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« L’imperméabilité des sols urbains soulève de nombreuses questions »

Photo à la Une : © Yann Monel

Wagon Landscaping maîtrise l’art de faire pousser les plantes et butiner les abeilles en milieu urbain, à la place du bitume. Cette agence de paysage a développé un savoir-faire en matière de désimperméabilisation des sols, fruit de nombreuses expérimentations. Explications avec François Vadepied, son cofondateur.

Business Immo Global : Pourquoi désimperméabiliser les sols urbains ?

François Vadepied : Les sols des villes sont en grande partie scellés, dans le sens où ils accueillent peu de végétation et l’eau est chassée dans les réseaux extrêmement rapidement. Au regard du changement climatique et de la biodiversité, cette imperméabilité soulève de nombreuses questions. Et de vrais problèmes, car la ville très minérale crée des îlots de chaleur. Une des solutions pour lutter contre ceux-ci consiste à redonner de la perméabilité à la ville afin de rendre les sols vivants et de laisser l’eau s’infiltrer. Car un sol vivant a la capacité d’absorber de l’eau, mais aussi de restituer de la fraîcheur via les plantes et l’évapotranspiration.

BIG : Comment opérez-vous chez Wagon Landscaping pour désimperméabiliser les sols ?

FV : Il suffit d’enlever la surface imperméable de la ville pour la transformer en sol perméable et fertile. Les projets que nous réalisons en la matière chez Wagon Landscaping depuis une douzaine d’années sont assez expérimentaux. Nous essayons de travailler sur cette matière du sol – c’est-à-dire à la fois sa surface (l’enrobé) et ses sous-couches (les graves) – pour obtenir un sol perméable à partir de celle-ci et la refertiliser. Notre objectif est de réduire les coûts le plus possible, réaliser des projets dans un temps court, gérer le recyclage des matériaux in situ. Avec cette approche, nous pouvons également concevoir un projet, recréer du paysage, accueillir de nouveaux usages. Dans un grand espace minéral, par exemple, nous pouvons faire des découpes qui dessinent le paysage. 

BIG : Pouvez-vous illustrer avec quelques-unes de vos réalisations ?

FV : À la Cité maraîchère, à Romainville, nous sommes intervenus sur une parcelle qui appartenait à la ville, un ancien centre technique implanté en cœur d’îlot. Nous avons travaillé sur la désimperméabilisation des espaces pour concevoir le jardin qui accueille les bacs de production maraîchère. Nous avons réutilisé les enrobés comme un paillage pour accompagner les plantations. Même minérales, les plaques d’enrobé permettent en effet de garder l’humidité et de protéger les jeunes plantes.
Dans le cadre de la plate-forme Faire du Pavillon de l’Arsenal, nous avons créé Asphalt Jungle, un jardin dans une cour d’immeuble du 11e arrondissement de Paris qui intègre les matériaux in situ.
À Aubervilliers, nous avons imaginé le jardin Joyeux, en lieu et place d’un parking abandonné. Dans l’attente d’un nouveau projet urbain, nous avons transformé ce chaos en un jardin de rocaille de 1 600 m2. Avec plus de 150 espèces de plantes, c’est un jardin hybride entre la friche et le jardin botanique…

Avec ces projets, nous avons cherché à déjouer l’idée qu’il fallait absolument disposer d’une terre agricole pour planter de la végétation en milieu urbain. Alors que beaucoup de plantes se développent dans les terrains pauvres. La biodiversité et la frugalité en eau dépendent justement de ces plantes-là. Trouver de nouvelles méthodes de plantation et d’entretien implique aussi un changement de regard des habitants et des élus sur leur paysage urbain. Mais ça, c’est une autre question…


Article issu du Business Immo Global 199.

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