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Black / Matthias Navarro, Emmanuel Combarel & Germain Aunidas

Photos : © Fernanda Peruzzo, CoStar

Reconstruire la ville sur elle-même pour faire émerger d’une friche industrielle un campus écologique, biophile et adapté aux nouveaux modes de travail plébiscités post-Covid par les entreprises. Autant d’ambitions concrétisées par Redman et AXA IM Alts avec Black, un campus tertiaire de 47 890 m2 livré fin 2023 à Clichy. Retour avec Germain Aunidas, Global Head of Development chez AXA IM Alts, Matthias Navarro, cofondateur et CEO de Redman, ainsi qu’Emmanuel Combarel, architecte associé au sein du cabinet ECDM Architectes.

Une histoire urbaine

Germain Aunidas : Il y a dix ans, AXA IM Alts et Redman s’intéressaient à ce site du quartier du Bac d’Asnières. Le projet est d’emblée imaginé comme tourné vers la société et participant à renouveler la ville. Sur ce foncier industriel, nous proposons à la Ville de Clichy un projet tertiaire contribuant à la naissance d’un nouvel écoquartier et d’un campus urbain bas carbone unique. Après la création du parc des Impressionnistes par l’aménageur, Black agit comme une rotule, affirmant et facilitant l’accès à ce parc, devenu depuis un équipement majeur pour les Clichois. Par une série d’espaces verts en rez-de-chaussée, notre idée a été d’inscrire cet ensemble immobilier de manière cohérente, en créant un lien harmonieux avec les espaces du parc.

Matthias Navarro : Il était extrêmement intéressant dans ce projet de réinventer un foncier qui, s’il était situé en plein cœur de Clichy, n’existait absolument pas urbanistiquement. Compte tenu de son usage précédent, ce terrain était inqualifiable en termes urbains, mais aussi séparé de la ville par un mur de soutènement de 9 m. Tout notre travail a donc été de redonner une vie urbaine à ce site. Il nous a paru par ailleurs pertinent, dans un quartier à forte dominante résidentielle, d’apporter davantage de mixité et d’y ajouter différentes aménités et activités économiques. Le produit a été anticipé dès le départ pour bénéficier des qualités intrinsèques de ce site, notamment une proximité avec la nature extrêmement importante et une très bonne desserte en transports en commun. Il s’adresse évidemment aux sociétés cherchant une proximité et un accès immédiats au cœur de Paris, tout en bénéficiant de loyers modérés et des aménités d’un campus.

Emmanuel Combarel : Le rapport instauré entre les espaces de travail et la ville définit l’ADN de ce bâtiment. L’implantation à l’origine d’une usine à gaz entourée d’un mur d’enceinte de 9 m de haut faisait que, dans son organisation urbaine, la ville s’arrêtait à ce site industriel, maintenant à distance le nouveau parc. Un des enjeux majeurs de l’opération était donc de prolonger la ville et de la connecter au parc des Impressionnistes adjacent à l’ouest. 

Le concours d’architecture demandait de conserver le mur d’enceinte jugé patrimonial. Nous avons fait une proposition tendant à prolonger l’espace végétal jusqu’aux bâtiments résidentiels bordant la parcelle à l’est. Il s’agissait dès lors d’habiter la ville autant que d’habiter le parc. Cette prise de position a permis, aux côtés d’AXA IM Alts et de Redman, de redéfinir une densité qui nous semblait compatible avec les qualités intrinsèques du site telles que le magnifique parc attenant ou la gare tout à proximité. Nous avons ainsi déterminé la bonne jauge pour cette opération, qui totalise 47 890 m2 répartis sur deux bâtiments indépendants, tout en aménageant 9  000 m2 d’espaces extérieurs ouverts sur la ville, dont plus de 4 000 m2 en pleine terre.

De nouvelles attentes 

MN : En ligne avec la vision de l’immobilier tertiaire que nous portons depuis plus de dix ans, nous avons conçu cet immeuble un peu comme une université. C’est un hub, un lieu à fort trafic, et c’est pourquoi son socle comme son sommet sont des espaces de vie actifs et non des espaces d’ornement. Entre les deux, les utilisateurs étudient, se rencontrent, échangent et créent au sein d’espaces de concentration. Il est certain que le monde tertiaire change, aussi cet immeuble doit donner le petit plus qui fait que l’on construit mieux ensemble sur place qu’en étant à distance. C’est exactement l’attente des grands utilisateurs comme des petits, car pour toutes les entreprises, la question de l’attractivité des talents est au cœur des réflexions immobilières. Et pour faire revenir les collaborateurs au bureau de manière pérenne, il faut leur proposer une expérience qu’ils n’auront pas la capacité de vivre en télétravail.

EC : Aujourd’hui, nous devons construire des bâtiments qui doivent être pensés comme des cadres de vie. Black fait écho à un certain nombre d’attentes que l’on voit poindre autour de nous et met en exergue l’idée que le travail doit être un lieu d’épanouissement. La pandémie de Covid-19 a été le révélateur d’une réalité claire : de façon générale, les gens ne veulent plus être mis en boîte et l’opposition travail/loisirs est aujourd’hui moins à propos. Ici, les différents volumes sont traversés par des rues intérieures en premier jour pour que l’ensemble tertiaire soit toujours animé et en relation avec le paysage extérieur. Nous voulons que les gens se croisent, discutent, échangent… Cette ouverture et cette transparence constituent une révolution en comparaison avec ce que l’on peut par exemple voir sur les immeubles d’ancienne génération de La Défense, où l’opacité d’un bâtiment donne un message très ambigu sur ce que peut être un lieu de travail et évoque de fait un endroit fermé et replié sur lui-même. C’est tout le contraire des valeurs que porte Black.

GA : En tant qu’investisseur et développeur de lieux, nous définissons la qualité et les caractéristiques de nos actifs, notamment en lien avec l’évolution du secteur et nos observations européennes. Le positionnement de Black répond à de nouvelles attentes de marché : il propose notamment des aménités uniques et intègre des ambitions de développement durable importantes en réponse aux attentes accrues des utilisateurs. Ce campus urbain a été pensé pour être connecté à la nature tout en se tournant vers le centre-ville de Clichy et vers Paris, qui se trouve à 1 km. Sa proximité immédiate avec la gare de Clichy-Levallois permet de rejoindre Saint-Lazare en quelques minutes. Grâce à l’anticipation prise en amont du lancement de projet, mais aussi aux adaptations successives effectuées pour tenir compte de l’évolution du marché, et notamment, courant 2020, de son repositionnement bas carbone, Black se place parmi les projets les plus ambitieux d’Île-de-France.

Des ambitions durables

MN : Quand il y a une volonté, il y a un chemin. Durant la pandémie de Covid-19, nous nous sommes donné l’objectif de réduire drastiquement l’empreinte carbone de ce bâtiment. D’une base déjà assez performante d’environ 100 kg de CO2 sous le seuil moyen attendu à l’époque, nous sommes allés chercher des réductions supplémentaires, notamment en passant à une structure mixte alliant le béton bas carbone et le bois ainsi qu’en utilisant pour la façade du bois brûlé Yakisugi plutôt que de l’aluminium. Nous avons aussi cherché à réduire au maximum l’usage de matériaux superflus ainsi qu’à maximiser l’utilisation de matériaux recyclés. Tous ces efforts nous permettront d’obtenir le label BBCA, ce qui fait de Black une opération pionnière étant donné sa taille conséquente.

GA : Nous portons une attention particulière au bien-être des utilisateurs, mais aussi à la contribution de cet ensemble immobilier à son environnement direct et indirect. Aussi, en ligne avec notre stratégie d’investissement et de développement responsable, Black illustre l’expertise reconnue d’AXA IM Alts en matière de développement immobilier et intègre d’ambitieuses cibles ESG, notamment de sobriété énergétique, d’empreinte carbone et d’ouverture sur la ville. La combinaison attractive du haut niveau d’ergonomie et de services et de la performance environnementale fait de cet ensemble un immeuble de référence.

EC : L’architecture met en scène les interrogations et les attentes d’une société. C’est pourquoi une démarche architecturale se doit d’être caractéristique d’une époque et la représente d’un point de vue technique, politique et culturel. Nous vivons un moment extrêmement intéressant où les questions environnementales sont centrales. Elles sont cependant très complexes parce qu’évolutives. Nous tâchons donc de concevoir des lieux dont l’équilibre répond de façon cohérente aux questions constructives ou morphologiques actuelles. Pour s’inscrire dans une démarche bas carbone, le bâtiment doit être compact, concentré et minimal dans sa consommation de matériaux. Ceci est un terrain d’aventure et d’exploration fantastique ! 

Leurs bios

Germain Aunidas

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur de CentraleSupélec, Germain Aunidas a débuté sa carrière au sein du groupe Bouygues, puis chez Sodearif en tant que directeur de projet. Passé en 2011 chez Unibail-Rodamco en tant que directeur de projets de développement d’actifs commerciaux, de bureaux et multi-produits, il rejoint AXA IM Alts en 2014 comme Deputy Head of Development. Deux ans plus tard, il est appelé à remplacer Jean-Manuel Rossi en tant que Global Head of Development.

Matthias Navarro

Diplômé de l’université Paris 2 Panthéon-Assas et de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Matthias Navarro a amorcé sa carrière en 2000 au sein du groupe Batigère avant de rejoindre l’année suivante le Groupe Duval en tant que directeur juridique et directeur des investissements. En 2007, il s’associe à Nicolas Ponson pour fonder le groupe Redman, dont ils sont toujours codirigeants. Devenu en 2020 une société à mission portant pour ambition de développer une ville bas carbone et inclusive, son groupe est en outre le premier promoteur immobilier français à avoir obtenu la labellisation BCorp.

Emmanuel Combarel

Architecte DPLG diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles, Emmanuel Combarel a quitté en 1993 son poste de chef de projet chez Jean Nouvel afin de fonder, aux côtés de Dominique Marrec, l’agence Emmanuel Combarel Dominique Marrec Architectes. Lauréate la même année des Albums de la jeune architecture, l’agence développe depuis une architecture simple, sobre, directe, inscrite dans les thématiques environnementales et sociétales, intégrant le paysage, les usages, les modes de vie ainsi que la question de la matérialité comme autant d’éléments structurants de ses projets.

Leur projet commun

En lieu et place d’une usine à gaz dont le mur d’enceinte de 9 m de haut venait diviser l’espace urbain de Clichy, AXA IM Alts et Redman livreront en fin d’année, dans le prolongement du parc des Impressionnistes aménagé par Citallios au sein de la ZAC du Bac d’Asnières, un campus tertiaire de 47 890 m2. Divisé en deux bâtiments indépendants de 17 000 m2 et 30 000 m2 environ, le complexe pensé par l’agence ECDM Architectes déroulera sur sept étages des espaces de travail flexibles répartis sur une série de volumes traversés par de longs couloirs, véritables rues intérieures faisant la part belle à la lumière en premier jour. En rez-de-chaussée, 314 m2 de commerces seront aménagés autour de deux halls indépendants. Signe de l’importance accordée par Black aux services, l’immeuble proposera sept concepts alimentaires.

Bardée de certifications environnementales (BBCA, Breeam, BiodiverCity, HQE, E+C-, Osmoz, R2S et WiredScore), l’opération a été revue et corrigée durant la crise sanitaire afin d’améliorer au maximum son empreinte carbone. Parmi les progrès notables figurent l’adoption d’une structure mixte alliant le béton bas carbone et le bois ainsi qu’une façade de bois brûlé Yakisugi. Biophile assumé, l’immeuble comporte 9 000 m2 d’espaces extérieurs répartis entre de multiples balcons, jardins et terrasses.


Article issu du Business Immo Global 201.

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