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Carte blanche à… Vincent Lavergne Architecture Urbanisme (VLAU)

L’agence Vincent Lavergne Architecture Urbanisme (VLAU) vient de livrer le siège de l’Office national des forêts (ONF), à Maisons-Alfort. L’occasion de rencontrer son fondateur, architecte d’une génération pour laquelle s’inscrire dans la transition écologique va de soi… 

Fondée en 2016, l’agence Vincent Lavergne Architecture Urbanisme articule ses projets et ses recherches autour des processus de fabrication de la ville dans leurs dimensions sociales, économiques et écologiques. L’agence compte bien sûr des architectes et des urbanistes, mais également un charpentier et des collaborateurs venus de Sciences Po, des sciences sociales et humaines. À sa tête : Vincent Lavergne, lauréat des Albums des jeunes architectes et du Palmarès des jeunes urbanistes en 2012, des prix dédiés aux jeunes concepteurs. Il porte haut les valeurs de son agence, conscient de vivre une période charnière de l’architecture à l’heure de la transition écologique. 

En finir avec la modernité

« Nous nous positionnons comme la génération qui en a fini avec la modernité et qui propose d’opérer une hybridation dans la perspective d’une transformation écologique majeure », pose l’architecte et urbaniste. Une génération pour laquelle la transformation de l’existant, et plus largement de la ville, fait autant sens que construire en neuf. « Nous ne nous inscrivons pas dans l’idée d’une architecture et son créateur, mais dans celle de son intégration au sein d’un écosystème et de relations », soutient Vincent Lavergne. Avec son agence, il œuvre par exemple à ce que le patrimoine hérité du XXe siècle ne soit pas frappé d’obsolescence, mais adapté aux nouveaux impératifs de développements écologiques, sociaux et économiques. 

En 2022, VLAU a livré la tour Watt, un bâtiment d’ICF Habitat hérité des Trente Glorieuses qui abritait un foyer et transformé en résidence sociale, dans le 13e arrondissement de Paris. Le projet a consisté à reconfigurer le socle de la tour, à l’habiller d’une nouvelle façade et à la surélever de manière à augmenter la surface de logements et à créer des terrasses privatives ou collectives. « Cette architecture de béton datant des années 1970 n’est pas une fatalité, explique l’architecte. Nous y avons ajouté nos valeurs urbanistiques : mixité de programme (restaurant, logements, bureaux ou commerces…), de système constructif, avec une extension en bois de quatre niveaux, et sociale, car le bâtiment abrite différents types de logements. »

Mixité : la règle des trois

Le choix de préserver ce bâtiment et de le transformer s’inscrit dans les valeurs environnementales de VLAU, avec notamment la limitation de l’empreinte carbone. La mixité compte parmi les autres valeurs de l’agence et se décline en trois volets. Tout d’abord, la mixité d’usages comme critique de la ville moderne basée sur la sectorisation en zones (consommation, habitat, travail, etc.) reliées par de vastes infrastructures dévolues à la voiture thermique. La mixité des systèmes constructifs ensuite. Le béton, s’il s’inscrit dans la culture du XXe siècle, est un matériau qui s’érode, ne symbolise plus la permanence ni la vertu environnementale. Son utilisation peut être réduite au bénéfice d’autres matériaux qui permettent de développer des filières plus artisanales telles que celles du bois et de la pierre pour assurer la transition écologique. « Nous voulons faire évoluer les systèmes constructifs en formant par exemple les ouvriers, complète Vincent Lavergne. En passant du béton au bois, par exemple, nous constatons une amélioration très significative de leurs conditions de travail : réduction du niveau sonore des chantiers, manipulation du bois plus facile que celle du béton… » Troisièmement, la mixité sociale qui découle des mixités d’usage et constructive. Comment adapter la ville à de nouveaux impératifs de développement : les aspirations des habitants (vivre mieux, accéder au logement, aux différentes mobilités, à plusieurs types de programmes, la qualité du bâti…) ? « Avec ces trois échelles, la mixité nous permet d’aborder plusieurs champs disciplinaires en intégrant la dimension matérielle de l’architecture, mais aussi immatérielle, notamment la ville du quart d’heure, la capacité à associer des bâtiments productifs à une dimension urbaine, l’image de la ville dans la société… »

Le siège de l’ONF, couture urbaine

Situé à Maisons-Alfort, le siège de l’Office national des forêts (ONF) que VLAU vient de livrer en collaboration avec l’Atelier WOA semble cristalliser la plupart de ces ambitions et recherches. Prenant le contrepied de la tour de béton abritant jusque-là l’institution avec des bureaux cloisonnés, symptomatique de l’architecture fonctionnaliste des Trente Glorieuses, le nouveau bâtiment se déploie en une succession de plans horizontaux créant des liens visuels entre la ville et le parc de l’École vétérinaire. Construit en bois issu des forêts françaises gérées par l’ONG autour d’un noyau en béton, le bâtiment développe deux ailes reliées par une « rue intérieure ». L’une est alignée sur la rue et abrite des bureaux cloisonnés, et l’autre en étage, s’ouvrant sur le parc arboré et réunissant des espaces de travail collaboratifs baptisés « la Maison ONF ». Cette dernière offre une multitude de formes d’appropriations grâce à des espaces qui permettent de s’isoler ponctuellement via des dispositifs d’îlots ou de bulles, ou au contraire de se regrouper dans les open-spaces étagés qui créent une topographie hors-norme. « Nous avons pensé l’édifice comme un lieu social où le collectif serait le maître mot avec des espaces collaboratifs et de nombreuses connexions visuelles », analyse Vincent Lavergne. « Le bâtiment propose une promenade à l’intérieur pour continuer la ville. Il permet de recoudre le tissu urbain, de résoudre les ruptures, de réduire les carences », ajoute-t-il.

Avec le siège de l’ONF, les concepteurs se positionnent comme « les petits agents transformateurs d’un organisme beaucoup plus grand et non pas des artistes qui posent des sculptures dans l’espace public », conclut Vincent Lavergne qui, en observant les tours Duo au loin, ajoute : « Une génération nous sépare. Contrairement à ces tours, en cas de panne générale, notre bâtiment continue de fonctionner… »  

© Sergio Grazia
© Sergio Grazia
© Sergio Grazia
© Sergio Grazia

Article issu du Business Immo Global 189.

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