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Digital : L’art de la mesure

Moins ostentatoire, la technologie sur le point de vente se place au service du client. Le contenu doit justifier la présence d’écrans qui savent s’effacer pour mieux laisser parler la marque et son identité.

Cachez cet écran que je ne saurais voir. Si, pendant un temps, la transformation digitale du retail a donné lieu à une profusion de gadgets high-tech, le mot d’ordre est désormais la mesure. La technologie se fait discrète. « Les écrans sont de plus en plus plats, ils s’intègrent mieux dans le point de vente et demandent moins de place. La plupart se présentent sous la forme d’une surface vitrée, tel un miroir intelligent qui se transformerait en téléviseur », constate Christian de Bergh, CEO brand identity & architecture chez Dragon Rouge. Sur le plan esthétique, les fabricants se sont emparés du sujet en apportant aux écrans une touche sexy. « Le travail des agenceurs est de diminuer toujours plus l’épaisseur de ces équipements tout en veillant à ce qu’ils restent manipulables et accessibles à la maintenance », poursuit le CEO. Faire oublier le fonctionnel pour apporter un peu de rêve ? C’est avec un certain art de la litote que les retailers donnent de la chair à l’univers froid du numérique. « La tendance va vers une disparition des écrans. Tous les acteurs du retail s’accordent à dire que l’écran devient le smartphone du client. Ce qui compte, c’est de lui faire vivre une expérience plus sensorielle que digitale », soutient Daniel Lellouche, président et directeur de création de Workshop Retail Design. Plutôt que d’entretenir la passivité du client-spectateur, les enseignes recherchent la connexion. Objectif : rendre l’expérience d’achat plus intuitive. Aussi, le digital sort du giron du numérique et se désarticule en plusieurs éléments devenant image, son, support tactile, puce RFID, etc. « On imagine des cabines d’essayage équipées d’un voice control qui enjoindrait la vendeuse de nous apporter la bonne taille », évoque le directeur. Polymorphe, la technologie se met au service du client.

« L’intérêt du digital, c’est qu’il confère plus de flexibilité dans son utilisation »

Romain Dublanche, directeur général France d’in-Store Media

Parcours client augmenté

Outil de communication prisé des centres commerciaux, l’affichage digital se substitue au papier et informe les clients des promotions, événements, actualités. Il apporte également du service : plans interactifs, animations, jeux concours. « L’intérêt du digital, c’est qu’il confère plus de flexibilité dans son utilisation. Il est possible de diffuser une campagne publicitaire au niveau national en moins d’une heure. En outre, l’agilité du temps réel permet de contextualiser les contenus des marques », analyse Romain Dublanche, directeur général France d’in-Store Media. GoPro, par exemple, diffuse des publicités ciblées – vision au-dessus des sommets à Grenoble, sous-marine à Marseille – selon les régions. Les écrans servent à raconter une histoire : celle de la marque. Elle y imprime ses codes et son identité. Dragon Rouge a réalisé pour Maisons du Monde un mur de cinq écrans verticaux et horizontaux, positionnés derrière la ligne de caisse, qui diffusent des contenus diversifiés sur son offre, sa culture RSE, sa fondation. « Nous avons créé des boucles d’animations de deux minutes afin que le client qui fait la queue ne se retrouve pas devant un no man’s land visuel », explique Matthieu Carillon, managing director digital branding chez Dragon Rouge. Pour ce dernier, le digital a, avant tout, vocation à améliorer l’expérience client. : « C’est un outil qui apporte de la valeur à l’expérience de marque. L’utilisation de la réalité augmentée pour les extensions de stock permet par exemple d’apporter du contenu au client et de l’engager un peu plus dans l’acte d’achat », indique-t-il. Du point de vue de l’agencement du magasin, cela change aussi la donne. L’accès en ligne à l’offre complète d’une enseigne lui permet de réduire sa surface de vente. Un concept utilisé par Undiz à Toulouse et à Paris, où la totalité de l’offre est stockée en réserve mais accessible par le client via une borne digitale sur laquelle il passe commande puis reçoit ses produits dans une capsule aéropropulsée par un tuyau situé à côté de la borne (voir photo page suivante).

« Le digital est un outil qui apporte de la valeur à l’expérience de la marque »

Matthieu Carillon, managing director digital branding chez Dragon Rouge

Smart store, magasin du futur

Pour attirer les consommateurs connectés, le magasin doit faire le show. « Si l’enseigne ne parvient pas à bluffer le client, il ne bougera pas de son canapé et continuera à commander ses achats sur internet », prévient Christian de Bergh. Au fil du temps, le point de vente se transforme un peu plus en showroom. Une évolution rendue possible par le digital. La technologie promet monts et merveilles : intelligence artificielle et objets connectés sont autant d’outils qui façonnent le smart commerce et, par ricochet, la relation entre vendeur et client. « Les corvées seront prises en charge par l’intelligence artificielle et le point de vente va ressembler à un lieu d’expérience, à la découverte et à la manipulation du produit, guidé par un vendeur connecté qui connaîtra par avance les goûts du client », anticipe Daniel Lellouche. Le point de vente du futur gommera la barrière entre physique et digital qui, ensemble, vont enrichir et étendre le parcours d’achat. Cela demande toutefois une culture de la data et beaucoup d’expérimentations. Pour la digitalisation de ses centres commerciaux Carrefour, la société Carmila a ainsi construit sa démarche d’innovation et de design autour des fondamentaux de l’UX. Du parcours client aux animations sur le point de vente, en passant par des opérations de marketing digitales, tout est piloté en mode projet, façon design thinking, dans le but d’identifier les irritants et de les corriger. Depuis septembre 2017, la foncière a noué un partenariat avec l’IoT Valley, un espace dédié aux start-up. « Nous avons privilégié deux axes de travail : l’optimisation du parcours client, avec la création de nouveaux services, et la gestion de nos actifs en maîtrisant, grâce à l’IoT (internet des objets), la maintenance et l’énergie de nos bâtiments », explique Thomas Poitau, responsable marketing et innovation chez Carmila. Tantôt caché, tantôt affiché, le digital redessine le visage du commerce.