement durable de l’entreprise. » 

 

Frugalité créative 

En termes d’aménagement intérieur, le projet se traduit dès l’accueil par une « place de village » qui s’inscrit dans une petite rotonde, un espace de convivialité dont la biophilie fait partie intégrante. Dans ce lieu, il est possible d’échanger avec les collègues, mais aussi de travailler. Cette place comprend également une tisanerie où des événements peuvent être organisés.

Les typologies des postes de travail varient du bench de six personnes dans un open space à des espaces individuels, des « pods » (des sortes d’alcôves ouvertes), des salles de réunion de différentes tailles et de la micro-architecture. Dans l’open space, des espaces à l’intérieur de l’espace permettent de briser la monotonie. Des peintures sur les faux-plafonds, des sols différents, des rideaux ou encore des bacs accueillant de la végétation sont autant de « stratégies » light mises en place pour les différencier.  

 

Avec ce projet, les architectes se sont donné comme point de départ de faire levier le plus possible avec les forces de l’existant. « Cette frugalité créative est un état d’esprit qui consiste à se poser certaines questions au démarrage du projet. Pour nous, le défi ou ce qui nous a motivés, c’est de voir comment nous arrivons à faire beaucoup avec peu, à réimaginer de nouveaux futurs avec l’existant », analyse Philippe Paré. Less is more, là aussi. 

 

 Photos : © Bertrand Fompeyrine